Gabriel Levionnois, chef cuisinier solidaire et fondateur du restaurant Au P’tit Café à Nouméa, incarne l’éco-responsabilité dans sa cuisine. Avec son équipe, il s’engage envers des pratiques durables qui font de son établissement un modèle de restauration à suivre.
Gabriel Levionnois est originaire de l’archipel Polynésien. Il a quitté la Polynésie pour s’installer en Nouvelle-Calédonie où il a grandi. C’est à 16 ans qu’il fait la rencontre de la gastronomie dans un établissement parisien mythique, une expérience qui éveillera en lui une passion indéfectible pour la cuisine. Gabriel Levionnois a pris les rênes en 2007 du Au P’tit Café à Nouméa, après y avoir occupé le poste de chef pendant plusieurs années, puis il est rejoint par Jean-Philippe Fremondiere en 2011.
Pourquoi la ritournelle « J’ai faim, je veux manger de la banane, j’ai soif je veux boire de l’eau de coco » que vous chantait votre mère, ainsi que vos parties de pêche avec votre père, ont beaucoup compté pour vous étant enfant ?
GABRIEL LEVIONNOIS – C’est une chanson populaire en Polynésie. Elle nous ramène à la simplicité; J’ai faim, j’ai soif. On a tendance à beaucoup « mentaliser » et à interpréter. En Océanie, on vit aussi au jour le jour. Mon père, Normand et passionné de la mer, a adopté ce style de vie. Je pêche pour manger, pour nourrir ma famille. Mon enfance est imprégnée de cette approche chasseur-cueilleur-pêcheur. Parfois, j’ai l’impression d’être un chef de Cro-Magnon !
Vous étiez restaurateur, puis fondateur du restaurant Au P’tit Café à Nouméa. Quel est le concept de votre établissement ?
Du frais, des produits locaux de saison, une ardoise où l’on retrouve la mer, la terre nourricière, des textures, des contrastes de couleurs, de saveurs. Une fusion sans confusion. Beaucoup de légumes ! 4 jours de travail et 3 jours de repos pour vivre de sa culture. Un leadership partagé avec 3 associés qui sont du métier. Faire bien, bon et beau de façon appliquée et efficace, autant que possible. Comme les enseignements de la pirogue polynésienne ! Nourrir sa glisse, sa fluidité par la coordination, la synchronisation des efforts pour un bien- être partagé durablement.
Vous êtes également engagé dans la vie associative pour faire changer les habitudes autour de l’alimentation…
Oui. A plein temps. Je veux contribuer au bien commun là où je vis, là où je mange et cuisine, là où j’ai grandi. On peut changer tellement de choses avec les bonnes recettes, au sens propre comme au sens figuré. Si l’on veut animer la transition alimentaire, la cuisine est un formidable levier par la pratique et le comportement. L’alimentation est l’atout le plus puissant pour sauver notre planète et notre santé en complémentarité. C’est probablement l’enjeu majeur du XXIème siècle. Moi j’aime bien manger et cuisiner. J’ai opté pour une approche culinaire plaisante.
Vos rencontres sur Pacific Food Média vous inspirent-elles des créations culinaires ?
Oui. L’audiovisuel est aussi une forme de production qui rend visible les bienfaits, la magie de se nourrir et de cuisiner. L’art culinaire est en connexion privilégiée avec l’humain et la nature qui permet de raconter l’histoire extraordinaire de l’ordinaire. Manger et boire, partager. On peut amplifier le repas de notre quotidien éphémère, et fabriquer des souvenirs par des sensations, et par des supports audiovisuels.
Avez-vous remarqué des modifications notoires dues au changement climatique dans le remarquable lagon de Nouvelle-Calédonie ?
Pour l’instant ils ne sont pas flagrants, mais on sent que le vent tourne. Le cycle des saisons est perturbé. On le voit aux floraisons, aux fructifications, et à la fraie de certains poissons qui viennent se reproduire dans la passe du récif. En tant qu’îlien, on redoute les cyclones rapprochés et les scientifiques sont pessimistes quant à l’équilibre fragile de notre autosuffisance alimentaire.
En regardant en arrière, qu’avez vous découvert dans l’art culinaire à l’âge de 16 ans au mythique bistrot de Paris dirigé par le charismatique chef cathodique Michel Oliver ?
J’ai découvert à quel point le métier de cuisinier pouvait vous dévorer tout cru et faire tant de bien au-delà d’une passion obsessionnelle. Je me suis rendu compte que l’art culinaire était un lien direct avec l’environnement comestible, avec notre humanité, depuis que sapiens sapiens existe. Je suis persuadé que la découverte du feu et de la cuisson il y a 400 000 ans est le démarrage de l’art culinaire. On change la forme, mais pas le fond.
Faites-nous saliver. Qu’est-ce que vous nous proposeriez comme menu pour nous faire découvrir votre cuisine calédonienne en ce début d’année ?
Je viens tout juste de filmer une recette pour les fêtes de fin d’année qui sera diffusée sur Pacific Food Média. Une quiche aux feuilles de patates douces, coco fumé et tomates cerises. Je n’ai plus de complexe à faire dans la simplicité, dans la sobriété savoureuse, même pour Noël. Avec un gravlax de mulet super frais, une mangue verte râpée assaisonnée avec une vinaigrette au tamarin, quelques frites de manioc avec un ketchup de banane, je pense qu’avec une entrée on peut se faire plaisir…même avec un petit budget.
Existe-t-il une chance de voir un jour une déclinaison d’Au P’tit Café à Paris ?
Il s’appellerait « Aux Antipodes » alors…
Que peut-t-on vous souhaiter pour 2025 ?
De continuer à cuisiner pour le bon, pour le bien commun. d’inventer une recette qui prend soin de soi, des autres et de notre planète qui a la fièvre. De trouver les bons ingrédients, la bonne brigade, les bons dosages pour contribuer à la transition alimentaire avec plus de douceur et moins d’éco-anxiété.
Propos recueillis le 23/12/2024
Et pour aller plus loin :
La page Facebook du restaurant Au P’tit Café
Où se trouve l’établissement Au P’tit Café de Gabriel Levionnois à Nouméa ?
Google My Maps (2024) – © Humanvibes
L’objectif de La Nouvelle-Calédonie au niveau culinaire, est de donner du sens dans l’acte de manger avec les ressources et les forces du pays. Gabriel Levionnois en est un formidable ambassadeur à travers, entre autres, ses vidéos sur Uma Kitchen, qui signifie « la cuisine de la case aux saveurs délicieuses ». Découvrez le chef cuisinier à Port Olry (archipel Vanuatu) sur l’île Santo, avec de magnifiques images du réalisateur Antoine Roulleau du Studio4X4.
Passons du nord au sud de l’île Santo, à Luganville plus exactement. Gabriel Levionnois nous fait découvrir la plantation Venui, et des saveurs culinaires en bonne compagnie, toujours sur les belles images d’Antoine Roulleau.
Michel Oliver (le fils de Raymond Oliver) et ses recettes dans les années 80. Ici, s’il vous reste des fromages de Brie et de Coulommiers, pourquoi ne pas en faire une fondue ?
Marc / Humanvibes