Interview de Guilhem « Pone » Gallart : de belles choses à accomplir !

Interview de Guilhem « Pone » Gallart : de belles choses à accomplir !

 

                                        Interview de Guilhem "Pone" Gallart : de belles choses à accomplir

 

Interview de Guilhem Pone Gallart : de belles choses à accomplir !

©  Guilhem "Pone" Gallart

 

Le prénom Guilhem est composé des termes germaniques will- et -helm, c'est à dire respectivement "volonté" et "casque". Que l’on y croit ou non, les significations des prénoms ont parfois des résonances particulières. Guilhem "Pone" Gallart atteint de la SLA (sclérose latérale amyotrophique) depuis 2015, beatmaker, producteur et co-fondateur du groupe de rap marseillais Fonky Family, qui portera en haut de l'affiche le hip-hop français de 1994 à 2007, a fait le choix de vivre. Tout simplement. Tétraplégique, trachéotomisé ventilé, aidé par un système de pousuite oculaire pour communiquer, il continue son activité musicale chez lui grâce à ce système, entouré de toute sa famille et ses amis. Il s’investit, mais pas uniquement, dans son association Trakadom, pour faire en sorte que les patients atteints de SLA aient la possibilité de résider chez eux avec toute l’assistance médicale requise.

 

Enfermé dans son corps

Mais libre dans sa tête

Pone écrit des accords

Enfilant une nouvelle casquette

Celle de compositeur dans son lit

Pas au doigt mais à l’œil

Il a gagné en autonomie

En surmontant les écueils

Fon qui ?

Fonky Family

For your eyes only

La SLA

Belle connerie

Mais elle est bien là

Provoquant atrophies et autres saloperies

Pone la regarde

Il s’en méfie

Mais il ne baisse pas la garde

Sa famille, ses amis non plus

Tout le monde l’encadre

Le lien n’est pas rompu

Fon qui ?

Fonky Family

For your eyes only

 

©  Marc / Humanvibes (2021)

 

Une réaction par rapport à ce texte ?

Ce n'est pas exactement ma vision mais c'est beau, merci.
 
« Les cinq sens des handicapés sont touchés mais c'est un sixième qui les délivre. Bien au-delà de la volonté, plus fort que tout, sans restriction, ce sixième sens qui apparaît, c'est simplement l'envie de vivre. » Cette citation de Grand Corps Malade dans son premier ouvrage Patients (2012), vous l’avez faite vôtre pour surmonter les épreuves ?

Je ne pense pas être aussi ésotérique que ça, paradoxalement, la foi m’a beaucoup aidé.

 

     " Il y a bien longtemps que je ne lutte plus, je vis. Une vie dans le combat n'a pas de sens."

                                                                                                                   Guilhem "Pone" Gallart
 

 

L’entourage est aussi un atout précieux. Chacun lutte à sa façon…

Il y a bien longtemps que je ne lutte plus, je vis. Une vie dans le combat n'a pas de sens.
 
Trakadom est l’association que vous avez fondée récemment avec les médecins Thierno Bah et Sylvain Garnier du CHU de Nîmes. Listen and Donate est une opération caritative que vous soutenez pour que les personnes atteintes de la maladie de Charcot puissent vivre chez elles plutôt qu’à l’hôpital. En France, diriez-vous que l’aide médicale pour les personnes appareillées à domicile n’est pas assez développée ?

Effectivement, certains patients ne sont même pas pris en charge. La maladie fait peur à certains soignants et n'est pas rentable pour d'autres, ce que je comprends tout à fait.  

 

 Guilhem Pone Gallart

Guilhem "Pone" Gallart
 

Pour communiquer autrement que par le texte, vous avez une voix numérique qui traduit vos propos. Par esprit de coquetterie, êtes-vous satisfait de cette synthèse vocale qui est devenue votre alter ego ?

Ça va, mais je travaille avec un imitateur pour retrouver ma "vraie" voix.

Vous travaillez sur vos titres avec un logiciel séquenceur musical (Ableton Live) en poursuite oculaire. Lorsque l’on a un handicap, d’autres sens peuvent peu à peu devenir plus développés. Avez-vous l’impression que c’est le cas de votre acuité visuelle ?

Non.

Avez-vous été mis au courant des travaux de Jean Lorenceau*, chercheur au CNRS, avec son prototype innovant baptisé Eol (Eyes on line) créé en 2012. Il permettait d’écrire et de dessiner en contrôlant le tracé par l’ondoiement des yeux.

Non, j'ignorais ces travaux.

 

Kate and Me - Guilhem Pone Gallart

Kate and Me – © Guilhem "Pone" Gallart

 

Votre site web « SLA pour les nuls » (sclérose latérale amyotrophique) que vous animez, c’est le chaînon manquant destiné aux patients atteints de cette maladie ?

Modestement, je le pense. Nous avons souffert du manque abyssal d'informations autour de la SLA. Je ne veux plus que ça arrive à aucun patient.
 
Vous êtes en ce moment en train d’écrire un livre. Quels vont en être les grands thèmes ?

Moi, mdr.

Vous avez été choisi pour composer la musique pour illustrer la passation de témoin entre les JO paralympiques de Tokyo, qui viennent de s’achever, et ceux futurs de Paris en 2024. Quelle a été votre démarche créative ? Et où peut-on écouter votre titre ?

À la demande de l'organisation, il fallait un truc qui bouge. C'est le CIO qui a tous les droits sur les musiques, donc c'est à lui qu'il faut demander pour écouter. 

 

 Guilhem Pone Gallart en train de mixer

Guilhem "Pone" Gallart en train de mixer à domicile © Paris 2024

Une question à laquelle vous auriez aimé répondre et que je ne vous ai pas posée ?

Pas spécialement.

 

Dédicace de Guilhem "Pone" Gallart pour Humanvibes.

" Longue vie à HUMANVIBES ! "

             Guilhem "Pone" Gallart

 

Propos recueillis le 09/09/2021

 

Tous les liens importants ci-dessous liés aux activités de Guilhem "Pone" Gallart :

Trakadom / L'association de Guilhem"Pone"Gallart.
 
Listen & Donate / Le projet musical caritatif pour récolter des fonds pour Trakadom.
 
La SLA pour les nuls / Le site web pour apporter des informations aux malades et à leur
entourage.
 
73 BPM  /  Le site web qui retrace son parcours musical avec son groupe de rap Fonky Family.
 
Kate & me / Album qui reprend des samples de Kate Bush pour en faire de nouveaux titres.
 
Shop /  La boutique.
 
YouTube /  Les vidéos et des témoignages, notamment de son épouse, Wahiba.
 
Instagram / Page de Guilhem "Pone" Gallart.
 
Facebook / Page de Guilhem "Pone" Gallart.

 

3 questions à…

 

Docteur Sylvain Garnier 

© Docteur Sylvain Garnier

Docteur Sylvain Garnier, responsable de l'unité de réanimation du CHU Nimes, qui a un rôle important dans l'association Trakadom de Guilhem"Pone"Gallart.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager, avec le docteur urgentiste Thierno Bah, aux côtés de Guilhem « Pone » Gallart avec son association Trakadom  ?

Mon métier de médecin réanimateur consiste à mettre en place des suppléances d’organes, en particulier, chez les patients en détresse respiratoire, cela consiste à les intuber pour les ventiler. Dans la plupart des cas cette assistance est transitoire, le temps que la pathologie à l’origine de cette défaillance guérisse. Mais dans le cas des pathologies neuromusculaires, une assistance respiratoire est le plus souvent définitive. Il faut accompagner nos patients, pour qu’il puisse exprimer leur choix crucial : vivre en restant dépendant de ces techniques de réanimation invasives, ou partir ?

C’est un choix éminemment difficile, qui appartient aux patients. Notre rôle est de les accompagner au mieux, en respectant leur décision ! Or quand ils souhaitent continuer à vivre, en dépit de la dépendance, leur choix est de vivre sous assistance technique (ventilation via trachéotomie, alimentation via gastrostomie) à domicile. Or ce retour se heurte aujourd’hui à des difficultés matérielles, humaines, techniques auxquelles le projet trachadom tente de répondre. Ce projet porté par moi-même et toute l’équipe du service des réanimation du CHU de Nîmes (Pr MULLER), est un projet qui fait appel à l’intelligence collective pour trouver les solutions au plus proche des besoins des patients. Il mobilise de nombreux acteurs (médecins, IDE, Assistante sociale, ergothérapeute, soignants du domicile, HAD, généraliste, philosophe, directeur), dans le but de les accompagner au mieux dans leur le projet de vie face à la dépendance.

 

"L’association que Guilhem a créée vise à soutenir ce projet et à favoriser le déploiement des solutions."

                                                                      Docteur Sylvain Garnier

 

L’association que Guilhem a créée vise à soutenir ce projet et à favoriser le déploiement des solutions. Par ailleurs le projet trachadom a reçu un prix au concours d’innovation organisé par le CHU de Nîmes et la CCI du Gard. Ces aides sont indispensables au démarrage du projet, puisqu’il permet de répondre rapidement aux contingences matérielles comme l’achat d’un mannequin par exemple.

Êtes-vous satisfait des résultats déjà obtenus ?

Nous savons que c’est possible, puisqu’on a réussi plusieurs retours à domicile de patients trachéotomisés ventilés en répondant à leur attente. Chacune de ces histoires crée autant de difficultés nouvelles que de solutions proposées ! Trakadom au départ, était dans notre esprit un projet de formation à destination des soignants du domicile et des proches, avec de la simulation sur mannequin et au domicile des patients. Cela ayant pour but de faciliter l’adhésion des soignants du patient en les réassurant sur le plan technique, et d’améliorer la sécurité en apportant de la compétence aux proches et aux intervenants du domicile. Cette formation est sur le point d’être finalisée…Mais notre projet a fait émerger d’autres besoins comme la nécessité de mieux accompagner ces patients et de former nos équipes à cela, d’assurer la sécurité psychologique autant que la sécurité physique (mobilisation de nos psychologues et d’anciens patients pour de la pair-aidance), et aussi de travailler la « logistique », c’est-à-dire le financement des formations et de la prise en charge à domicile des patients.

L'association Trakadom de Guilhem "Pone" Gallart

 

Que vous reste-t-il encore à accomplir ?

Beaucoup de choses à faire !! Même si la partie formation est bien avancée, notamment autour de la prise en charge au domicile et de son financement. Cette réflexion pourrait nous conduire à demander une expérimentation de financement auprès de notre ARS, via l'article 51. [La loi de financement de la sécurité sociale de 2018 a introduit avec cet article un dispositif permettant d’expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des modes de financement inédits, ndlr.] D’autres projets existent, notamment en PACA, où une association qui s’appelle TOUSaDOM a obtenu l’expérimentation avec l’ARS de PACA d’un financement d’une nouvelle organisation destinée à ces patients, avec la création de nouveaux métiers (dont le président fondateur est Emmanuel Zuffo, ndlr.)  Ces projets ne sont pas concurrents, ils répondent aux mêmes besoins et sont complémentaires. Notre but est de proposer une stratégie complète, déployable partout sur le territoire.

La richesse de notre projet tient en la puissance de l’intelligence collective et de l’expérience-patient. Nos expériences de soignants sont renforcées par ces partenariats. J’ai appris beaucoup de choses de par mon expérience, mais j’ai découvert beaucoup grâce à celle de Guilhem et son site « La SLA pour les nuls ». Il a en outre apporté la force de conviction nécessaire à mon engagement dans ce projet. C’est aussi une magnifique aventure humaine, avec de plus en plus de participants, pour qui ce projet fait sens. C’est enfin l’histoire d’une belle amitié.

 

Propos recueillis le 22/09/2021

 

Et pour aller plus loin :

L'interview du "Tac au Tac" de Guilhem "Pone" Gallart sur Humanvibes.

 

Le titre de Pone mixé en direct pendant la cérémonie de clôture des jeux Paralympiques au Trocadéro le 05/09/2021.

Mix de Pone Paris 2024 (2021)  – Humanvibes – YouTube

 

*Jean Lorenceau –  directeur de recherche au CNRS –  explique pour Humanvibes les pouvoirs du regard.

Pour Pythagore (-580/-495) et ses disciples, la vision procède d'un rayon visuel émanant de l’œil qui va frapper « en droite ligne » ce qu’atteint le regard. Cette théorie, dite de l’extramission (par opposition à intromission), battue en brèche, trouve aujourd’hui un sens et un champ d’application nouveaux, du fait de l’émergence des technologies d’oculométrie (eye-tracking en anglais). Ces dispositifs équipés d’une caméra peuvent enregistrer les mouvements de l’œil sous forme numérique (taille de la pupille, coordonnées horizontales et verticales du point de regard). Utilisés dans les laboratoires de recherche pour étudier la vision et les mécanismes de l’oculomotricité, pour cerner les difficultés de lecture de certains, ou dans le marketing (pour savoir comment telle ou telle publicité ou image est perçue) ces travaux s’appuient sur l’analyse du trajet des yeux, les lieux de fixation, etc.).

 

                  "Imaginez que vous utilisiez votre regard comme une souris d’ordinateur"

                                                                                                                       Jean Lorenceau

 

Les développements technologiques et informatiques utilisant l’Eye-tracking permettent aussi d’envisager une forme nouvelle d’extramission… Imaginez que vous utilisiez votre regard comme une souris d’ordinateur: vous regardez une icône sur un écran, clignez des yeux, et voici qu’une action s’exécute sur votre ordinateur. C’est ce que permettent les programmes conçus pour déclencher des actions en fonction de la position du regard (extramission active), par exemple en sélectionnant des lettres sur un clavier virtuel. Vous pouvez alors écrire avec les yeux, en épelant les mots, ou déclencher des actions, comme dans certains jeux vidéos.

Une association de Grenoble a développé un tel système pour des enfants atteints de pathologies graves comme la maladie de Rett (voir https://www.rettqc.org/single-post/2016/09/01/la-technologie-oculaire-au-service-des-personnes-atteintes-du-syndrome-de-rett-le-passage. Voir aussi Gazeplay, https://lig-getalp.imag.fr/wp-content/uploads/2018/04/GazePlay-fr-20180408.pdf), et des dispositifs similaires existent pour les personnes en situation de handicap. La société suédoise Tobbii est leader dans ce secteur (voir http://www.handicap.org/wp-content/uploads/2020/09/Etat-de-lart-des-differents-systemes-de-pointages-a-loeil-2020.pdf).

Ces dispositifs fonctionnent par sélection d’items (icônes, boutons, clavier, sons) présentés sur un écran, mais n’offrent pas –ou peu- de possibilités d’inventer des formes nouvelles issues de l’imagination, et (re)produisant une action personnalisée dans laquelle la personne agissante se reconnaitrait (on est ce que l’on fait !), comme par exemple en produisant sa propre signature oculomotrice. Une initiative dans ce sens a été tentée dans le projet EOL, Eye-On-Line (http://eol.scicog.fr/accueil/accueil.html), un dispositif permettant, après apprentissage (parfois difficile) de générer spontanément des mouvements oculaires lisses, comme ceux qui caractérisent l’écriture ou le dessin. Lorsque l’on maitrise ce dispositif, il devient possible d’écrire en cursive, de dessiner, ou de coupler les mouvements du regard à divers « effecteurs » pilotés par les yeux (sons, musique, caméra mobile, avatar, etc.). On trouvera des informations sur le site de ce projet, qui n’a malheureusement pas pu déboucher sur un produit accessible à toutes et tous, faute de moyens (contact, Jean Lorenceau, jeanlorenc@gmail.com)…

Jean Lorenceau pour Humanvibes le 28/09/21

 

Le projet Eye On Line de poursuite oculaire linéaire du chercheur Jean Lorenceau au CNRS  en 2012.

Eye On Line (2012) – Societepertech – YouTube

 

De nombreux artistes comme Guilhem "Pone" Gallart, handicapés ou non, utilisent un outil d’Eye-tracking déporté ou porté dans la conception de leurs œuvres comme Michel Paysant, Sarah Ezekiel, Graham Fink

Le Portrait Factory présenté à la Villa Sauber  (2016) – MonacoInfo – YouTube

 

Marc / Humanvibes

Publié le 04/10/21

 

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