Marie Lelong adore en faire toute une Histoire ! (3/3)
Nous avons le plaisir d’accueillir Marie Lelong, guide-conférencière, à Paris et en région parisienne. L’Histoire antique, médiévale et moderne sont des sujets qu’elle partage avec ferveur sur les lieux de ses visites. Le château de Vincennes, la basilique de Saint-Denis, la Conciergerie, la Sainte-Chapelle de Paris, en passant par le Jardin des Plantes, Lutèce… ne sont qu’une partie du patrimoine qu’elle vous fera découvrir. Cette semaine sur Humanvibes, dans le cadre de la thématique des animaux dans l’Art et l’Histoire, elle s’intéresse à la Ménagerie du Jardin des Plantes et ses étonnants animaux.
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La Ménagerie du Jardin des Plantes est l’un des plus anciens zoos du monde encore ouvert au public. Au cours de ses 227 ans d’existence, elle a accueilli des animaux qui sont parfois devenus de véritables stars.
Elle est fondée en 1794 sous l’impulsion du botaniste Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, auteur de l’œuvre Paul et Virginie, qui a occupé pendant un an la fonction d’Intendant du Jardin avant la Révolution. Les premiers animaux viennent de la Ménagerie de Versailles, laissée à l’abandon depuis la chute de la monarchie, mais aussi des cirques de rues désormais interdits par la municipalité, quand d’autres sont ramenés de l’expédition d’Égypte de Bonaparte (1798-1801). Après des débuts difficiles, plusieurs bâtiments sont construits au XIXe siècle pour accueillir des animaux variés : une singerie, une fauverie, le pavillon des reptiles adapté aux besoins spécifiques de ses animaux, des volières, etc.
La situation des animaux se dégrade de nouveau avec la guerre franco-prussienne de 1870 : les Parisiens, encerclés par les troupes prussiennes, sont affamés et vont tuer des animaux de la Ménagerie pour se nourrir. Deux éléphants d’Asie périront notamment au cours de cette période difficile. Dans les années 1930, les grands animaux sont envoyés au tout nouveau zoo de Vincennes dans des enclos plus larges et plus adaptés. La Ménagerie n’accueillera progressivement plus que des animaux de petite et moyenne taille. Occupant aujourd’hui une surface de 5,5 hectares au sein du Jardin des Plantes, elle est constituée de 189 espèces d’animaux menacées ou vulnérables à l’état naturel.
Des animaux vedettes
En 1827, on y expose l’une des premières girafes vivantes. Elle est offerte par le vice-roi du Caire, Méhémet Ali au roi Charles X, roi de la Restauration, dans l’objectif de renforcer les liens diplomatiques entre les deux pays. La girafe débarque à Marseille en 1826 et est amenée l’année d’après dans la capitale en 1827. Le naturaliste Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, alors directeur de la Ménagerie, fait partie du cortège chargé de conduire la girafe jusqu’à Paris. Escortée par des gendarmes à cheval, le trajet se fait à pied, et l’animal est nourri avec le lait de deux vaches. Elle va ainsi parcourir 880 kilomètres en six semaines ! Rien qu’à l’été 1827, 600 000 curieux viendront la voir à la Ménagerie où elle vivra 18 ans.
Deux animaux de la Ménagerie ont fait parler d’eux plus récemment : en 2009, Kiki, une tortue mâle géante des Seychelles, meurt à l’âge record de 146 ans, alors que ces animaux vivent en moyenne 70 ans dans la nature. Pesant près de 200 kilos, il avait été amené à la Ménagerie vers l’âge de 60 ans en 1923 par un naturaliste mauricien Paul Carrié. A sa mort, l’animal a été naturalisé et exposé dans la Grande Galerie de l’Évolution. L’autre star de la Ménagerie, c’est Nénette, une femelle orang-outan née en 1969 sur l’île de Bornéo qui est l’un des plus vieux orangs-outans du monde. Née dans la nature, elle est arrivée au Jardin des Plantes à l’âge de trois ans. Durant son demi siècle d’existence, elle a donné naissance à cinq petits.
Des animaux sauvés de l’extinction
La Ménagerie a permis de sauver de l’extinction un cervidé d’origine asiatique. Au XIXe siècle, le Père Armand David, missionnaire en Chine et passionné de sciences naturelles, va décrire cette espèce de cerf qui le fascine. Un petit troupeau évoluait alors dans le parc de chasse personnel de l’empereur de Chine. Le Père David, payant l’un des gardiens du parc, réussit à obtenir la peau et le squelette d’un de ses animaux qu’il envoie au Muséum national d’histoire naturelle. Plus tard, grâce à des négociations diplomatiques, il parvient à envoyer trois individus vivants à la Ménagerie du Jardin des Plantes. On donne alors à cette espèce le nom d’Elaphurus davidianus, « cerf du Père David ». D’autres individus sont envoyés dans des parcs zoologiques européens. Peu de temps après, l’espèce décline à l’état naturel. Une crue catastrophique réduit considérablement la harde du parc de chasse de l’empereur. Les derniers spécimens sont tués lors de la guerre des Boxers de 1900 (insurrection nationaliste chinoise). Grâce aux individus envoyés par le Père David à la Ménagerie, l’espèce va être sauvée de l’extinction. En effet, les animaux qui se sont reproduits en captivité voient leur population croître : au XXIe siècle, 2000 individus existent de par le monde alors qu’il en restait moins de 100 au début du XXe siècle. Dès les années 1980, des réintroductions du cervidé sont entreprises en Chine.
Une amitié improbable
La Ménagerie a été le témoin d’une amitié étonnante entre un lion et une chienne braque. Au XVIIIe siècle, Woira est capturé au Sénégal alors qu’il est encore un lionceau. Il grandit dans la ferme du directeur de la compagnie d’Afrique. Une femelle braque, qui vient d’avoir des petits, l’adopte. Le lion devenant imposant, son propriétaire décide de donner les deux inséparables à la ménagerie de Versailles puis, une fois que celle-ci ferme à la Révolution, les animaux sont transférés vers celle du Jardin des Plantes en 1794. Leur amitié atypique fascine et perdure dans le temps. Le lion, âgé d’une dizaine d’années, mourra peu de temps après la chienne. Le sculpteur Henri Jacquemart a choisi de rendre hommage à cette histoire : dans le Jardin des Plantes, la Fontaine des lions, un ancien réservoir destiné à arroser les plantes du jardin transformé en fontaine, est ornée de deux sculptures de lions depuis 1863. Celui de gauche est représenté avec un chien entre ses pattes.
Marie Lelong pour Humanvibes / Guide-conférencière en Histoire antique, médiévale et moderne
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Marie Lelong s’intéresse à la représentation des animaux dans l’art funéraire
Et pour aller plus loin :
La Ménagerie du Jardin des Plantes à travers l’émission « Des Racines et Des Ailes » en 2010
La Ménagerie du Jardin des Plantes (2010) – Des Racines et Des Ailes – YouTube
Marc / Humanvibes
Publié le 25/05/21