Hip, hip, Gigamic ! (1/2)
Gigamic à Wimereux © Marc Bélouis
INTERVIEW – Sur la Côte d'Opale, sur les hauteurs de Wimereux dans le Pas-de-Calais, se niche « Gigamic » dirigée par Benjamin Dambrine. Emblématique éditeur français de jeux de société depuis 1991, « Gigamic » ne cesse de surprendre par l'originalité et la qualité de ses jeux. Interview cartes sur table sur Humanvibes !
« Gigamic » existe depuis 1991. Quelle est son histoire ?
« Gigamic », c’est l’histoire de trois frères : Jean-Christophe, Ludovic et Stéphane Gires, aux profils professionnels différents. Ils avaient envie de créer une activité dans le domaine éditorial, cela aurait pu être de la musique, du luminaire, ce fut finalement du jeu.
Et leur premier jeu s’appelle « Quarto »…
Oui, après avoir vu un prototype à l’occasion d’un salon à Boulogne-Billancourt qui s’intitulait « 4X4 ». Cette rencontre avec l’auteur Blaise Muller a tout déclenché : faire du jeu abstrait en bois pour deux joueurs. Ont suivi le « Quixo » ou le « Quoridor » toujours au catalogue aujourd’hui, même si des jeux d’ambiance ont parus par la suite.
« Gigamic ». Ce nom a t-il une signification particulière ?
Les 3 frères ont fait un brainstorming pour trouver le nom de leur société, d’ailleurs ils nous ont laissé sur un tableau tous les noms auxquels nous avons échappé ! [Rires.] Finalement, on retrouve une partie de leur nom Gires, une partie de Game, ce qui nous donnne déjà Giga, diminutif de gigantesque. Ami pour le côté sociétal des jeux, et Gimmick, nom relatif à la musique qui était un de leur projet au départ, ce qui nous donne « Gigamic ».
Un tableau collector issu d'un brain storming historique ! © Gigamic
Quelles sont les activités principales de « Gigamic » ?
« Gigamic » a d’abord été éditeur de jeux pendant 10 ans. Au passage des années 2000, la société reprend en main sa distribution qui était déléguée auparavant à la Smir. Au même moment a été crée une activité de localisation, c’est à dire diffuser des jeux présents à l’étranger mais pas du tout en France, comme ceux venant d’Allemagne. Je pense à « Amigo », « Zoch », Drei Magier Spiele, et par exemple le « 6 qui prend » qui est un de nos bestsellers. C’était une façon de bien étoffer notre catalogue de nouveaux produits sur le marché français. C’est à ce moment-là que Ludovic a préféré s’orienter vers un nouveau projet de vie. En 2015-2016, « Gigamic » se lance dans la diffusion avec des jeux déjà existants, comme des casses-têtes, et peu après en collaboration avec des éditeurs tiers de jeux de société.
Puis le groupe Hachette prend les rênes de la société en 2019…
Tout à fait ! C’est quelque chose qui était prévue par les 2 frères restants, car s’approchant de la retraite, ils souhaitaient prévoir la continuité de l’activité en conservant les équipes en place. En parallèle de ce rachat, il y a eu une recomposition de « Gigamic » en interne pour bien structurer la société. Jean-Christophe est parti en juin 2019, et Stéphane en mars 2021 pour assurer la transition avec le groupe Hachette.
Comment en êtes-vous arrivé à rejoindre « Gigamic » ?
J’étais juste un passionné de jeux, mais sans faire de formation particulière comme il peut y en avoir maintenant. J’avais 2 choses qui me trottaient en tête : les jeux de société et l’éducation populaire. Je résidais à Toulouse et je travaillais alors pour une entreprise spécialisée dans le conseil d’industriels dans le bâtiment durable. J’exerçais le rôle de consultant en intelligence économique, c’est à dire isolation, ventilation, technologies propres efficientes énergétiquement . Puis j’ai brigué un poste chez « Gigamic », et j’ai été refusé au poste de commercial semi-sédentaire. Ils ont estimé que commercial terrain n’était pas fait pour moi. J’ai ensuite quitté Toulouse pour Roubaix où j’ai accompagné une association qui se prénomme « Rigolo comme la vie » dans la mise en place et la gestion des équipes des temps d’accueil périscolaires, sur la thématique des jeux de société. Comme je suis quelqu’un de têtu, j’ai postulé à nouveau chez « Gigamic » pour le même résultat négatif. Ne pouvant passer par la porte , je suis passé par la fenêtre ! Et au bout de la troisième tentative, Jean-Christophe et Stéphane m’ont enfin dit oui en février 2015.
Des bureaux de « Gigamic » par temps clair, les côtes anglaises se dévoilent… © Marc Bélouis
Sur quel poste ?
Toujours le même ! [Rires.] Commercial semi-sédentaire dans la zone Auvergne-Rhône-Alpes. Comme tous les commerciaux, j’ai rejoint Wimereux avec des déplacements entre 12 à 15 semaines par an sur notre zone d’attribution régionale. J’ai progressé professionnellement en étant chargé de la coordination de l’équipe commerciale qui était en constante renouvellement, car chez « Gigamic » nous avons une politique interne engagée afin de faire évoluer les salariés par le biais de promotions. Cet accompagnement de nouveaux arrivants a duré autour de 2 ans et demi.
Et comment votre arrivée à la direction s’est-elle déroulée ?
Stéphane m’a laissé entendre qu’il pensait à moi pour reprendre la direction dans le futur. En 2019 jusqu’en avril 2021, ma prise de fonction au poste de direction s’est faite progressivement. Nous sommes alors passés d’une société familiale à une société actionnarale. Malgré tout, nous avons un mode de fonctionnement très collégial avec les chefs de pôles, qui respecte l’esprit instauré par les frères Gires au fil des années. Cela me tenait à coeur de faire perdurer ce mode de fonctionnement.
Pas la peine de se mettre en quatre pour trouver un bon jeu, à trois cela a suffi ! © Gigamic
« Gigamic » se situe à Wimereux et l’entrepôt à Wimille dans les Hauts-de-France. Quels en sont les avantages ?
La vue sur la mer depuis nos bureaux, même si ce n’est pas toujours le cas ! [Rires.] Un cadre de vie extrêmement sympathique sur la côte d’Opale. Si vos temps de trajets tournent autour de 12 minutes, ils le seront toute l’année. Wimereux est une station balnéaire animée en toute saison avec toutefois un prix du foncier assez élevé. Cela est dû au tourisme et à nos amis belges très présents avec l’acquisition de maisons secondaires, ce qui entraine une pression immobilière. Mais quand on s’éloigne un tout petit peu, l’accès à l’ immobilier est très raisonnable. Dernier élément, une grande partie de nos équipes sont originaires de la région, les personnes ici sont avenantes, c’est un atout. Je ne suis pas certain que l’on puisse retrouver cette ambiance aussi facilement ailleurs.
Et les inconvénients ?
Il existe une vision négative des gens sur le Nord de la France. Quand on évoque « Gigamic » situé dans le Pas-de-Calais, on entend la remarque suivante : « Oh non, c’est bienvenue chez les Ch’tis et les corons ! », et pour recruter, notamment des profils techniques, cela ne facilite pas la tâche… Les gens ne s’imaginent pas vivre sur la côte d’Opale, c’est vrai que l’on semble un peu isolé alors qu’au final nous sommes à 2h30 de Paris en train, Lille est à une heure, nous sommes environ à 2 heures de Bruxelles en voiture, et Londres n’est pas très loin. En plus nos partenaires ne sont pas du tout dans la région, ce qui nous oblige à nous déplacer souvent. Nous insistons pour qu’ils viennent nous voir une journée ou deux, et ils repartent conquis, et finalement ils reviennent avec plaisir ! [Sourire.]
Que faisiez-vous en 1991 ? Trois frères, une idée, et surgit Gigamic ! © Marc Bélouis
Portez-vous une attention particulière aux matériaux utilisés pour vos jeux ?
Historiquement, « Gigamic », ce sont des jeux en bois. Nous avons conscience que le jeu est un plaisir, mais c’est aussi un objet qui peut-être de collection ou de design. Il y a beaucoup d’acheteurs de « Quarto » qui n’y jouent jamais ! Ils vont le poser sur une table comme on poserait un jeu d’échecs. On rentre ici dans une notion de jeu-objet avec des matériaux dont la qualité perçue est primordiale. Idem pour le packaging et les cartes à jouer qui doivent être de qualité et durer dans le temps. Depuis quelques années nous adoptons progressivement la norme FSC (Forest Stewardship Council®, ou Conseil de Soutien de la Forêt, NDLR.) Nous essayons, quand c’est possible, de relocaliser la production sur la zone de vente, sachant que certains types de jeux, à la différence du papier et du carton, sont difficiles à fabriquer en Europe à cause d’éléments tiers spécifiques, comme les sabliers par exemple.
Hors de l’europe, c’est à dire ?
Essentiellement d’Asie. « Gigamic » est international, 30 % de notre CA se fait par la grande exportation. Les principaux marchés de certains jeux comme « Quoridor » ou « Katamino » sont en Corée et au Japon, pas en Europe. Ce serait ridicule de tout relocaliser en Europe pour expédier ensuite les pièces dans ces pays…
Quel est le portrait-robot d’un jeu « Gigamic » réussi ?
Celui qui apporte du plaisir en jouant. Nous avons toujours fait des jeux familiaux quelle que soit la typologie. Il faut que le jeu soit simple à expliquer, jouable rapidement, transportable, et pour ceux abstraitsqu’il y ait une réelle courbe de progression pour apprendre à maitriser le jeu. Nous sommes une entreprise de loisirs, c’est en même temps superflu et utile pour la construction personnelle d’un enfant ou d’un adulte. Le jeu de société est un réseau social non digital qui se joue autour de la table. Il demande la compréhension des règles, des mécaniques, entrainant de la réflexion tout en s’amusant en famille ou entre amis.
À suivre…
Propos recueillis le 20/06/22
Et pour aller plus loin :
Gigamic et Wimereux, mariage heureux !
Google Map – © Humanvibes (2022)
Bel endroit pour une rencontre avec la société Gigamic…
Gigamic à Wimereux (2022) – Humanvibes – YouTube
Le jeu de cartes « Lama » est un bon exemple du savoir-faire de Gigamic. Simple, ludique, familial…
« Lama » © Gigamic
Marc / Humanvibes
Publié le 02/09/2022