Avis sur « Le soldat désaccordé » de Gilles Marchand (5/6)

Avis sur « Le soldat désaccordé » de Gilles Marchand (5/6)

 

                                                                                   Avis sur "Le soldat désaccordé" de Gilles Marchand (5/6)

 

Avis sur Le soldat désaccordé de Gilles Marchand (5/6)

Voyage au bout d'un mystère © Aux forges de Vulcain

 

HUMANVIBES VOUS RECOMMANDE – La Grande Guerre comme vous ne l'avez jamais lue ! Mon avis "novélisé" en six chapitres sur le nouveau roman de Gilles Marchand –  "Le soldat désaccordé" – aux éditions Aux Forges de Vulcain.

                                                                                                                

                                                                                                                                               SOLDAT LAPLUME (5/6)

                                                                                                                     Avis sur Le soldat désaccordé de Gilles Marchand (5/6)

 

– C’était donc sa dernière lettre ?

– Oui, me fait Agnès, assise, appuyée contre le tronc d’arbre.

– Six lettres. Six petites lettres. C’est poignant. Bon. On apprend beaucoup de choses.

– Oui, mais il reste encore beaucoup de points d’interrogation.

– Certes, mais on arrive quand même à cocher certaines cases. Jeanne est enceinte quand Lucien est mobilisé. Ils avaient prévu de se marier à son retour. Votre arrière grand-mère accouche d’une petite fille, Suzanne, votre grand-mère. Ils communiquent par lettres interposées. Il y aurait eu des échanges en 1914 et 1915, mais les lettres ont été détruites. Mais on suppose donc qu’il sait pour Suzanne. La correspondance s’arrête le 12 août 1916. C’est la date officielle du décès de votre arrière grand-père ?

– Non, pas de date officielle. Pas de corps inhumé. Aucune trace.

– Bon. On peut imaginer qu’un obus leur soit tombé dessus au moment où il écrit ? Il ne signe pas son courrier, c’est un indice. Et on sait que Jeanne reçoit la lettre qui est encore en bon état. Quelqu’un lui a fait parvenir, mais qui ?

– Jarvis, fait Agnès tout de go.

Avis sur Le soldat désaccordé de Gilles Marchand (5/6)

Cimetière militaire d’Étaples (2022) © Marc Bélouis

 

– C’est fort possible s’il n’avait pas encore quitté Lucien. Mais dans ce cas il aurait pu ajouter aussi un mot, Lucien disait dans une de ses lettres que Jarvis parlait français, si je me souviens bien.

– Il n’a peut-être pas eu le temps… a-t-il été blessé lui aussi ? Il aurait demandé d’envoyer le courrier par le biais d’une autre personne…

– Ça se tient. Par contre que cherchiez-vous dans ce cimetière exactement ? Comment Lucien aurait-il-pu se retrouver ici ? A la rigueur pour Jarvis, cela aurait été possible. A t-il survécu à la guerre ?

– Je n’en sais rien… Mais il était à Étaples en août 1916, on en a la preuve.

Elle regarde au-dessus d’elle.

Je comprends où elle veut en venir.

– Jarvis et son serment…

– Son vœu. Et il y a une tombe devant. Une seule. Soldat inconnu. Le bémol est que Jarvis Colter n’apparaît pas dans le registre du cimetière, et qu’il n’était pas un inconnu. Les autorités de l’époque le connaissaient.

– Humm…Et si…

– Oui ?

– Et si Jarvis avait fait rapatrier le corps de Lucien ici à Étaples. Après tout, il n’était pas très loin géographiquement. Ici il n’y a pas de Français, c’est entendu, mais il aurait pu intervenir afin d’exaucer leur promesse commune d’être inhumés sous un arbre. Mais alors pourquoi ne pas prévenir Jeanne de son décès ? Pour que le secret soit bien gardé et qu’il l’emporte dans sa tombe ? Savait-il que Lucien en avait parlé à Jeanne dans sa lettre ?

Agnès n’écoute pas mes interrogations. Elle fouille dans son sac à dos et ressort le livre dont elle m’avait parlé la veille.

Le Soldat désaccordé  de Gilles Marchand. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à lui.

Avis sur Le soldat désaccordé de Gilles Marchand (5/6)

Il faut partager Le soldat désaccordé © Aux forges de Vulcain

 

Elle me le tend. Elle continue

– Avez-vous déjà lu un livre qui ne vous lâche plus que vous en rêvez même la nuit ? Que vous ne cessez de penser aux personnages qui sont d’une telle force, que vous êtes émue ?

Je commence à lire le résumé, mais Agnès m’en donne un aperçu à voix haute.

– C’est une histoire d’amour qui se passe durant la guerre de 14-18, poursuit-elle. Dis comme ça, cela peut paraître classique, mais en fait non, encore faut-il trouver les mots, les transcender, les placer au bon endroit. Cet ancien combattant qui fait des recherches sur un soldat disparu m’a complètement envoûtée. J’y ai vu un point commun avec l’histoire de ma famille. Bien sûr ce n’est pas la même situation, mais je n’ai jamais lu un roman sur la Grande Guerre d’une pareille justesse, d’une telle humanité… Aux Forges de Vulcain.

– Aux Forges ?

– C’est l’éditeur. J’ai regardé leur site. Leurs romans sont vraiment à part.

Elle me reprend le livre en le tenant comme un objet sacré.

– Et puis cette fille, Lucie, qui…Non, il faut le lire pour ressentir toute l’émotion qui s’en dégage. Tout cet amour qu’elle porte en elle ! Qui lui fait faire des choses insensées. Ça ferait un beau film. J’imagine les scènes apocalyptiques sur le champ de bataille. La lumière, le décor. Le Paris des années 20. La difficulté des frontaliers à vivre en Alsace-Lorraine. Mais l’imagination, c’est beau aussi. Quand je l’ai eu fini, je me suis dit que c’était un cadeau du ciel. J’ai toujours eu le même plaisir à le lire par la suite cinq ou six fois, je ne sais plus, et j’ai pleuré comme vous ne pouvez l’imaginer ! Je suis très émotive, je vous l’accorde, mais peut-être qu’un signe m’avait été adressé. Moi aussi, j’allais partir à la recherche de mon soldat disparu : Lucien, mon arrière grand-père. Cette envie ne m’a pas quittée.

Elle met la main à sa poche, prend son stylo et se met à écrire sur la seconde page du roman.

– Voilà. C’est pour vous. Je m’en procurerai un autre. Ce n’est pas le premier que j’offre, ni le dernier !

Elle met la main dans sa poche dont elle dégage un pense-bête.

– Et ça, c’est mon téléphone et mon mail. Rappelez-moi.

Elle regarde au loin.

– Je ne sais pas où tu te trouves soldat Laplume, mais je te retrouverai.

Je la regarde avec admiration. Sa détermination ne me laisse aucun doute sur la réussite de son entreprise. Son Soldat désaccordé m’intrigue, et je planifie déjà une belle soirée lecture au lieu d’aller au cinéma comme j’avais prévu de le faire initialement.

Avis sur Le soldat désaccordé de Gilles Marchand (5/6)

Dédicace d'Agnès (2022) © Marc Bélouis

 

À suivre…

 

Marc / Humanvibes

Publié le 18/10/2022

 

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