On vous recommande : « Le Monde selon Feydeau » de Christophe Barbier

On vous recommande : « Le Monde selon Feydeau » de Christophe Barbier

 

                                   On vous recommande : "Le Monde selon Feydeau" de Christophe Barbier

 

On vous recommande : Le Monde selon Feydeau de Christophe Barbier

Le Monde selon Feydeau – crg – Christophe Barbier – Tallandier

 

L'auteur Georges Feydeau (1862-1921) est une icône théatrale. Ses pièces de théâtre sont devenues cultes. Journaliste, éditorialiste sur BFMTV, écrivain et comédien, Christophe Barbier ne s'y est pas trompé en consacrant son excellent dernier ouvrage au dramaturge : Le Monde selon Feydeau aux éditions Tallandier. Mon avis "novélisé" à travers une situation d'une pièce de théâtre fictive, intitulée La Mare au canard, dans laquelle je mets en scène Georges Feydeau.

 

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La mare au canard, acte 1, scène 2.

 

Georges Feydeau est assis à son bureau en train d’écrire. Derrière lui, se tient son fils, Michel. Furieux, tout à coup l'auteur jette sa plume et fait une boulette de son papier qu’il jette dans sa corbeille.

Feydeau. – J’enrage ! Cela fait la vingtième fois que je m’y reprends. Ne vois-tu pas que ta présence me paralyse la pensée ?

Michel. – Mais père, c’est vous-même qui m’avez dit de venir vous soutenir en me tenant derrière vous !

Feydeau. – Oui et bien j’ai changé d’avis ! Ta présence ne sert finalement à rien, et puis ma main se balade sur le papier pour écrire quoi ? Des balivernes qui n’intéresseront plus personne !

Michel. – J’ai une idée ! Pour vous aider à taquiner la muse, pensez plutôt à Madame Coquelet…

Feydeau, à part. – cette gourgandine ! celle qui se fait appeler La Coque auprès de ses nombreux admirateurs ! Je ne suis pas insensible à son charme. Hé ! poussons le bouchon un peu plus loin pour tâcher d’en savoir plus…(à Michel.) La bonne affaire ! Elle attrape tout ce qui passe autour d’elle comme plante carnivore les mouches. Il est vrai que la nature l’a bien pourvue, elle ne me déplaît pas il est vrai, toujours élégante, mais son tempérament de feu m’effraie. Ses petites intrigues dignes de Mata Hari ont fait sa réputation sulfureuse dans tout Paris. Si c’est pour me retrouver à la une de L’Époque en caleçon sur le palier parce que Madame Coquelet m’y a jeté avec face à moi, comme par hasard, un journaliste de faits divers, cela va bien ! Ce canard est prêt à tout pour vendre son papelard ! Et sa connivence avec Madame Coquelet n’est plus à démontrer !

Michel. – Mais point du tout père ! La Coque ne…

Feydeau.– La Coque ? Vous l’appelez par son charmant petit surnom parisien que vous seriez déjà bien installé dans ses petits papiers ?

Michel. – La Coque…Heu…Madame Coquelet voulais-je dire, ma langue aura fourché, voilà tout.

Feydeau. –  De Coque à Coquelet, le raccourci est curieux. Votre relation doit être bien intime mon fils, pour sortir pareil méprise !

Michel. – Vous vous méprenez père. Madame Coquelet n'est pas celle que vous croyez. Elle m’a dressé de vous un portrait flatteur et ose même vous projeter dans un avenir rempli d’étoiles ! Il est vrai qu’elle est d’un bon commerce auprès de quelques journalistes de L’Époque par intérêt, mais ce n’est jamais graveleux. Elle jauge, elle renifle, elle flaire la bonne affaire, rend des services et ne se trompe jamais… pour une femme !

Feydeau. – Sans compter ses amitiés avec une douzaine de fonctionnaires de police, m’a t-on rapporté ! C’est aisé que d’être sur les bons coups !

Michel. – Si peu père, si peu. Neuf tout au plus…

Feydeau. – Un « neuf à la Coque » en somme. Mon fils, l’agent ne fait pas le bonheur, qu’elle fasse attention ! Mais qu’a reniflé cette macrosmate à laisser traîner sa truffe à tout vent ?

On sonne à la porte

Michel. – Vous attendez quelqu’un ?

Feydeau. – Assurément non !

Fernand, le domestique, entre dans la pièce alors qu’une furie pénètre dans le salon en le bousculant.

Madame Coquelet. – Mais poussez-vous ! Pas la peine de m’annoncer ! Ces messieurs savent très bien qui je suis !

Feydeau. – Madame Coquelet ! Mon fils et moi ne le savons que trop ! Quel bon vent vous amène ? (à Fernand.) Vous pouvez disposer Fernand, merci.

Madame Coquelet.Pardonnez-moi, je suis toute essoufflée …(reprenant son souffle, elle jette un regard inquisiteur autour d’elle.) Parbleu, mais votre corbeille est remplie de boules de papiers mon pauvre Feydeau  !

Feydeau. – Des écrits mal ficelés. C’est sans importance…

Madame Coquelet s’approche de la corbeille et en tire un papier qu’elle défroisse.

Feydeau. – Mais que faites-vous donc ?

Madame Coquelet s'éclaircit la voix et lit le texte à voix haute en mettant le ton.

Raymonde. – J’ai eu tort ! C’est mal à moi de l’avoir soupçonné. Mon pauvre Chandebise ! c’est mal ! Je vous en demande pardon.

Tournel. – Non ! Non ! Pas de pardon !… Soyez à moi, ça suffit.[…]

Raymonde. – Quoi ?… Quoi ?… Qu’est-ce que vous faites ? Où m’entraînez-vous ?

Tournel. – Mais là !… là où le bonheur nous attend !

Raymonde. – Hein ! Là ? Vous êtes fou !… Pour qui me prenez-vous ?

Tournel. – Comment ! Mais ne m’avez vous pas laissé entendre que vous consentiez… !

Raymonde. – À être votre amante…oui ! Mais coucher avec vous ! Ah !…me prenez-vous pour une prostituée ?

Tournel. – Mais alors… quoi 1 ?

Madame Coquelet s’adressant à Feydeau. – Mais cela est bien rythmé, et très drôle il me semble. Gardez le !

Michel. – Bravo ! Mille bravo ! Vous pourriez devenir comédienne !

Feydeau, en claquant des talons. – Si fait Madame, à part.- Elle m’empoisonne avec ses conseils à 2 sous ! Je vais garder le passage autrement elle ne me lâchera pas…

Michel. – Mais que nous vaut, La Coque ?  Heu… Mais que nous vaut, Madame Coquelet ?

Madame Coquelet. – J’ai en bonne estime des pièces de votre père, vous le savez. J’ai le profond sentiment qu’elles passeront à la postérité !…

Feydeau. – À la postérité ?

Madame Coquelet. – Oui, la pos-té-ri-té ! Mais pour ce faire, il faudrait trouver une personne bien pourvu intellectuellement qui parle de vos écrits avec conviction et grande qualité.

Michel. – Un romancier sans doute ?

Madame Coquelet. – Vous n’y êtes pas mon chou. Un journaliste.

Feydeau. – Un journaliste de l’espèce que vous fréquentez ! Que nenni !

Michel. – Diable ! Cela ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval, pour sûr !

Madame Coquelet .- C’est là où le bât blesse, je vous l’accorde. Pour être franche avec vous, je n’en connais pas , du moins pas encore. Mais j’en ai dressé un portrait. Un journaliste qui pour parler de vous le mieux possible ferait du théâtre, voire de la mise en scène. Un journaliste qui manierait le verbe comme personne et serait assidu aux joutes verbales, surtout avec les politiques. Un journaliste de conviction, bien ancré dans son temps, et qui aurait de l’humour. Un journaliste qui aurait déjà écrit de nombreux ouvrages. Un journaliste qui aurait un signe vestimentaire distinctif, je ne sais pas moi…comme une écharpe rouge, par exemple.

Feydeau. – Dame ! Et pourquoi cela ?

Madame Coquelet.- Parce que cela le ferait reconnaître entre tous. Ce serait en sorte sa carte de visite. Vous avez bien un accroche-cœur qui descend sur le front ! On vous remarque dès que l’on vous voit comme phare en pleine mer !

Michel. – Soit ! Et comment serait articulé l’ouvrage de ce « fameux » journaliste ?

Feydeau. – Et quel en serait le titre ?

Madame Coquelet se tait et les regarde tous deux droit dans les yeux. à part. – C’est le moment pour porter l’estocade !

Feydeau et Michel. – Et bien ? Parlez enfin !

Madame Coquelet. – Le Monde selon Feydeau !

Feydeau. – Le Monde selon moi ?

Michel, en regardant son père. – Le Monde selon vous ? Rien que ça ! Comme vous y allez à la truelle Madame Coquelet ! Que dis-je, à la pelleteuse !

Feydeau. – Ah ah ! mazette, me voilà au firmament ! Moi qui n’est jamais quitté la capitale,   c’est amusant ! Quel rapport avec les voyages ? J’habite depuis peu dans un hôtel rue de Londres proche de la gare Saint-Lazare, c’est un peu léger tout de même !

Madame Coquelet. – Rien à voir avec une quelconque expédition, voyons ! Quand je parle du monde, je fais allusion à votre univers dramaturgique et comique. Je pense à un ouvrage qui reprendrait une douzaine de vos thèmes favoris, comme les femmes adultères, le mariage, le mari et l’amant, la politique, les domestiques, les docteurs, l’armée, le théâtre et j’en passe !

Feydeau. – Il faudrait en rajouter pour me convaincre !

Madame Coquelet. – Attendez la suite bêtasson ! Chaque thème développé serait associé à des extraits de vos œuvres, n’est-ce pas original et pertinent ? C’est cela qui en ferait un ouvrage de référence à votre endroit, je n’en doute pas une seconde ! Et sous le titre serait écrit : portes qui claquent, maris cocus, quiproquos et fous rires.

Michel. – Et côté éditeur ? Qui serait prêt à se lancer dans l’aventure ?

Madame Coquelet. – J’ai dans mes relations une personne très audacieuse, Jules Tallandier, qui vient de reprendre une grande maison d’éditions appelée  « La Librairie illustrée ». Nous devons nous revoir prochainement au sujet de mon idée, il adore ! Mais tant que je n’ai pas trouvé le journaliste idoine, le projet reste pour le moment dans ses cartons.

Michel. – Mais que faites-vous encore ici Madame, partez vite vous mettre à la recherche de l’oiseau rare ! Et si vous le trouvez, ramenez le ici promptement pour que nous lui donnions une accolade la plus chaleureuse qui soit !

Feydeau. – Madame Coquelet, vous allez bien vite en besogne. Un ouvrage sur mes œuvres ? Vous en êtes le témoin, j’en suis réduis en ce moment à jeter tout ce que j’écris !

Madame Coquelet. – Pas d’inquiétude ! Je trouve même cela normal que vous tâtiez le terrain. Un auteur de génie tâtonne jusqu’à qu’il côtoie l’excellence !

Feydeau. – Vous me surprenez ! Et vous me gênez atrocement  !

Madame Coquelet. – Mais c’est tellement vrai ! Et à propos d’excellence, je vais vous laisser. J’ai rendez-vous avec un diplomate russe qui a besoin d’un petit conseil. On reparlera bientôt de tout cela tous les deux à tête reposée…

 

Madame Coquelet quitte la pièce en laissant Feydeau et son fils pantois

 

Marc / Humanvibes

 

1. La puce à l’oreille, acte II, scène 6. (1907)

 

Et pour aller plus loin :

 

La vie de Georges Feydeau en 3 minutes.

Georges Feydeau (2020) – Le théâtre de Jonhatan Rey – YouTube

 

Marc / Humanvibes

Publié le 08/07/2021

 

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