Humanvibes vous recommande : « Le Loup des Ardents » de Noémie Adenis

Humanvibes vous recommande : « Le Loup des Ardents » de Noémie Adenis

                                                                                        

                                                         Sur les traces d'Ardeloup…

 

Humanvibes vous recommande : Le Loup des Ardents de Noémie Adenis

Le Loup des Ardents –  Noémie Adenis – Robert Laffont / Le Figaro Magazine © Marc Bélouis

 

Noémie Adenis avec son premier ouvrage Le Loup des Ardents, est bien partie pour se faire une belle place parmi les romancières à succès. Son polar historique a récemment remporté le Grand Prix des Enquêteurs 2021 Robert Laffont – Le Figaro Magazine collection La Bête Noire.  Mon avis « novélisé » accompagné d'une B.O. pour se mettre dans l'ambiance ! : sur les traces d'Ardeloup…

 

Générique

                                                                           

Les gens ne sont pas les bienvenus.

Ils viennent mettre leur nez où il ne faut pas.

Cela pourrait être pour eux des allers… sans retours.

 

Je jette un oeil sur le siège passager.

L'ouvrage de Noémie Adenis Le Loup des Ardents est posé sur le magazine du Figaro du 17 et 18 septembre 2021. Son interview à propos de son premier roman, qui a obtenu le Grand Prix des Enquèteurs Robert Laffont – Le Figaro Magazine dans la collection "La bête noire" me sera d'une grande utilité. J'ai été captivé par son récit qui se déroule par un hiver rigoureux en Sologne en 1561. Ambiance de huis-clos sous la neige, personnages attachants et énigmatiques, un twist à la fin de l'ouvrage bien amené auquel je ne m'attendais pas, tout ce qu'il faut pour passer un bon moment de lecture. Son polar historique est une réussite. Il a créé chez moi une envie folle d'aller plus loin sur le sujet.

Je dépasse Orléans sur l'autoroute A71. Le GPS m'indique que je dois sortir à Lamotte-Beuvron d'ici une vingtaine de minutes. Le temps est ensoleillé depuis mon départ de la région parisienne. Tant mieux. En plein mois de novembre, j'avais peur de trouver sur ma route du brouillard et peut-être de la neige. À la lecture de son interview, l'auteure a mentionné que "Le village n'existe pas, mais il est très inspiré d'un lieu qui a existé non loin de Vierzon." Ardeloup. Le village maudit. Mon idée est de retrouver ce hameau. J'aurais pu essayer de contacter la romancière, mais je m'étais mis en tête, à tort ou à raison, que l'endroit avait pu être bien réel sans qu'elle ne le sache. Pourquoi pas ? Un endroit qui fait froid dans le dos dans tous les sens du terme, où des morts mystérieuses provoquent la peur et l'hystérie au sein de la communauté. Passionné d'histoires historiques envoutantes, si mon intuition est bonne, je veux en avoir le coeur net… J'ai lu que les sourciers avec leurs baguettes avaient la capacité à pointer des lieux précis. J'avais décidé de tenter ma chance. Je me remémore le mercredi de la semaine dernière qui m'a fait prendre la direction de Brie-Comte-Robert dans un but bien précis…

Gilbert, le radiesthésiste, s'installe devant une table ronde.

– Vous avez les "indicateurs" ?

– Oui, fis-je un peu intimidé devant le colosse. Il devait bien mesurer près de deux mètres. La baguette en forme de V paraissait bien fragile dans ses mains qui faisaient le double des miennes. Sur la table, je pose délicatement, comme un vieux parchemin fragile, l'ouvrage de Noémie Adenice. J'ajoute un atlas routier ouvert sur le Loir-et-Cher. Gilbert me dit de ne plus parler sauf à sa demande. Il promène sa baguette au-dessus du livre pendant bien deux minutes. Elle se met à tourner avec grâce et légèreté dans le sens des aiguilles d'une montre, mais rien ne se passe concrètement.

– Rappelez moi le nom du village ? fait-il de sa voix de stentor.

– Ardeloup.

Quelques secondes plus tard, la baguette se met à l'arrêt.

– Un prénom ?

– Loïse, dis-je précipitament. Elle est une protagoniste importante du roman qui…

– Chut !!

La baguette se met à tourner en sens inverse. Lentement au début, puis rapidement. Elle s'éleve au-dessus de l'atlas routier. Elle s'immobilise. Nous retenons notre souffle quand elle plonge subitement sur le guide et marque un lieu…

                                                                                                                  

                                                                                                                     *

 

 

Le hasard fait bien les choses mais selon ses règles.

Il nous oblige à affronter les éléments.

Même si cela nous entraîne en enfer.

Je suis surpris. Je m'approche du village que la baguette de Gilbert a indiqué, mais cela me semble curieux. En direction de Romorantin-Lathenay, je ne vois rien à l'horizon, pas même un clocher. Que des champs à perte de vue, et pourtant le GPS m'indique qu'il va falloir tourner à droite dans 2 kilomètres et que je ne serais plus loin de ma destination finale. Là où tout a commencé. Je me mis à penser à Loïse, à Antoinette, à Guy, les villageois d'Ardeloup. Ils avaient dû affronter une bien mystérieuse épidémie qui les avait fait passer par de nombreux tourments et de sacrifices. Curieusement en y repensant, je ressens une pression particulière dans la cage thoracique. Dans 500 mètres, la voix féminine du GPS me rappelle de tourner à droite. Yes ! Il existe bien une petite route caillouteuse ! Je m'y engage le coeur battant en espérant que les pneus de ma Polo ne crèvent pas. Je n'ai pas remarqué les nuages menaçants qui se sont soudainement accumulés au- dessus de mon véhicule. La neige fait son apparition ! Quelques flocons au début, puis une véritable tempête.

Je parviens à suivre le chemin. Ma voiture est de plus en plus difficile à manoeuvrer. Elle chasse à droite, à gauche. Je joue de la pédale d'embrayage et de l'accélérateur. Par quelle diablerie la météo a-t-elle pu changer aussi rapidement en quelques secondes ? Sans que je m' y attende, le GPS m'indique que je suis arrivé. Mais arrivé où, bon sang ? Pas de route indiqué, ni de nom du village qui corrobore le lieu marqué par la baguette du radiesthésiste. Je ne vois rien, à part de la blancheur épaisse à perte de vue. Quelques arbres, dont les branches sont surchargées de neige, sont mes seuls compagnons d'infortune. Les essuies-glaces à la vitesse maximale peinent à évacuer la poudreuse qui s'intalle sur le pare-brise. Je jette un oeil sur mon atlas. Le nom y figurait avant mon départ, je l'aurais juré ! Rien. Comme effacé. Je suis, à priori, au nord de Selle-Saint-Denis, à une trentaine de kilomètres à l'est de Romorantin-Lathenay : mais au milieu de nulle part.

"Faites demi-tour dès que possible, faites demi-tour dès que possible."

Mon GPS reprend la parole. "Faites demi-tour dès que possible, faites demi-tour dès que possible !" Mais la voix n'est plus celle d'une femme, mais d'un homme effrayé. Il crie faites demi-tour dès que possible !! Puis ce fut au tour de celle d'un enfant qui se transforme en une voix grave, lancinante, comme venue des entrailles de la terre.

"Faiiiiiites demiiii-touuuur, dèèèèès que possiiiiible…"

Je n'ai pas le temps de m'interroger au sujet du GPS qu'on frappe à la vitre côté conducteur. J'ouvre péniblement la fenêtre recouverte de neige.

– Ben restez pas là l'grand dieu ! Une forme humaine emmitouflée me lançe une bouée de sauvetage bienvenue. Je m'exécute emportant précipitament le roman.

 

                                                                                                                                 *

 

 

Les êtres humains sont des loups entre eux.

Quand le diable s'en mêle, il prend part au festin.

Je me réchauffe auprès d'un bon feu de cheminée qui crépite joyeusement. Tout le contraire de moi. Certes, je suis en sécurité, ou du moins c'est ce que je crois. Je ne m'explique toujours pas plusieurs choses étranges qui viennent d'arriver. Pourquoi la neige subite ? Le GPS qui n'affiche pas de lieu ? Pouquoi faire demi-tour ? Et ces voix qui se sont subsituées à celle programmée ? La maison toute en bois à l'air d'un autre âge. Le temps semble s'être arrêté il y a des centaines et des  centaines d'années. On dirait une reconstitution très réussie du Moyen Age. Pourtant, à ma connaissance, il n'existe pas de parc à thèmes dans la région. Je porte à mes lèvres une tasse dont la tisane fumante me fait le plus grand bien. Manifestement, un minimum de sens de l'hospitalité est de mise ici. Je me retourne et j'aperçois quelqu'un assis au fond de la grande salle.

– Excusez-moi ? Monsieur ?

J'ai droit à un grognement en guise de réponse, émanant d'un homme âgé au vu de ce que j'entrevoie de loin.

Il bouge se raclant la gorge comme jamais.

– J' va vous l' dire où nous sommes…

Raclement de gorge.

Eclairés par les flammes sortant de la cheminnée, ses cheveux blancs hirsutes projetent des ombres dansantes gigantesques sur le mur derrière lui. Elles ressemblent à des oreilles de diablotin.

Il se met à parler. Je crois reconnaître du patois solognot ?

– J’va vous raconter une histouère qu’s'est passée à c’tendroit v’là ben au moins 500 ans ! Y’avait au bout du bourg une poque qui farfouinait un peu partout dans l’forêt et faisait de la med'cine. Mais c’te poque, elle avait un queuq’chous’ ben à elle qui s’faisait frémir la populace…

Silence.

– Je ne vois pas. Peut-être à cause d’un pied bot ? fais-je d’une voix forte pour me donner du courage.

Il reprend.

– Oh qu' diou non ! Mon pouvr’ houmm’ a qui don’ qu’tu songes ? Elle était l’rousse, si t' veux ben. Et c’te poque avec t’sa, elle était ben mal partie dans l’vie. Satan l’tournoyait à son alentour ! Tout l’village craignait c‘te rouquine comme une sorcière !

– Tu m’en diras tant. Superstition quand tu nous tiens…

Ignorant ma remarque, il continue.

– À jour failli, un lot d’houm s’rendit à t’sa cabane. Ils l’estourbèrent et la j’tèrent dans le ruisselet qu’sappelle la Rousse. D’où l’ nom d’ village de Noyée-sur-la-Rousse puis tout c’temps.

Il se penche et me regarde droit dans ma direction.

– Il f’rait ben qu’tu guerpisses si t’u n’veux pas…Y’ a d’choses rapport à l’diab…

Il s’arrêta net de parler comme s’il avait senti un danger immédiat.

Une femme d’un certain âge que je crois reconnaître comme celle qui m'avait amené dans cette maison, vient de faire son apparition.  Bien calée, devant la porte de la pièce, elle est affublée d’un tablier rouge sang, sale et trop petit pour elle.  Elle a les mains bien campées sur les hanches. Elle toise mon interlocuteur. Elle s’adresse à lui méchamment, tout en allant le chercher d’un pas décidé.

– Hè l’Germain, fiche ton camp d’ci, l’boucles ton foutu claque bec ! T’embêtes l’ M’onsieur avec t’ histoires à ronfler d’bout, fit-elle en l’empoignant fermement par sa veste trouée.

Cet endroit me fiche la trouille. Je m’attends à tout moment à voir surgir un metteur en scène d’un film d’horreur annoncer : coupez ! Il n’en fut rien. J’ai donc eu confirmation, grâce au dénommé Germain, que l’on était bien à Noyée-sur-la-Rousse qui porte bien son nom. C’est le village que je recherchais.

– Un froid d’canard. Z’auriez pas du sortir pa c’temps ! La femme, en se déplaçant comme un chat, s’approche derrière moi furtivement et me chuchote à l’oreille mais cette fois-ci sans accent.

– T’aurais pas du venir tout court…

Je remarque en baissant la tête qu’elle tient dans sa main gauche Le Loup des Ardents. Je reconnais mon livre dont les pages ont été écornées…

 

                                                                                                                  *

 

 

A t-on besoin de toujours savoir le pourquoi des choses ?

L’interrogation sans réponse fait partie de la vie.

L’imagination en est déjà une en soi.

– Z’êtes un journleux ? me lance-telle suspicieuse. Elle avait repris son patois. Je vais pour répondre oui, quand j’entends au loin un chant étrange. Cela me donne l’occasion de m’éloigner de la menaçante maîtresse de maison. Je me rapproche de la fenêtre en plissant les yeux. La scène que je vois est irréelle. En pleine neige, qui semble fondre sur leur passage, une colonne d’enfants de chœur, tout de noir vêtu, marchent d’un pas décidé vers la maison. Ils chantent une injonction que je n’arrive pas à comprendre d’où je suis. La femme dans mon dos se met à rire bêtement. Le chant se fait de plus en plus fort au fur et à mesure que les enfants s'approchent. La tête me tourne… la tisane ? La femme s’approche elle aussi tout lentement vers moi en psalmodiant, l’air hébété. Elle arrache la couverture du roman comme une furie en prononçant : Saaatannnn, Saaatannnn !

Je sors précipitamment de cet enfer en la bousculant sans ménagement. Elle s’écroule en vociférant sur le dallage sous la violence du choc. J’ouvre la lourde porte d'entrée en bois . Le vent s’engouffre. Mais comment courir ? Comment s’échapper dans la neige qui fait un mètre d’épaisseur ? Je me lance comme une bête affolée. Je m’arrache tant bien que mal de la gangue de poudreuse à chaque mouvement. Mais je sens mes forces qui m’abandonnent. Le froid me cisaille tout le corps. La nausée m’envahit. Je finis par tomber à genoux nez à nez face aux enfants. Ils s’arrêtent de chanter. Ils me regardent sourires aux lèvres. Ils se mettent à rire mais aucun son ne sort de leurs bouches.

Puis ce fût les ténèbr…

                                                                                                                    *

Une automobile s’arrête nette sous la neige à côté de la maison de bois. Le brouillard est persistant. Le vent souffle par rafales violentes. Sur le siège passager, le roman Le Loup des Ardents de Noémie Adenis. Malgré la puissance assourdissante de la tempête, on entend une voix qui sort du véhicule. On peut deviner que celle-ci émane d’un GPS : « Faites demi-tour dès que possible. Faites demi-tour dès que possible. »

 

                                                                                                                   FIN

 

Générique

 

 

"Les personnages et les situations de ce récit sont purement fictifs.Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite."

 

Marc / Humanvibes

Publié le 21/10/2021

 

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