Gare de l’Est, sous les quais, le bunker…(2/2)

Gare de l’Est. Deux voyageurs se dirigent vers la voie 4, en vue d’attendre l’arrivée d’un train à grande vitesse ICE,  de la Deutsche Bahn en provenance de Francfort. Que se disent-ils ? Approchons un peu…

Philippe – Et tes vacances d’été, tu vas les passer où ?

Jean – Je ne sais pas, peut-être sur ce que l’on appelle un lieu de mémoire.

P – Ah ! C’est-à-dire ?

J – Toute la famille adore l’histoire, comme cela nous joignons l’utile à l’agréable. Tiens, en 2016 ce type de tourisme a intéressé en France 12 millions de visiteurs, et beaucoup d’étrangers bien sûr.  Le Mémorial de Caen, Utah Beach, le Mémorial de Verdun, le cimetière de Colleville, les champs de batailles de la Somme et des Ardennes etc. rencontrent énormément de succès. Par contre il y a un endroit sous tes pieds où je ne passerais pas 3 semaines au mois de juillet. Là, en dessous de la gare, le bunker…

P – …Non, mais qu’est-ce que tu racontes ! Un bunker sous la gare ?

J – Mais oui ! Il y a peu de gens qui le savent, mais je te promets que c’est vrai ! Et il est totalement intact depuis la Seconde Guerre mondiale.

P – Comment est-ce possible ?

J – Parce qu’il n’a pratiquement pas servi… Les Français l’ont quitté en juillet 1939, et Les Allemands l’ont investi sous l’Occupation en le terminant en mars 1941.

P – Et comment  y rentre-t-on dans ton bunker ?

J – À ma connaissance il y a 2 entrées. L’une, une trappe sur un quai de la voie 4 où l’on se dirige, et l’autre…

P – …l’autre ?

J – Sous le parking de la gare. C’est très curieux, tu entres par une porte banale, tu marches une centaine de mètres dans un couloir humide en longeant des câbles, des tuyaux, on se croirait dans un vaisseau spatial, tu sais comme le Nostromo dans le film Alien !

J – Et tu finis par arriver devant des escaliers, puis un sas en béton pour te retrouver devant une porte blindée d’un sacré calibre, et  d’une étanchéité remarquable.

P- Étanche à l’eau ?

J – Non, au gaz… Ils ont fait des ravages durant la première Guerre mondiale, donc protection maximum. Elles ont été fabriquées par la société des coffres-forts Bauche.

P – Mais pourquoi faire un bunker à cet endroit ?

J – Parce qu’il fallait protéger les installations en cas de bombardements pardi ! Il y avait déjà des souterrains pour faire circuler les bagages et en 1939 les autorités françaises ont aménagé ce bunker où 70 personnes pouvaient prendre place et diriger les départs et les arrivées des trains, ce qui était primordial.

P – Il ne devait pas faire chaud là-dedans !

J – Attention à la dame ! ( Jean pris le bras de son ami et l’écarta d’une voyageuse en épaisse doudoune ). Froid ? La dame que tu as falli renverser n’aurait pas eu besoin d’un vêtement aussi chaud pour y vivre. 15 degrès, température constante, idéale pour conserver du vin. Sur 120 m2, 3 mètres de hauteur de plafond, il y avait de l’espace, mais de là à y faire un séjour…

P – On pouvait faire son jogging ?

J – Non pas vraiment, mais tu n’es pas loin du compte, tu vas voir ?

P – Là tu m’intrigues…

J – Il y avait un compresseur qui assurait le bon fonctionnement de la ventilation et des circuits électriques…

J – … et en cas de panne, pour reproduire les mouvement de la machine il fallait…

P – Pomper ?

J – Non, pédaler !

P – Quand tu penses que des milliers de gens passent tous les jours au-dessus de cet endroit sans le savoir…

J – D’autant plus que Paris a été relativement épargné par les bombardements allemands, c’est pourquoi il est resté tel quel.

P – En même temps si tout le monde y avait accès, cela finirait comme la grottte de Lascaux !

J – Notausgang !

P – Quoi « sortie de secours », tu testes mon allemand ou quoi ?

J – Non, c’est juste pour te préciser qu’il y a encore des inscriptions en allemand sur les murs en béton, et aussi en français.

P – Finalement, beaucoup de travail pour un bunker qui n’a pas eu son utilité.

J – Non, mais c’est une bonne idée des militaires. Le plus gros des troupes transitait déjà par la gare de l’Est en 14-18, et en 1940 il fallait anticiper et protéger la gare techniquement pour assurer l’envoi des soldats à l’Est.

P- Le fameux principe de précaution !

Les 2 compères s’engagèrent sur la voie 4 où l’arrivée du train ICE venant de Francfort était annoncée. Quand tout à coup une partie d’une grande plaque métallique se mit en mouvement et s’ouvrit comme si Harrry Potter avait prononcé la phrase magique. Ohomora ! 3 personnes sortirent successivement  d’un escalier .

J – Tu vois Philippe, je ne t’ai pas menti. Ils viennent de sortir du bunker !

J – C’est fou ! Quand tu penses que c’est un train allemand qui vient s’arrêter juste au-dessus du bunker, c’est un joli pied de nez à l’histoire, non ?

Un grand merci à Lionel Del-Aguila, directeur projets à Paris-Est, pour m’avoir fait visiter la gare de l’Est et me donner l’occasion de parcourir des lieux peu ou pas connus du grand public.

Lien vers l’article consacré à la gare de l’Est

http://www.humanvibes.com/content/lacher-du-lest-vous-etes-bien-a-la-gare-de-lest-1-2?ck=

Marc  / Humanvibes

Publié le 12/04/18