Interview de Marc Veyrat : La Haute-Savoie s'invite à Paris ! (2/2)
MB(2017) – Rural – Marc Veyrat – Paris
Suite et fin de l’interview du Chef cuisinier Marc Veyrat au restaurant Rural le 19/09/17.
Ne trouvez-vous pas que l’on organise de plus en plus de manifestations liées à la cuisine comme bientôt la 7ème fête de la gastronomie parisienne du 22 au 24 septembre, ou la 28ème semaine du goût du 09 au 15 Octobre, ou "Tous au restaurant" en ce moment qui sont désormais bien installées. C’est dû à quoi ? À de l’esbroufe bien faite ou à une réelle envie d’ouvrir les gens aux métiers des artisans et des commerçants ?
Je pense que les cuisiniers sont porteurs d’un beau message, un message de bonheur, de convivialité et de partage, mais il faut que les pouvoirs publics nous aident parce que je vous dis qu'une partie des produits c’est de la supercherie ! Il faut que les gens en prennent conscience, et ça nous amène un tas de maladies. On ne mange plus aujourd’hui comme il y 30 ou 40 ans ! J’ai eu la chance d’avoir un père qui était paysan qui avait un potager et qui avait un vrai respect de la terre et jamais cela ne lui serait venu à l’idée d’y mettre du perlimpinpin !
Perlimpinpin, mot devenu très célèbre ! (rires.)
Oui, oui…
Qu’attendez-vous des Etats généraux de l’agriculture et de l’alimentation ? Vous avez été sollicité ?
Non. Je n’attends pas grand-chose. Tant qu’on ne sauvera pas la petite agriculture, les petits et moyens paysans et entrepreneurs…
Rural, est-ce un retour aux sources, et finalement le lieu gastronomique que vous avez toujours eu au plus profond de vous même envie de créer ?
C’est un aboutissement à Paris. Nous sommes respectueux des prix et on a mis un système en place qui nous fait venir en grande partie des produits de Haute-Savoie bien de chez nous. En tous les cas on peut faire des erreurs, mais nous essayons d’être sincères.
En 3 mots comment faire une bonne cueillette d’herbes sauvages en respectant l’environnement ?
Et bien c’est simple. Avant de cueillir n’importe quoi, il faut contempler. Après on se met à genoux, si on ne connaît pas on hume, on touche…C’est comme une femme ça ! Et après tout à fait à la fin, on l’a consomme. C’est pour moi une forme de respect.
Ah !
Mais la consommation ne vient qu’en dernier lieu…
Un nouveau concept sur la découverte de soi à travers la cuisine-thérapie vient d’apparaître où l’on parle de bien-être à table. Qu’en pensez-vous ?
Heureusement qu’il y a des gens bien ! J’espère qu’ils sont majoritaires encore, mais si vous enlevez tout ça c’est la plus belle des thérapies. Si jamais on avait des produits trop sains, on n’aurait plus de travail !
Vous êtes en quelque sorte le docteur Freud de l’alimentation ?
Oui, mais alors on n’aurait plus mal nulle part, vous vous rendez compte ? (Sourire.)
(Rires.) Alors… Imaginons que vous ayez un bandeau sur les yeux, seriez-vous à même de percevoir seulement aux sons et aux odeurs tout ce qui ce passe autour de vous ?
Oui, mais vous savez que j’ai eu un observatoire du goût qui a été créé il y a une vingtaine d’années avec des copains. Les sens, c'est hallucinant ! Si je vous bouche le nez, que je vous ferme les yeux, que je vous mets dans les oreilles tout ce qu’il faut, je vous garantis que vous buvez de l’eau de vie comme de l’eau ! Donc cela peut devenir dangereux. Non, ce qui prouve que le système humain, que le créateur du système humain, c’est diabolique ! Si vous vous bouchez le nez, c’est complètement différent ! C’est extraordinaire ! Et vous savez le plus difficile c’est la couleur…L’œil, c’est magique ! Parce que je vous garantis qu’en fermant les yeux le plus difficile à deviner c’est entre le vin blanc et le vin rouge. Le corps humain est une véritable machine, c’est époustouflant !
Vous verriez vous à la tête de la restauration du Palais de l’Elysée ?
Oui, cela dépend…Oui bien sûr. Moi, j’ai un super copain qui est là-bas qui s’appelle Monsieur Gomez et je trouve qu’il fait un travail formidable. C’est un garçon extraordinaire ! Et il est bien où il est. D’ailleurs je suis invité à sa table auprès du Président dans quinze jours, ça me convient.
Nous avons évoqué sur notre site Humanvibes les plantes, les fruits, les fleurs, et les légumes du Moyen Âge à travers une chronique médiévale de J.C.Barrandon, grand connaisseur de cette période ( http://www.humanvibes.com/category/art/contents). Vous êtes vous intéressé au "Capitulaire de Villis", plus ancien texte médiéval qui date de l’an 800 sous le règne de Charlemagne, et qui est une ordonnance – ce mot là est vraiment d’actualité – décrivant comment on doit cultiver les terres du roi à travers 94 plantes ?
C’est tout simplement formidable !
Vous connaissez donc "Le Capitulaire de Villis" ?
Oui. C’est avant-gardiste ! C’est un beau message, mais vous savez un de mes plus grands souvenirs, c’est avec Paul Bocuse et Troisgros. Nous avions fait "Le festin de Babette"…
Comme le film ?
Le film ? Non…
La pièce ?
Oui, on avait fait le repas de la pièce de théâtre, c’était ex-tra-or-di-naire ! Voilà les messages forts ! Comme ceux dont vous venez de parler, et en parlant de message, je me souviens toujours…Vous savez la terre il faut l’aimer…(pensif.) Et mon père disait toujours…C’était un petit paysan…Il était pauvre mon père…au début…Il disait : La terre il faut l’aimer. Quand on l’achète elle nous appartient…Quand on la vend on la perd. C’est formidable, c’est de la philosophie paysanne… Quand on l’achète elle nous appartient. Cela veut dire qu’il vaut mieux en avoir un peu plus, et si jamais on vend ce bien là, on vend son cœur ! On vend son âme ! Ça, c’est le monde de toujours…
Dernière question, pouvez vous imaginer la cuisine de 2050 ?
Moi, je trouve que la cuisine du futur, ça ne sera pas celle que l’on croit…Je crois de plus en plus à un retour fracassant du jardin, du potager, du coin de terre, de l’appropriation de la terre en se disant que nous ne sommes que des locataires et qu’il faut en prendre soin. Et vous allez voir que tout va décoller ! La culture alimentaire va se mettre au diapason de tout ça, et il va y avoir une FORTE respectabilité de l’alimentation ! Vous savez, je vous le répète, je suis un homme très optimiste.
Marc Veyrat, merci.
Merci.
Propos recueillis le 19/09/17 à l’établissement Rural de Marc Veyrat, 2 Place de la Porte Maillot, 75017 Paris. http://www.rural-paris.com/
Lien vers la 1ère partie de l'interview
Remerciements à Virginie Audebert, attachée de presse de l'établissement Rural chez Pascale Venot – Bureau de Presse, qui a fait que cette rencontre ait pu avoir lieu.
Et pour aller plus loin :
Interview du "Tac au Tac" de Marc Veyrat sur Humanvibes
Site de Marc Veyrat
Site de la fondation de Marc Veyrat
https://www.fondation-marcveyrat.fr/
Site de la société Reitzel
https://www.groupe-reitzel.com/fr/notre-entreprise/reitzel-dans-le-monde/reitzel-france
À la fin de l’interview, nous nous levons, et je donne mon pot de cornichons à Marc Veyrat
Tenez, ce sont des cornichons que je fais moi-même !
Non !
Si, si !
Je ne vais pas les goûter tout de suite, mais vous savez que c’est drôle ce que vous faites là ?
Ah ! Bon ?
Je vais vous dire pourquoi c’est formidable les cornichons, cela me va directement au cœur. Je travaille pour la société Reitzel qui est le plus gros fournisseur de cornichons en Europe. Je suis en relation avec un chef d'entreprise extraordinaire à qui j’ai dit que l’on ne pouvait plus continuer à acheter des cornichons en Inde. Il n’y a pas de production en France…
Oui…
Et bien je vous annonce la nouvelle…Dans huit mois, nous serons les premiers producteurs de cornichons français naturels et biologiques !
Donc si je veux me fournir en cornichons, ce sera là-bas ?
Bien sûr! Mais attendez, nous les mettons en bocaux par le biais du Jardin d’Orante !
Très bien…
(en s’adressant à un collaborateur et en lui donnant mon pot de cornichons) Vous me le mettez bien de côté, hein ? Je le prendrai tout à l’heure quand je partirai…
Mon pot de cornichons pour Marc Veyrat
MB(2017)
Quelques photos prises du restaurant Rural
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Marc / Humanvibes