Le RDV du dimanche : Les Toiles du Berger
Les Toiles du Berger – Michel Duvoisin –
Message de Michel Duvoisin
Un peintre qui écrit des pièces de théâtre, bon, c’est rare, mais ça arrive ! La preuve ! Mais que voulez-vous qu’un peintre écrive, si ce n’est une pièce de théâtre qui parle d’un peintre qui n’écrit pas de pièce de théâtre ?
Enfin !, voilà une pièce ou plus exactement le début d’une pièce écrite par un peintre qui connait bien son sujet. En plus, vous verrez, on a un peu l’impression que le "peintre qu’écrit" règle ses comptes avec les "peintres qu’écrivent pas", surtout si c’est des peintres… qui peignent pas non plus !
Bon, si vous avez envie de connaître la suite, vous nous le dites et on trouvera le moyen.
Michel Duvoisin pour Humanvibes
ACTE 1
La scène est vide. La porte d’entrée s’ouvre et Remi entre avec du courrier dans les mains. Il referme la porte et vient près du canapé, il a trois enveloppes à la main.
REMI
Et allez donc. Encore trois.
REMBRANDT
Wouah !
REMI (comme répondant à Rembrandt)
La première c'est l'EdF. La deuxième, je sais pas, mais une enveloppe à fenêtre, c'est forcément pour me demander des ronds et la dernière est bleue…(il la retourne) Oh là là ! Maître Bricard, huissier de justice ! (il soulève un coussin du canapé et jette la lettre en dessous) Celle-là, j'ai rien signé, alors je l'ai pas reçue.
Il va à la cuisine, ressort avec la gamelle du chien et entre dans la pièce où est Rembrandt. Il crie
Ah !, non !, qu’est ce que c’est ça ? C’est pas possible ! Rembrandt, tu pouvais pas attendre que je te descende ? (Il ressort avec 2 toiles de couleurs unies avec des traces de coulures, Rembrandt ayant levé la patte dessus !) Maintenant faut que je nettoie et que je recommence mes fonds ! T’es pas drôle !
(Il retourne en chercher une 3ème et pose ces 3 toiles au sol)
REMBRANDT (sourd)
Wouah !
Rémi va dans la cuisine et en ressort avec un seau et un balai-éponge ; le téléphone sonne, il décroche.
REMI
Salut Boris…T’es marrant !, comment veux-tu que ça aille ? Tu m'as vendu une toile ? Non, bon alors… comment ça une bonne nouvelle ?… Non… Bien sûr que tu peux venir, je bouge pas, mais dis-moi ce que c'est ta bonne nouvelle … Ah, toi et tes surprises !… Oui, à tout de suite… Tu te rappelles le code ?… 3.1.3 … C'est ça. (il raccroche et reprend son balai)
On frappe à la porte d'entrée. Il pose le balai, sur les trois coups, Rémi fait un pas rapide vers la porte mais s'arrête sur l'absence de nouveaux coups. Il va vers la porte et regarde par l’œilleton, à ce moment on refrappe plus fort.
LUCIE (on l'entend derrière la porte)
Rémi ! C'est Lucie !
REMI (il ouvre)
Ah !, tu m'as fichu une frousse, je te dis pas !
LUCIE
Bah, pourquoi ? J'avais frappé, t'as pas répondu, j'ai cru que tu étais à l'autre bout de l'appartement. Pourquoi tu répondais pas ?
REMI
Figure-toi que j'essaie de pas ouvrir à tout le monde en ce moment. A chaque fois que j'ouvre la porte, c'est pour y trouver une nouvelle catastrophe.
LUCIE
Je te remercie.
REMI
Mais non, pas toi, tu sais bien. (il lui tend les bras) T’es ma première visite agréable depuis bien longtemps. C'est gentil de venir me voir.
LUCIE
C'est normal, tu m'as dit que tu avais des soucis, j'allais pas laisser mon frangin (ils s'embrassent) …comme ça…tout seul…à ruminer…
REMI
Ca me fait plaisir de te voir. Pose ton sac, mets-toi à l'aise. Comment tu vas, dis-moi ?
LUCIE
Ben moi, ça va. C'est toi qui vas pas. Avant-hier au téléphone, t’aurais fichu le cafard à un troupeau de moutons.
REMI (rassurant)
Oh, faut rien exagérer, de temps en temps, j'ai un petit coup de blues, comme ça, … quand je reçois une mauvaise nouvelle, mais ça passe.
LUCIE
Quand même. Raconte-moi un peu ce qui va pas.
REMI
Tout,… enfin,… rien ne va bien. Qu'est-ce que tu veux, quand on m'achète plus de tableaux, tout va mal, forcément.
LUCIE
Oui, mais c'est pas ta faute, c'est bien ce que tu fais en ce moment. C'est pour tous les artistes pareil, je suppose.
REMI
C'est possible, mais de savoir que tout le monde est malade, ça ne me donne pas la santé pour autant.
LUCIE
Bien sûr, mais c'est pas une raison pour baisser les bras.
REMI
Je baisse pas les bras, mais je m'interroge.
LUCIE
A propos de quoi ?
REMI
De ma peinture. Qu'est-ce qui marche plus dans ce que je fais. C'est moins bon qu'avant ?
LUCIE
Mais non, écoute. Maintenant quand les gens s'arrêtent pour déjeuner à une terrasse de café, s'ils sont quatre, ils commandent un sandwich, une carafe d'eau et quatre verres ; c’est pas la faute du sandwich !
REMI
Peut-être.
LUCIE
Non pas peut-être, sûrement ! Que veux-tu, c'est l'époque qui est comme ça. Il faut attendre que ça passe.
REMI
Ah, attendre, attendre ! C'est bien beau, mais en attendant, qu'est-ce que tu préconises?
LUCIE
Je sais pas moi… réduis tes charges.
REMI
Lesquelles ?
LUCIE
… Renvoie ta femme de ménage, t’es tout seul, tu devrais t'en sortir.
REMI
Tu veux rire ? Il y a trois mois qu'elle vient plus.
LUCIE (regardant partout)
Ah oui, ça se voit.
REMI
Oui… ben écoute… je fais ce que je peux. Je passe justement du temps en ce moment à des recherches pour faire évoluer ma peinture, alors le ménage…
LUCIE (regardant les toiles au sol)
C’est ça tes recherches ?
REMI
Non. J’avais préparé 3 toiles, que j’avais posées dans la pièce à côté et Rembrandt a levé la patte dessus. Tu vois, j’allais passer la serpillère.
LUCIE
Et pourquoi tu passes des fonds de couleurs, comme ça ?
REMI
Ca apporte une note particulière à chaque toile. En fonction du sujet, je passe un bleu ou un vert …ou un ocre… ça donne à la peinture une dominante qui ressort.
LUCIE
C'est un secret de fabrication ?
REMI
Tous les peintres qu’ont appris à peindre savent ça.
LUCIE
Parce qu'il y a des peintres qui n'ont pas appris ?
REMI
Oh, là là !
LUCIE
Je croyais que ça s'apprenait, moi, la peinture.
REMI
Moi aussi, mais à voir ce qu’on voit, ou ils n’apprennent plus ou ils ne retiennent pas. Maintenant, dans les écoles de beaux-arts, on forme plus des artistes, on formate des génies de l’art contemporain ! (dire la fin avec emphase)
LUCIE
C'est l'analyse du grand maître ? (elle s'affaire à ranger un peu )
REMI
Oh, ma pauvre Lucie, si je commençais, j'en aurais pour des heures.
A suivre…Et pour ceux que cela interesserait, vous pouvez nous contacter, nous transmettrons à l'auteur…
Et pour aller plus loin :
Site de Michel Duvoisin
http://www.michelduvoisin.fr/pages/23_home.html
Interview de Michel Duvoisin le 04/02/17 sur Humanvibes
Cours d'aquarelle et dessin
Marc / Humanvibes