Interview de Gilles Legardinier : D'ici à l'éternité
Le roman de Gilles Legardinier "Pour un instant d’éternité" paru chez Flammarion en octobre 2019, lui a permis d’exprimer encore un peu plus son instant d’éternité par le biais de l'écriture. Il gardait en lui depuis longtemps cette fascination pour les nouveaux procédés techniques (comme la Tour Eiffel mais pas seulement) à l’époque de l’Exposition universelle de 1889, qui célébrait le centenaire de la Révolution française, sans oublier les hommes et les femmes qui découvraient un bouleversement technologique sans précédent. Tous ces thèmes sont abordés dans son ouvrage "Pour un instant d’éternité" à travers son personnage principal, Vincent Clavel, grand spécialiste avec son équipe dans la conception de passages secrets. Giorgio Moroder compositeur accompli, célèbre pour avoir lancé et produit la divine Donna Summer et écrit entre autre la célèbre bande originale en 1978 du film "Midnight express" d’Alan Parker, chantait en 1977 "From here to eternity". Les paroles traduites de ce titre ci-dessous, auraient pu faire allusion à la littérature qui porte désormais l’écrivain Gilles Legardinier.
La sincérité que l'on retrouve dans tous ses romans, s’exprime à nouveau dans cette interview sur Humanvibes… pour l’éternité.
D'ici à l'éternité,
C'est là qu'elle m'amène
D'ici à l'éternité,
Elle le fait, elle le fait, elle le fait, elle le fait
D'ici à l'éternité,
C'est là qu'elle me mène
D'ici à l'éternité,
Avec amour, avec amour, avec amour, avec amour
Giorgo Moroder – From here to eternity
Traduction https://lyricstranslate.com/fr/here-eternity-dici-%C3%A0-l%C3%A9ternit%C3%A9.html
Gilles Legardinier Pour un instant d'éternité – Flammarion
Gilles Legardinier, bonjour. Votre roman "Pour un instant d’éternité" paru aux éditions Flammarion se déroule pendant l’Exposition universelle de 1889. Pourquoi avoir choisi cette époque ?
D’abord parce que mon héros, Vincent, est créateur de passages secrets, et que la fin du XIXe siècle constitue l’âge d’or de cette spécialité. La noblesse pouvait encore s’en offrir et les nouveaux riches – les industriels – en avaient besoin, car souvenez-vous qu’à cette époque, vous deviez garder vos trésors ou votre fortune chez vous. En travaillant sur cette période, j’ai été frappé par la similitude qu’elle présente avec la nôtre : des clivages sociaux violents, une population déboussolée par des révolutions techniques, des attentats, et un vrai questionnement sur le futur. L’Exposition universelle concentre tous les points forts de cette période : la fascination pour le modernisme et la peur du futur étroitement mêlées. C’est bien plus qu’un décor, c’est un cas de conscience !
Regrettez-vous que la France ait retiré sa candidature à l ‘Exposition universelle de 2025 ? [C’est Osaka au Japon qui l’organisera du 3 mai au 3 novembre 2025, NDLR]
Très franchement, je n’ai pas ce genre de chauvinisme. Étant donné la vitesse à laquelle les infos circulent de nos jours et la vitesse à laquelle les inventions se répandent dans le monde, ce genre de manifestation n’a plus l’importance qu’elle pouvait avoir lors de sa création. On assiste davantage à des démonstrations tapageuses, à des mises en scène qui n’apportent pas grand-chose et qui sont de véritables désastres écologiques. En octobre de cette année, une autre Exposition universelle se déroulera bien avant celle d’Osaka, à Dubaï, où je me trouvais voilà quelques semaines, et le gigantisme des préparatifs est impressionnant, mais je ne sais pas si le monde s’en portera mieux. C’est pourtant de cela que nous avons besoin.
À travers votre héros, Vincent Cavel, je note l’importance de donner un sens à sa vie. Finalement, n’abordez-vous pas le thème du développement personnel ?
Le "développement personnel" est un concept facile, une petite case qui permet d’enfermer des produits là où les gens s’attendent à les trouver. Je parle de la vie, de ce que je ressens, je suis auteur, pas fabriquant de concepts en vogue. Ces étiquettes m’ennuient parce qu’elles génèrent un "prêt-à-penser" réducteur. J’écris pour des gens qui ressentent. Les fables et les romans sont faits pour cela. La Fontaine, Hugo, Dumas – auxquels je ne me compare certainement pas – faisaient-ils dans le développement personnel ?
Jean-Eugène Robert-Houdin (1805-1871), grand illusionniste et prestidigitateur français, constructeur d’automates, est très présent dans votre roman. Qu’est-ce qui vous attire en lui ?
Le fait qu’il soit un génie, un homme à l’intelligence exceptionnelle qui ait œuvré dans de nombreux domaines dont le plus ludique est la science de l’illusion. Il est aussi injustement méconnu parce qu’un homme qui se faisait appeler Houdini – il lui a même pris son nom ! –, l’a littéralement pillé pour faire carrière aux USA. L’Histoire a retenu le nom du copieur, et tout le monde a oublié le vrai. Jean-Eugène Robert-Houdin est très présent dans mon livre, même s’il n’est pas un des personnages principaux. J’espère aussi donner envie aux gens de découvrir qui il était à travers tout ce que je raconte de lui.
Finalement, un écrivain n’est-il pas aussi à sa manière un grand magicien ?
J’aime beaucoup l’idée, mais nous devons encore nous garder des généralités. Certains illusionnistes, comme certains auteurs, manipulent avec plus ou moins de talent les mécanismes de l’émotion pour en jouer afin de berner le public. Pour ma part, un peu comme Robert-Houdin, mon but n’est pas de berner ou de jouer sur des ficelles, mais de partager des sentiments d’émerveillement que la vie procure quand elle est vraie.
Vous avez travaillé dans le cinéma comme maquettiste de modèles réduits, n’avez-vous pas, comme dans votre roman, élaboré des passages secrets pour décor ?
En travaillant dans le cinéma, j’ai effectivement commencé par travailler sur des décors miniatures, et j’ai adoré ça. Je travaille toujours pour le cinéma, mais cette fois sur tout ce qui touche à l’écriture ou la communication. J’aime l’idée d’être au service d’une œuvre collective.
J’ai beaucoup apprécié la reconstitution de la vie à Paris en 1889. Racontez-nous votre collaboration avec votre fille Chloé, qui a pris une grande part dans les recherches préparatoires de votre roman…
Parler d’une époque exige de la connaître un minimum, et je ne voulais pas procéder comme on le fait trop souvent, en me contentant des images et des documents abondants qu’offre une époque un peu plus tardive, celle du début du XXe siècle. Je voulais la vérité de cette période-là. Alors j’ai lu, j’ai visité des archives, rencontré des spécialistes pour me construire une culture de l’époque. La masse de documentation était telle qu’après quelques années – j’ai préparé le livre sur huit ans – j’ai proposé à ma fille Chloé de me rejoindre. Parce qu’elle a le goût de la recherche et une vraie curiosité. Nous avons travaillé plus de trois ans ensemble, elle est devenue très pointue sur ces années-là. On a parfois passé des semaines à préciser des détails que je n’ai finalement pas utilisés parce que nous n’étions pas dans le documentaire. L’aventure humaine et le sentiment devaient rester au centre de tout. Mon but n’était pas d’impressionner ou d’étaler des connaissances, mais d’émouvoir et de surprendre. L’expérience partagée a été extraordinaire à vivre.
La mémoire, l’Histoire avec un grand H, sont des thèmes qui vous passionnent. Vous auriez la possibilité de faire un voyage dans le temps, quelle époque choisiriez-vous et pourquoi ?
Ce genre de question n’est qu’une abstraction impossible à réaliser. Pourquoi perdre son temps à réfléchir sur ce qui est hors de notre portée ? Ma vraie question, quotidienne, profonde, consiste à savoir comment trouver et valoriser chez d’autres, à notre époque, les valeurs qui me touchent et que j’espère partager. C’est ce que je fais avec mes livres, je lance des ponts vers les gens. Aujourd’hui.
Vous alternez avec succès tous les genres de la littérature, comédie, fantastique, thriller, BD. Que vous reste-t-il à explorer ?
Je ne raisonne jamais en termes de genres. Là encore, ce sont des étiquettes. Mes romans parlent toujours de gens qui doivent comprendre quelque chose de la vie ou d’eux-mêmes pour pouvoir survivre. C’est notre histoire à tous. Apprendre pour continuer. Il peut s’agir d’une jeune femme, d’un vieil homme, d’une bande d’ados, ou d’un créateur de passages secrets qui cherche à protéger ceux qu’il aime dans un monde qui change brutalement. Mon genre de littérature, c’est l’humain !
Vous commencez toujours vos romans par : "Il faisait nuit, un peu froid." Par quelle phrase feriez-vous débuter un roman qui se déroulerait en Martinique en hiver par 29° ?
Il fait nuit aussi à la Martinique et pour eux, il fait froid par rapport à l’été. Votre question réjouissante a le mérite de nous montrer que toute perception est relative. Seul le sentiment est universel.
Le contact avec vos lecteurs est primordial. Comment bien continuer à entretenir de vraies relations humaines depuis l’avènement des réseaux sociaux ?
Chacun joue le jeu qu’il veut. Moi, je ne fais pas semblant. Les réseaux sociaux sont une illusion qui berne beaucoup de monde. Je privilégie le vrai contact, les vrais regards, les mots, l’écoute et l’échange. Le reste n’est pas la vie et nous en prive.
Et pour finir, vous avez déclaré [Figaroscope du 13 au 19 novembre 2019, NDLR] que certains de vos instants d’éternité sont le moment où vous écrivez et lorsque vous racontez une blague foireuse. Pourriez-vous nous faire partager un de ces fameux instants d’éternité, en nous racontant une histoire drôle… donc à priori foireuse.
Ce que j’ai dit – peut-être mal retranscrit – c’est que j’aime orchestrer des blagues, pas en raconter. Je prépare mes coups toujours avec bienveillance afin de faire surgir l’inattendu dans la vie de ceux que j’aime. J’ai le goût de ça. La vie est dure, il faut l’illuminer chaque fois que c’est possible, avec un livre ou un gentil complot. En plus, j’adore voir la tête des gens à qui je prépare des surprises. Je le fais parfois aux lectrices et aux lecteurs. J’aime ça. C’est de cela que l’on se souvient dans une vie. Beaucoup de gens m’ont fait de belles surprises, je ne fais que perpétuer la tradition, même si ça fait parfois quelques dégâts !
Gilles Legardinier, merci.
Merci à vous.
Propos recueillis le 08/02/20
Et pour aller plus loin :
Interview du "Tac au Tac" de Gilles Legardinier sur Humanvibes
http://www.humanvibes.com/content/interview-du-tac-au-tac-de?ck=
Site officiel de Gilles Legardinier
http://www.gilles-legardinier.com/
Merci pour cet instant Mr Gardinier !
France 3 Provence-Alpes Côte d'azur(2019) – Gilles Legardinier -YouTube
La Saint-Valentin vient à peine de s'achever, il était donc intéressant de retrouver Pascale et Gilles Legardinier pour leur livre "Les phrases interdites si vous voulez rester en couple" aux éditions J'ai Lu
France 3 Bretagne(2019) – Pascale et Gilles Legardinier – Youtube
Titre de Giorgio Moroder "From here to eternity"
Giorgio Moroder(1977) – From here to eternity – YouTube
Marc / Humanvibes
Publié le 18/02/20