Interview de Marc Veyrat : le goût des hôtes

Interview de Marc Veyrat : le goût des hôtes

 

                                             Interview de Marc Veyrat : le goût des hôtes

 

Interview de Marc Veyrat : le goût des autres

Marc Veyrat et sa "Maison des Bois" à Manigod ne font qu'un – © Marc Bélouis

 

Le célèbre chef gastronomique Marc Veyrat nous recevait Porte Maillot  dans son nouvel écrin Rural en 2017. Il était écrit qu’un jour cela devait mener Humanvibes à Manigod, en Haute-Savoie, dans son établissement hôtel restaurant montagnard La Maison des Bois.

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Marc Veyrat et ses équipes ont marqué l’identité de la Haute-Savoie, de la Savoie et en particulier la commune de Manigod.  Voilà ce que l’on recevait ci-dessous en juin dernier en retour si l’on envoyait un mail à l’établissement. Le chef gastronomique est toujours sensible et respectueux de l’accueil fait à ses clients.

 

 

Je serai ravi de vous recevoir à nouveau mais notre NOUVEAU CONCEPT GASTRONOMIQUE est en route … !!!!

Il me semblerait irrespectueux de formaliser une date de réservation que je ne pourrais honorer.

Nous espérons du fond du cœur vous accueillir le plus rapidement possible tout en restant OPTIMISTE….

Merci du fond du cœur pour votre compréhension.

J’adore mon métier et par-dessus tout mes hôtes… !!!!

 Veuillez recevoir, Chère Madame, Cher Monsieur, mes respectueuses salutations.

 MARC VEYRAT

 

Chez Marc Veyrat à La Maison des Bois avec un message adressé à ses futurs hôtes.

Chez Marc Veyrat,  La Maison des Bois (2021) – Humanvibes – YouTube

 

Nouveau concept gastronomique

             « À la Maison des Bois, que tout le monde connaît, nous évoluons avec une trentaine de clients avec des suites tout autour qui composent notre hôtel 5 étoiles, avec piscine, spa etc. Je suis en train de terminer les travaux d’un bâtiment en bas qui sera un restaurant réservé sur commande pour 8 clients. Quel en est le concept ? Les clients viennent avec moi à 10h cueillir des plantes sauvages, et je vais leur faire en direct 7 ou 8 plats avec pour base cette récolte. C’est complètement nouveau et instructif ! J’ai déjà effectuer des tests et les retours sont très positifs.»

Mazots

          « J’ai une équipe formidable au sein de notre entreprise, avec deux menuisiers à l’année qui travaillent le bois à la perfection. On se comprend comme personne, et cela fait 25 ans ! Nous avons fait ici ensemble tous les bâtiments de ce que j’appelle « Le  village ». Nous avons récupéré des mazots qui datent de 1805 à 1830 ! C’étaient des greniers ressemblant à de petites maisons que l’on construisait à une trentaine de mètres de la ferme qui, en cas d’incendie, étaient assez éloignés pour être épargnés. Ce lieu était privilégié car on y entreposait l’argent, les papiers de famille, le linge du dimanche, les produits précieux comme le sucre, le café que l’on torréfiait, les photos de famille…. Le monde paysan est extraordinaire ! »

C’est extrêmement préjudiciable si on ne passe pas par l’éducation des enfants à la cuisine.

                                                                                                                                                Marc Veyrat

 

Manigod, paradis terrestre 

             «  Pour moi oui, c’est mon paradis… C’est un peu paradoxal. Je suis né ici ! [il martèle ses doigts sur la table]. Je suis fils de paysan. Paysan jusqu’à l’âge de 22 ans. J’ai une chance inouïe car mes parents avaient une ferme d’hôtes un peu plus bas d’ici, et mon enfance a été bercée par l’environnement. Nous avions 20 bêtes, nous fabriquions le reblochon, la tomme, le persillé, le beurre, le pain ! Papa avait un jardin d’un hectare avec tous les légumes, c’était merveilleux ! Nous vivions en autarcie ! Évidemment nous avions des poulets, des poules, des œufs, des cochons… Je voudrais que tous les cuisiniers vivent ce que j’ai vécu. Et puis j’adore éduquer les enfants à tout ce que l’on trouve ici. C’est extrêmement préjudiciable  si on ne passe pas par l’éducation des enfants à la cuisine.»

Garde-manger

             « Ici, nous avons un garde-manger fabuleux. Terrien et philosophique. Terrien parce que nous cultivons nos légumes, c’est toute une histoire ! On voyait ma grand-mère préparer ses bocaux, comme ceux que l’on peut voir au sous-sol. Philosophique, parce qu’ici c’est le garde manger lié à une architecture du patrimoine savoyard. La grande colonne ronde en bois derrière moi, que l’on appelle un béd’an, soutient toute la charpente. Il n’y en a plus que quatre dans la région ! Après l’incendie de notre établissement en 2018, nous avons tout reconstruit en une année. »

Les trésors de la saison blanche

            « En montagne à la fin de l’hiver, la gentiane de coche est la première plante qui pointe son nez. Dès qu’elle peut se faufiler, elle explose ! Il y a encore des plaques de neige ? Le crocus apparaît ! Et un peu plus bas dans la plaine, l’ail des ours qui sort en premier est très répandu maintenant et commercialisé. Je la mange à Paris, cela n’a rien à voir par rapport à ce que l’on trouve ici ! Je suis un ancien professeur de ski, et en tant que paysan c’était facile à gérer puisqu’on devait se contenter de donner du foin aux bêtes.»

Ici la neige, c’est l’or blanc. On peut rejoindre Megève de la vallée de La Giettaz un peu plus bas. Nous avons des stations merveilleuses pour leurs domaines skiables comme Le Grand-Bornand qui accueille des épreuves de la Coupe du Monde de biathlon, c’est devenu incontournable ! En plus, la région est un magnifique réservoir de grands champions ! La Cluzaz, Le    Grand-Bornand, c'est notre fierté ! Le plateau de Beauregard et celui des Confins sont aussi formidables pour le ski nordique. Depuis de nombreuse années, il a été fait de gros efforts pour l’accueil touristique, nous savons que nous sommes là pour faire plaisir aux clients, surtout en cette période difficile.»

 Je cherche toujours ! Celui qui ne découvre plus est mort.

                                                                                    Marc Veyrat

 

Les trésors de la saison verte

             « Nous avons été certainement les instigateurs de la cuisine environnementale dans les Alpes, grâce à la découverte de plantes aromatiques sauvages tout à fait inédites ! Le polypode, l’égopode… Le réseau aromatique est incroyable , on ne s’imagine pas tous ces arômes ! Il faut avoir cette éducation olfactive qui sort de l’ordinaire, mais de base elle est très simple : la menthe, la ciboulette, cerfeuil, estragon…mais ce sont des plantes « domestiquées » tandis que chez nous, elles sont sauvages ! Je pense au calament qui a un goût de rose, de menthol…et ici à 1800 mètres, j’ai peut-être 2 ha d’oxalis ! Il y a 20 ans, j’en trouvais au moins 500-800 mètres plus bas ! C’est à cause du changement climatique, danger !

Et puis j’ai une chance inouïe d’avoir pour ami, probablement, le plus grand botaniste du monde qui s’appelle François Couplan, avec qui j’ai écrit des livres. Je suis son enfant dès que l’on parle de plantes ! On inverse les rôles quand je passe aux fourneaux ! Une fois je l’invite en lui préparant une soupe d’épiaire. Il me dit «  tu as mis des chanterelles ? » Non. Je suis ignare comparé à lui, quand bien même j’ai quelques connaissances, il faut faire preuve de modestie dans ce milieu là, et il continue «  mais que je suis bête, tu as mis de l’épiaire ! »

« Palais » de la découverte

              « Je cherche toujours ! Celui qui ne découvre plus est mort. Il y a un an je suis tombé sur le polypode sauvage que je ne connaissais pas ! C’est une fougère dont la racine est la cousine germaine du réglisse et d’anis très intense ! C’est formidable ! Il faut se remémorer ce que l’on a vécu dans son enfance. Mon père faisait des trous dans un sapin, il y attachait un petit récipient sur le tronc et la sève coulait. Il s’en servait pour graisser la courroie du moteur de sa scie électrique pour  qu’elle ne patine pas. Cela m’est revenu subitement… Je me suis dit, ce que papa faisait, et si je l’analysais ? Et là je sens des arômes de sous-bois incroyables ! Résultat, je viens de faire une recette d’omble chevalier à la sève de sapin. C’est ce que j’appelle de l’inédit.

Et en matière de nouveautés, je travaille actuellement sur les plantes carnivores qui ne sont pas comestibles. Je voudrais quand même bien connaître leurs secrets ! Je me documente sur des livres dont je viens de faire l’acquisition. J’ai carrément disposé une caméra plus haut pour voir comment vivent ces plantes. Au niveau culinaire, il doit bien y avoir une substance à retirer de cette plante pour accompagner un plat… Autre exemple : la pensée de montagne est un gélifiant le plus fort qui existe, je l’utilise en cuisine au lieu de prendre des substances chimiques que je n’utiliserai jamais. J’ai ma technique pour mettre de la laitance de pensée dans un bol. Je la monte à 30°puis je la dépose au réfrigérateur, une demi-heure plus tard on peut retourner le bol, c’est fixé, voilà ! Tout est naturel dans notre établissement, en tout cas nous essayons au maximum.»

La fresque photographique de Manigod

             « C’est mon cousin Bernard Veyrat qui est à l’initiative de cette opération. Je suis  très fier de cette fresque à laquelle j’ai participé avec grand plaisir. Il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas de Manigod et qui se sont intégrées dans la commune. Des Parisiens, des Lyonnais, je crois de La Réunion, des Anglais, des Américains, c’est fabuleux cette ouverture d’esprit, quel bonheur ! »

 

Propos recueillis le 21/07/2021

 

Et pour aller plus loin :

L'Office de tourisme de Manigod

 

La carte interactive où sont renseignés les lieux aux alentours de Manigod à voir absolument.

Google Maps (2021) – Humanvibes

 

Diaporama à La Maison des Bois.

À La Maison des Bois (2021) – Humanvibes – YouTube

 

La fresque du club photographique de la bibliothèque M’Lire est visible dans la vitrine d’une boutique au village de Manigod, et au restaurant Les Rosières au col de la Croix Fry. Plus de 530 Manigodins, avec l'accord du maire Stéphane Chausson, ont participé individuellement ou en famille pour se faire prendre en photo par les membres du club, présidé par Brigitte Cary. Le professionnel Gérard Lair, a travaillé 170 heures pour le détourage afin intégrer les protagonistes dans le paysage de la chaîne des Aravis.

La fresque photographique de Gérard Lair

M'Lire (2021) – Gérard Lair

 

À Manigod,  la superbe fresque photo aux proportions impressionnantes de 4.20 mètres sur 1.40 mètres !

La fresque photographique dans une vitrine d'une boutique du village de Manigod

M'Lire (2021) – Gérard Lair © Marc Bélouis

 

Focus sur Marc Veyrat, présent sur la fresque photographique exposée dans une vitrine dans le village de Manigod.

Marc Veyrat posant pour la fresque          

Marc Veyrat posant pour la fresque – M'Lire (2021) – Gérard Lair  – © Marc Bélouis

 

Les 10 commandements de Marc Veyrat, socle indissociable de son engagement pour l'art culinaire responsable.

Les 10 commandements de Marc Veyrat au sous-sol de La Maison des Bois

 Les 10 commandements de Marc Veyrat au sous-sol de La Maison des Bois – © Marc Bélouis

 

Marc / Humanvibes

Publié le 02/09/2021

 

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