Rencontre avec Michel Duvoisin : Ses aquarelles font le printemps
Michel Duvoisin
MB(2017)
Le choix de l’aquarelle
Le hasard de la curiosité. Au départ je peignais plus à l’huile, à l’acrylique, et à la gouache. L’aquarelle est une matière liquide, transparente, cela m’a tout de suite plu, et dès que j’y ai touché j’ai abandonné le reste immédiatement. Cela a été vraiment une rencontre sensorielle de matière et de toucher.
MB(2017)
La photo comme "top modèle"
Quand je fais des carnets, c’est un travail qui dure plusieurs mois. Ne pouvant pas rester aussi longtemps sur certains motifs, comme au château de Versailles par exemple où l’on m’aurait gentiment demandé de quitter la galerie des Glaces, il fallait bien que je le fasse d’après des photos. Je m’adapte aux situations, c’est une obligation technique.
MB(2017)
La palette, reflet de l’âme de l’artiste
Si c’était le cas, je serais bien torturé ! Ma palette est le reflet d’un regroupement de couleurs par tonalité. D’un coté les chaudes, les rouges, les sépias les ocres jaunes, de l’autre les bleus, les gris, là les verts… C’est plus mathématique qu’autre chose.
MB(2017)
Le travail préparatoire
Tout d’abord c’est le dessin. J’estime que l’on ne peut pas s’en passer. Le dessin fait partie de la peinture, comme la grammaire fait partie de la littérature, on ne sortira jamais de là. Ceux qui disent : "non, on ne dessine plus on y va directement, on fait comme on veut" sont pour moi des gens qui, la plupart du temps, ne savent pas dessiner. Mais il y en a malgré tout qui savent parfaitement ce qu’est le dessin, et qui passent par envie à autre chose, mais cela se voit. Chez une personne qui fait de l’abstrait, comme George Mathieu dont je parle de temps en temps, il y a une vraie composition avec un dessin derrière, avec une mise en page comme il le faisait lui, autrement cela ne peut pas fonctionner. Mes aquarelles commencent toutes par un dessin, c’est primordial.
MB(2017)
Une technique essentielle
Celle que l’on appelle la technique sur papier tendu est la plus confortable. Je le fais régulièrement pour mes livres, de cette façon le papier est parfaitement plat et mon éditeur peut faire scanner mes dessins auprès de son imprimeur sans difficultés. Par contre lorsque je travaille dans mes carnets à spirale, les feuilles gondolent forcément.
MB(2017)
Carnets de voyage, l’aquarelle dans les bagages
A une époque j’avais un petit siège pliant comme les pêcheurs, j’avais çà dans un petit pochon dans lequel j’ajoutais mon carnet, ma boîte de peintures, et mon pot d’eau. Le matériel peut-être très réduit pour le voyage. Je coupe mes pinceaux pour qu’ils puissent rentrer dans ma petite boite métallique avec mes 14 couleurs, et l’aquarelle permet plus facilement de se déplacer que la peinture à l’huile qui à cause du séchage complique un peu les choses.
MB(2017)
Savoir donner de la "voix" aux dessins
Il n’y a pas d’obligation à mettre du texte sur des dessins, disons que c’est un petit supplément, cela me permet de me faire plaisir parce que j’adore écrire. Le carnet de voyages se prête facilement à cet exercice, et je dis souvent à mon éditeur que nos carnets ne sont pas des livres d’histoire ou des guides touristiques, mais ce sont des petits livres plaisir dont j’essaye avec mes textes d’apporter un peu de poésie ou de drôlerie.
MB(2017)
La nature prise sur le vif
Cela m’arrive mais pas souvent. Ici, c’était un voyage dans le Périgord, et il y avait des champs entiers d’oies et de canards, c’était trop tentant ! On s’arrête avec des amis avec qui je faisais un stage, et on décide le les croquer. Mais cela n’était pas facile, les oies ne prenaient pas la pose, il fallait saisir différents moments en essayant de recomposer une oie en fonction de ce que l’on voyait. D’ailleurs un jour j’aimerais bien que l’on aille sur les marchés pour croquer des personnes, ou des consommateurs aux terrasses des cafés, cela pourrait être sympathique.
MB(2017)
Si Versailles m’était dessiné
Ce n’est pas moi qui ai eu l’idée de ce carnet de Versailles, c’est mon éditeur qui m’a passé une commande car il souhaitait faire un carnet sur le château. J’ai tout de suite dit oui car cela représentait un challenge pour moi, par contre, au fur et à mesure, je me suis demandé si je n’avais pas placé la barre un peu haute ! Mais non, je ne m’en suis pas trop mal sorti je pense, et j’ai pris beaucoup de plaisir à le faire. D’ailleurs une exposition des aquarelles du carnet est prévue en fin d’année dans une galerie à Versailles*.
MB(2017)
L’architecture en perspective
On ne peut pas s’attaquer à un sujet comme Versailles si on n’a pas une connaissance de la perspective. Alors c’est vrai en général, si on fait un voyage dans les villages, partout où on va, dès qu’il y a une maison, il y a une perspective. Mais je dirais que c’est particulièrement vrai pour ce château peut-être encore plus qu’ailleurs, peut-être à cause des jardins, de la structure de l’édifice…
MB(2017)
Tout est dans le détail ou presque
Oui, mais le problème avec l’aquarelle est qu’il faut donner l’impression que l’on fait tous les détails alors qu’en fait ce n’est pas le cas. C’est comme dans un film documentaire qui était consacré sur mon travail à Versailles réalisé par Linda Tahir Meriau, où la caméra partait d’un détail filmé de très près en haut de la galerie sans savoir ce que cela représentait pareil à des des petites touches, et puis en zoom arrière elle agrandissait le plan, et là on découvrait le sujet en ayant l’impression de voir l’essentiel de la galerie, c’est ça qui est intéressant dans l’aquarelle.
MB(2017)
Jouer avec les ombres
Là en l’occurrence je crois que j’avais du soleil…Mais ce qui est important, c’est de mettre de la lumière quand il n’y en a pas, ça m’est arrivé de le faire. Et là on en revient à la connaissance de la perspective, car vous ne pouvez pas mettre de la lumière n’importe où. Quand cela devient complexe, comme un village par exemple, je commence par mettre un "jus" de sépia afin de poser toutes les ombres, et je laisse ce qui est sensé être au soleil en blanc.
MB(2017)
La tentation de Venise
Pour moi c’est la passion de Venise qui m’est tombée dessus comme un vrai coup de foudre…Passant des vacances à Briançon avec des amis, ma femme a lancé l’idée d’aller à Venise à la fin de notre séjour, et j’avoue que je n’étais pas trop chaud pour m’y rendre car cela me semblait être une ville essentiellement touristique. Et je souviens d’être monté dans le vaporetto n°1 à la Piazalle Roma, on rentre dans le grand canal, et là j’ai été scotché ! Depuis nous y retournons régulièrement…
MB(2017)
Traduire une émotion
Oui … les vieilles pierres représentent l’esprit de Venise, son âme… je dis toujours à ceux qui y vont pour la première fois de délaisser les musées et de profiter de la ville, ils auront toujours le temps de les visiter lors d’une seconde visite. Il y a toujours une atmosphère fantasmagorique étonnante dans cette ville dont je ne me lasse pas de redécouvrir les quartiers et les îles.
MB(2017)
Dessiner, c’est raconter une histoire
Oui, je dirais que c’est le propre du carnet de voyages. Dessiner c’est une autre technique de narration, comme on le ferait avec des photos par exemple. Au départ mon livre sur Venise était agrémenté de petits textes qui racontaient un peu mon histoire liée à ma découverte de la cité lacustre, et comme cela ne correspondait pas à ce que mon éditeur voulait, j’ai enlevé ce qui était personnel pour revenir à des commentaires plus classiques.
MB(2017)
Voyage, voyage
Au départ quand j’ai rencontré mon éditeur, j’avais l’envie de faire un livre sur Venise. Je lui ai donc envoyé une maquette, mais il souhaitait d’abord que je fasse 2 livres sur des régions françaises afin d’être déjà référencé en librairie. Je lui ai donc proposé de travailler sur la Bourgogne et le Val de Loire que je connaissais bien, ainsi j’ai pu signer 3 contrats. Et puis après les livres se sont enchainés, en fonction de mes envies et celles de mon éditeur. Par exemple pour le Var il y a tellement de choses à faire, que sur ma proposition cela se fera en 2 parties. Suivront l’Ardèche et les Cévennes, ce qui fait que j’ai du travail pour les 2 ans à venir…J’ai la chance d’avoir une petite maison d’éditions les "Editions Equinoxe" qui est formidable, c’est un immense plaisir de collaborer avec des gens, notamment son directeur, charmants, très compétents et passionnés et qui comptent dans " les belles rencontres de ma vie".
MB(2017)
Une autre passion, le théâtre
Je dirais l’écriture en général, et le théâtre en particulier qui offre la possibilité d’écrire pour plusieurs personnages. J’ai d’ailleurs écris 2 pièces "Les toiles du berger" et "Duo à Torcello", c’est pour cette dernière que j’ai réalisé le décor en maquette. Mais j’ai comme regret que la peinture soit un travail solitaire, on ne peut pas dire qu’il y est beaucoup de tableaux qui se soient fait à plusieurs. J’aurais bien aimé peindre avec un autre artiste sur un même tableau, j’avais d’ailleurs pensé à faire des aquarelles en duo avec Jacques Noury ; lui étant plus spécialiste du travail sur papier mouillé, j’aurais apporté mes petits détails devant, et on aurait fait une exposition commune. L’occasion ne s’est pas présentée, mais je sais que cela lui aurait plu. J’aime aussi l’idée de troupe, de groupe, alors qu’en ce qui me concerne j’ai peu de relations parmi les peintres. Alors, peut-être qu’un jour… le théâtre ?
MB(2017)
Une autre vie que celle d’artiste
La vie m’aurait sans doute paru longue si je n’avais été artiste… Quand j’avais une dizaine d’années, j’avais 2 objectifs : faire un métier en relation avec le dessin et avoir une Alfa Roméo. C’était des rêves de gosses, mais je les ai quand même réalisés ; J’aurai pu être ébéniste car j’aime bien le travail du bois. J’étais parti pour être dessinateur industriel, c’était beaucoup de calcul et de mathématiques ce qui n’était pas trop mon truc, et dans lequel il n’y avait pas beaucoup d’artistique. Ce qui est drôle, c’est que maintenant les gens disent de moi que je suis trop "matheux" dans mes approches, mais j’ai fait des études qui laissent des traces, on ne se refait pas !
Propos receuillis à l'atelier de Michel Duvoisin le 04/02/17
Dédicace de Michel Duvoisin
Marc / Humanvibes – Crédit photos : Marc Bélouis
Et pour aller plus loin :
Site de Michel Duvoisin
http://www.michel-duvoisin.com
http://www.aquarelles-sur-commande.com
Cours d'aquarelle et dessin
Michel Duvoisin parmi ses élèves durant un cours d'aquarrelle
MB(2017)
*Exposition à la galerie CAPSULE MARKET à Versailles du 14 novembre au 10 décembre 2017. Vernissage le vendredi 17 novembre à partir de 18h et séances de dédicaces du livre "Versailles" les samedis a.m. de 15h à 19h.
Extrait du documentaire MICHEL DUVOISIN AQUARÉALISTE
MICHEL DUVOISIN AQUARÉALISTE(2011)–Rosenightprod-Youtube
Marc / Humanvibes