Interview de Lenaïg Corson : La terre d'ovalie pour terrain de jeu (2/2)
MB(2017) – Lenaïg Corson –
Suite et fin de l'interview de Lenaîg Corson
Laissons de côté la pluie si vous le voulez bien. Que pensez-vous de notre phrase fétiche sur Humanvibes qui est : Vous êtes votre seul atout. Pour réussir, vous devez changer. Maintenant.
Cette phrase est un peu mon crédo dans ma vie aussi. Aujourd’hui il y a des choses qui ne fonctionnent pas et j’essaye de comprendre pourquoi, et d’assumer les difficultés qui se présentent. Ensuite ce n’est pas un exercice facile, mais je pense que ce sont les rencontres que j’ai pu faire, comme la personne avec qui je partage ma vie, qui m’ont fait ouvrir les yeux sur des choses essentielles de la vie et qui m’aident à franchir des caps. Je pense aussi à mon coach de rugby à 7, David Courteix, qui cherche vraiment à faire que nous puissions donner le meilleur de nous-mêmes. Le but est qu’il n’y ait jamais « une fin » et que l’on soit toujours en train d’apprendre, également sur soi, et régler des petits détails de 3 fois rien, mais qui font toute la différence.
Vous arrivez à garder toute votre concentration pendant le tournoi, où vous arrive t-il de sortir du contexte de la compétition ?
D’abord, pendant la préparation de la coupe du Monde à XV cet été, nous étions focus sur l’équipe sans se laisser "polluer" par les sollicitations extérieures. On se contentait de dire « merci » en répondant aux messages de soutien mais sans rentrer dans les détails. Nous sommes restées connectées entre joueuses, et dans ces moments là on est un peu égoïste en se repliant sur nous-mêmes. On nous demande d’être performantes pendant la compétition et les 5 matchs à disputer en apportant chacune d’entre nous notre pierre à l’édifice, on ne peut pas se laisser disperser.
D’une façon générale, il est difficile de recevoir des critiques ou des remarques. Comment gérez-vous les reproches que l’on fait sur vous ?
Les remarques viennent du staff, c’est normal mais elles peuvent venir à l’intérieur du groupe et je trouve cela positif car cela montre que nous sommes investies dans notre projet qui appartient à l’ensemble du groupe. Ce ne sont pas les coachs qui sont sur le terrain, c’est donc important pour nous les joueuses de savoir se dire des choses en face. S’encourager, être solidaires, se booster, et signaler à une coéquipière quand on sent qu’elle n’est plus avec nous, c’est très important. Avec l’équipe de France à 7, nous n’allions pas bien à un moment parce qu’on on avait un peu perdu cet esprit de remise en question avec énormément de non-dits et au final il s’installait de la frustration en nous jusqu’à ce que ça "pête en plein vol". Ce n’est pas une solution de tout garder pour soi, de ne pas souhaiter faire de vagues, mais à l’arrivée, ce n’est pas la vague qui nous revient, mais un tsunami !
Comment vous imaginez vous dans 15-20 ans sportivement et professionnellement ? Seriez-vous tenter par une expérience à l’étranger, car je sais que vous êtes déjà partie en Australie il y a quelques années.
Exactement, je suis partie pendant un an, et j’ai eu la chance de jouer un peu au rugby là-bas. D’abord j’y suis allée seule, alors que le contexte familial n’était pas très encourageant vis-à-vis de mon projet. Mais j’ai voulu prouver qu’à 20 ans j’étais capable de le faire en étant autonome et indépendante, et j’ai dû beaucoup travailler pendant l’été avant de partir pour pouvoir me payer ce voyage. En tout cas, c’est une expérience qui m’a beaucoup servie pour la suite. D’abord cela m’a permis de progresser en anglais car c’est important dans mon milieu professionnel…
Pour parler à vos " amies" anglaises sur le terrain, c’est plus pratique !
Oui ça aide (rires) ! Forcément c’est plus facile pour lier des amitiés et je suis très curieuse de savoir comment cela se passe dans les autres fédérations de rugby féminin. C’est toujours intéressant de comparer l’évolution de notre sport à l’international et de connaître les conditions des joueuses.
Et tout s’est bien passé là-bas ?
C’est sûr qu’il y a eu des moments qui n’étaient pas faciles, mais en faisant le bilan, le positif l’a largement emporté. Les voyages forment la jeunesse, et ça s’est vérifié ! Je venais d’un petit village et en partant au bout du monde je suis sortie de ma zone de confort pour grandir et être la femme que je suis aujourd’hui.
Et vous résidiez où ?
J’ai énormément bougé ! J’ai fait le tour de l’Australie en commençant par Sydney qui est une ville que je voulais absolument visiter où il fait beau, où il règne une super atmosphère sportive, une énergie positive, des espaces verts partout, et je me souviens d’avoir croisé tôt le matin des femmes d’affaires escarpins à la main venant travailler en faisant leur jogging ! On y croise des buildings, des plages, des monuments magnifiques, l’opéra, tout ça avec du beau temps, tout le monde avait l’air heureux, c’était fabuleux ! Ensuite je suis partie du côté de Brisbane sur la Gold Coast pour être fille au pair pendant 3 mois.
Et le rugby dans tout ça ?
Au milieu de mon séjour, j’ai pu jouer 3 mois dans un club à Adelaïde ce qui a été très enrichissant. D’avoir joué un petit peu en Australie m’a aidée quand j’ai intégré en octobre dernier, la toute première équipe féminine des Barbarians. C’est unique dans le monde sportif car elle regroupe des joueuses de différentes nationalités, elle est donc composée de tes adversaires potentielles ! J’ai pu jouer avec des filles qui n’avaient pas loin de 100 sélections dans leurs équipes nationales, j’ai côtoyé une Néo-Zélandaise qui avait fait 4 coupes du Monde, j’ai joué avec mes adversaires de la dernière coupe du Monde en Irlande. Un beau mélange de culture dans une atmosphère très bon enfant… C’était 4 jours magiques !
Revenons à l’Australie, donc fille au pair et ?
Fille au pair…jardinière…vendeuse dans une boulangerie australienne la nuit, serveuse dans un restaurant gastronomique indien, femme de ménage, serveuse dans un coffee shop, réceptionniste dans une auberge de jeunesse, hôtesse pour des évènements, mise en place de matériels évènementiels…
On peut donc tout faire en Australie ?
En fait, ils ont crée un visa vacances/travail depuis plusieurs années (le PVT pour Programme Vacances Travail en Australie ou WHV pour Working Holiday Visas, NDLR) ce qui leur permet de trouver de la main d’œuvre plus facilement pour différentes tâches comme le travail aux champs par exemple. C’est pourquoi j’ai croisé à l’époque beaucoup de Français qui travaillaient dans les fermes à ramasser des fruits, trier les légumes etc. mais j’ai préféré m’éloigner de ces petits boulots car je voulais vraiment progresser en anglais, c’est pourquoi j’ai plus évolué en ville dans la restauration.
Et votre actualité prochaine, elle ressemblera à quoi ?
Cette saison la priorité est donnée au rugby à 7. C’est l’année de la coupe du Monde à 7 qui se déroulera à San Francisco en juillet prochain. L’équipe de France à XV va également matcher sur le 6 nations qui débute le 3 Février. Que ça soit à 7 ou à XV, du moment que je joue au rugby, je suis heureuse !
Et bien bonne chance, et merci à vous !
Merci !
Propos recueillis à Paris le 14/12/17
Lien vers la 1ère partie de l'interview de Lenaïg Corson
Et pour aller plus loin :
Site officiel de France 7 féminines
https://www.ffr.fr/Equipes-de-France/Rugby-a-7/France-7-feminines
Le magazine Thalassa sur Sidney
Thalassa : Sydney, la ville pacifique(2016) – France – Youtube
LenaÏg Corson chez les Barbarians en Octobre 2017 (VO)
Barbarians women(2017) – World Rugby – Youtube
Le 10/05/17, David Courteix, entraîneur de l'équipe de France féminine rugby à 7, a rendu visite à la section sportive rugby du Lycée Edouard Vaillant à Viezron.
Rencontre avec David Courteix(2017) – Vaillant Rugby – Youtube
Marc / Humanvibes
Publié le 15/02/18