Interview de Virginie Hils : Redynamiser les villages !
Comptoir de Campagne restera pour Virginie Hils une étape importante dans sa vie professionnelle et personnelle. Souhaitant apporter sa pierre à l’édifice de l’entreprenariat social, elle a franchi le pas en créant sa société en 2015 avec son associée Sylviane Barcet, faisant sienne la phrase de l’économiste américain Richard Baldwin : "Les emplois du futur seront plus humains, plus locaux." Elle prouve avec succès, en ayant franchi de nombreux obstacles, que "Grâce à nos clients, nous démontrons tous les jours qu’un commerce multiservices au cœur d’un village peut développer une activité significative ! " A ce jour, 9 Comptoir de Campagne ont été crées en région Auvergne-Rhône-Alpes, et elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin !
Sur Humanvibes, nous soutenons sa démarche et l’interviewer permettra, nous en sommes certains, de faire naître des vocations !
Virginie Hils – Comptoir de Campagne
Virginie Hils bonjour, comment arrive t-on en participant à un marathon de l’innovation a crée son entreprise au label solidaire d’utilité sociale en 2015 appelée Comptoir de Campagne ?
Bonjour ! Déjà on arrive avec une envie de retrouver du sens dans sa vie professionnelle et lors de ce marathon on prend conscience d’un enjeu majeur pour les territoires qu’un village sur deux n’a plus de commerces. L’expérience acquise dans l’agroalimentaire dans la grande distribution et la rencontre de cette problématique, ont crée ce cocktail au joli mélange qui m’a amenée à me retrousser les manches pour essayer de remédier à cela. Mais je n’étais pas toute seule, nous étions une petite équipe de personnes intéressées par le sujet qui m’ont aidée à penser le concept afin de démarrer l’aventure.
Justement, est-ce que votre ancienne activité cadre de l’industrie agroalimentaire dans le secteur du marketing vous a aidée dans vos réflexions ?
Oui tout à fait ! Déjà quand on vient du marketing, on sait monter un projet, imaginer un nouveau concept, définir une proposition de valeurs, la tester et la vendre avec des notions de gestion. Et puis venant de la grande distribution je connaissais les principes d’ouverture d’un commerce, le merchandising, la communication, tout cela je savais faire bien entendu, et cela m’a aidée à porter le projet.
Vous avez-déclaré dans de précédentes interviews que pour se lancer dans cette aventure entrepreneuriale, vous n’aviez pas trop réfléchi. N’était-ce pas un pari risqué ?
En fait c’est ce qu’il faut faire la plupart du temps lorsqu’on se lance dans une aventure entrepreneuriale. Bien sûr qu’il faut prévoir des hypothèses, construire un budget, se donner des limites de temps et financières, et quand c’est un projet un peu fou souvent on réfléchit trop aux inconvénients, aux obstacles, ce qui fait que nous n’aurions rien fait ! Il existe une phrase qui nous porte assez souvent avec mon associée Sylviane Barcet, c’est : "Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’on fait." [citation de l’écrivain Mark Twain (1835-1910), NDLR.] J’ai beaucoup d’entrepreneurs autour de moi qui ont démarré un projet risqué à peu près au même moment, mais une fois que nous étions lancées on n’avait pas trop le choix, il fallait trouver des solutions, surmonter les obstacles et avancer.
Alors, concrètement, comment cela se passe si des personnes sont intéressées pour ouvrir un comptoir. Quelles sont les démarches ?
Il faut se rapprocher de nous de deux manières. Par l’intermédiaire de notre site internet via un petit formulaire à remplir quand on est apporteur de projet, ou alors on a une adresse mail qui est rh@comptoirdecampagne.fr où l’on peut nous faire part de sa motivation. Ce qui est important de savoir est que nous sommes sur des territoires où l’on a identifié un réel besoin d’implantation de Comptoir de Campagne, et c’est principalement là que l’on va chercher des candidats. Mais si l’on nous propose d’autres régions, nous l’étudierons avec le porteur de projet.
Finalement, il n’y a pas de portrait robot professionnel et personnel défini, tout le monde peut se lancer…
Oui, il faut avoir un esprit d’entreprendre pour monter son propre business, c’est important ! Je dirais même que c’est la condition numéro un. Il faut donc avoir les capacités et les compétences pour assurer la partie gestion et vente. La seconde condition, c’est quand même d’avoir une expérience en tant que commerçant, tout le monde n’est pas capable de tenir un commerce, il faut aussi aimer le contact humain, cette condition est indispensable à nos yeux.
Quelles sont les aides que vous apportez aux gérants des comptoirs ?
Nous apportons beaucoup d’expériences par l’intermédiaire de l’ouverture de nos 9 commerces. Nous sommes en capacité de l’accompagner dans leurs projets sous les aspects étude de marché et financements, et dans la relation avec le village. Si ils ont déjà une idée de village qui rejoint nos préoccupations, nous allons les aider pour impliquer la mairie dans le projet globalement, si c’est quelqu’un qui n’a pas forcément d’idée de lieu d’implantation, nous avons déjà lancé des consultations très avancées avec des mairies qui sont capables de proposer des locaux, c’est ce que j’appellerais un projet quasiment clé en mains. Ensuite l’élément majeur que nous apportons, c’est l’approvisionnement de son magasin en circuit court qui achalande le commerce en épicerie produits frais et secs en trouvant les fournisseurs.
Il n’y a pas que l’aspect épicerie dans vos comptoirs…
Absolument, nous mettons en place des partenariats avec des grands acteurs des services comme la Poste, la Française des jeux, le gaz, la SNCF etc. et nous sommes donc capables de porter ces contrats aux futurs gérants.
Et pour les habitants des villages, cela doit-être une sacré bouffée d’oxygène !
Oui, effectivement. La demande est très forte, et quand nous présentons notre concept, on a rarement de portes qui se ferment ! Nous avons construit notre modèle par rapport aux attentes des villages donc cela leur correspond toujours. Nous adoptons l’offre en fonction de ce qui existe déjà dans le village, nous ne venons pas créer de la de concurrence, nous apportons une offre qui est complémentaire. Nous répondons toujours à un besoin exprimer par le village…
Vous avez raison, c’est important de le préciser. Vous avez pour objectif de créer une franchise en septembre 2020, est-ce que cela est en bonne voie ?
Notre premier Comptoir en franchise va ouvrir à l'automne 2020 à Saint-Etienne-le-Molard dans la Loire. Nous allons très prochainement démarrer la recherche du porteur de projet, donc oui, ça avance bien, très bien même.
Le 20/09/19, le premier ministre Édouard Philippe a présenté plusieurs dizaines de mesures dans le cadre du congrès annuel de l’Association des maires ruraux, à Eppe-Sauvage (Nord). Il a notamment déclaré vouloir "Redonner des choix, de la liberté, des services" aux 22 millions de personnes qui vivent à la campagne. Qu’auriez-vous aimé lui dire ?
Bravo ! Bonne idée ! [Rires.] Alors, allons-y ensemble ! Nous pouvons être une solution par rapport à ce grand objectif qui est le même que le nôtre. Le gouvernement a mis en place au sein de la la Commission nationale de la cohésion des territoires l’agenda rural porté par Madame Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales avec qui nous sommes en contact. Ils ont beaucoup apprécié notre projet car cela fait partie des solutions qui vont nous aider à porter cette ambition d’aider les territoires ruraux et combler cette fracture territoriale que l’on a vécue avec la crise des gilets jaunes. Les difficultés sont ressenties particulièrement par les habitants de villages péri-urbains qui se sont vidés de toutes offres de produits et de services, notamment ceux publics, et qui se sentent abandonnés. C’est pour eux que l’on a développé ce concept.
Avez-vous d’autres projets en tant qu’entrepreneuse sociale ?
J’aimerais bien, mais là Comptoir de Campagne me prend 200 % de mon temps ! Cependant je suis Ambassadrice du Mouve, Mouvement des entrepreneurs sociaux, pour la région Auvergne Rhône-Alpes. Je ne m’y consacre pas suffisamment, j’espère que dans quelques mois je pourrais le faire, et j’ai une vraie envie effectivement de m’impliquer dans l’entreprenariat social et de participer à l’évolution de ce mouvement qui tend à démontrer que l’économie n’est pas que capitalistique, mais qu’elle peut être vertueuse, c’est que l’on essaye de démontrer tous les jours !
Et pour finir une question à laquelle vous auriez aimée répondre et que je ne vous ai pas posée ?
[Rires.] Vous avez déjà posé des questions très pertinentes… Je n’ai peut-être pas expliqué plus en détails ce qu’est un Comptoir de Campagne ?
Alors allez-y, avec plaisir !
Nous poussons le concept de multi services le plus loin possible. Nous avons à la fois une offre de produits locaux en circuit court par le biais d’une épicerie locale, et nous avons un espace snacking salon de thé où l’on peut servir des repas en transformant les produits de pays de l’épicerie. Il y a parfois un bar avec la licence IV. Le comptoir, est donc un lieu d’échange et de partage où l’on crée des évènements pour se faire rencontrer les gens, et cela devient rapidement une nouvelle place de village pour prendre un café et penser à son développement et son animation. Ensuite nous apportons une offre de services en s’adaptant comme je l’ai déjà dit à ce qui existe dans le village, c’est à dire pressing et repassage, cordonnerie, la Poste, les billets de train, le gaz. Et puis nous avons une petite pièce appelée "Services Plus" attenante à nos comptoirs où l’on retrouve l’esthéticienne le lundi, l’ostéopathe le mardi, la coiffeuse le mercredi, ce qui est très pratique pour les habitants. Voilà ce que je voulais ajouter…
Et bien c’est parfait, Virginie Hils, merci à vous.
Je vous remercie.
Propos recueillis le 14/01/20
Et pour aller plus loin :
Comptoir de Campagne
Interview du "Tac au Tac" de Virginie Hils sur Humanvibes
http://www.humanvibes.com/content/interview-du-tac-au-tac-de-virginie-hils?ck=
Site de Comptoir de Campagne
https://comptoirdecampagne.fr/
Présentation de Comptoir de Campagne
Comptoir de Campagne(2017) – YouTube
Solidarité, services, consommer des produits locaux, c'est Comptoir de Campagne, et c'est Virginie Hils qui nous en parle !
Mille et une vies(2017) – France 2 – Virginie Hils – Comptoir de Campagne – YouTube
Virginie Hils et Sylviane Barcet, comme d'autres en France, s'investissent pour le monde rural…
Des racines & des ailes(2018) – Mon village en Bourgogne – France 3 – YouTube
Marc / Humanvibes
Publié le 10/02/20