Interview de Sébastien Bernard (1/2): Présentez vos idées avec Hubstory !
MB(2019) – Sébastien Bernard – ZEPRESENTERS
1ère partie de l'interview.
Sébastien Bernard, bonjour. Vous êtes co-fondateur avec Bruno Clément de ZEPRESENTERS. Pour expliquer la création de votre société ne pourrait-on pas débuter par : Au commencement était le théâtre ?
Aussi loin que je me souvienne j’ai l’impression qu’il y a toujours eu le théâtre. Mes parents m’y ont inscrit sans me demander mon avis à l’âge de 12 ans pour forcer une nature trop timide à s’ouvrir aux autres. Et cela a plutôt bien fonctionné. Je me suis quand même vengé 10 ans plus tard lorsque j’ai décidé d’arrêter une fac de maths et d’informatique pour devenir metteur en scène de théâtre. Ma vraie école, c’est le théâtre. En tout cas c’est là où j’ai appris tout ce que je sais faire aujourd’hui. On croise fréquemment des comédiens en entreprise, plus rarement des metteurs en scène. Pourtant ce métier illustre parfaitement l’enjeu de management transversal que les entreprises essaient d’animer. Sur scène, le metteur en scène dirige des comédiens mais ce n’est pas leur patron. Il a un producteur à qui il rend des comptes et négocie le coût de son projet artistique. Il ne peut pas contraindre les comédiens, il doit réussir à maintenir l’envie d’expérimenter et de se dépasser s’il veut créer une dynamique pérenne. C’est exactement ce que doivent réussir les entreprises qui veulent briser leurs silos et animer des synergies métier.
Vous lancez une nouvelle version du HUBSTORY, le storytelling agile. Qu’est-ce que cette méthode a de plus que les autres ?
Quand on a démarré il y a 6 ans, il y avait beaucoup de littérature sur le sujet mais pas de méthode vraiment opérationnelle. Quand on pense au storytelling, les plus affutés pensent aux schémas narratifs que les universitaires ont établis dans les années 60. Le problème avec ces schémas, c'est que ce sont des outils d’analyse, pas des outils de construction. Quand on veut appliquer ainsi le storytelling sur un sujet précis on s’aperçoit que chaque étape peut accepter une infinité de possibilités. Qui est le héros ? L’orateur, le public, quelqu’un d’autre ? Quel est l’élément déclencheur ? La décision hiérarchique, l’évolution du marché, le mouvement d’un concurrent ? Avec le HUBSTORY, nous avons créé un process pas à pas qui permet de transformer une idée en une histoire. Chaque ingrédient est conçu pour susciter une prise de conscience qui permet de resserrer les possibilités et faciliter la construction d’une histoire captivante et inspirée. L’autre marqueur fort du HUBSTORY est que la nouvelle version s’inspire des méthodes agiles en proposant un processus itératif qui permet, à chaque étape, de produire un livrable concret indispensable à la mise en avant des idées.
Vous évoquez la mise en place de nouvelles routines pour gérer le stress d’une prise de parole en public, quelles sont-elles ?
Il est toujours important de rappeler que la grande majorité des êtres humains sont touchés par le trac ! Et que ceux qui ne le ressentent pas sont loin d’être les meilleurs. Nous croisons trop de monde lors de nos formations et de nos coachings qui tombent de leur chaise lorsqu’ils découvrent que tout le monde a aussi peur qu’eux ! Le naturel, quand on parle en public, c’est d’être gêné. Cela dit, les thérapies cognitives et comportementales ont des modèles de gestion du stress qui sont aujourd’hui très solides et proposent des outils extrêmement efficaces pour ne pas se laisser submerger par le stress. L’un de ces outils consiste précisément à se construire une routine.
Ce fameux stress dont on parle régulièrement chez les sportifs…
Comme pour les sportifs de haut niveau, chaque joueur développe sa propre routine. Pensez à un tennisman avant de servir ou un rugbyman avant de transformer un essai. Exercice de respiration, méditation en pleine conscience, placement de voix et ancrage de posture… à chacun son cocktail pour gagner en sérénité.
Avez-vous le sentiment qu’il n’existe pas en France une culture, peut-être plus américaine, de savoir se présenter ?
On entend souvent que les élèves américains sont principalement évalués à l’oral lorsque les élèves français apprennent à faire des rédactions puis, plus tard, les dissertations…Cela a forcément un impact sur notre manière d’appréhender l’exercice de la prise de parole. En revanche cela ne veut pas dire qu’ils sont tous plus à l’aise ou plus performants. On encense fréquemment les orateurs américains car on a en tête les keynotes de Steve Jobs et d’Elon Musk ou les Ted Talk de Simon Sinek et d’Amy Cuddy. Mais ils ne représentent qu’une poignée d’orateurs. Je me souviens de deux études dans un article de Nancy Duarte qui révélait que 75% des Américains déclaraient appréhender la prise de parole en public et que 80% révélaient s’ennuyer pendant les présentations. Attention de ne pas tomber dans le piège de l’auto-flagellation.
Mais alors, où se trouve le principal problème ?
A notre sens, il y a deux freins majeurs à la montée en compétence des Français sur le sujet. Le premier c’est la formation. Que l’on parle de scolarité ou de formation continue, la rhétorique et l’éloquence sont absents des programmes, ou dispensés de manière trop théoriques. Le second c’est le management. Il n’existe aucun management de la prise de parole. Après une présentation, votre patron vous dira que c’est bien ou pas, mais les compétences qui permettent une évaluation concrète et l’identification des pistes de progrès ne font pas partie de la trousse à outil des managers.
L’art de se présenter et de maitriser son pitch commercial au téléphone est aussi important, le faites-vous travailler également ?
Le mot pitch est entré dans le langage courant, mais on se rend vite compte que chacun y va de sa propre définition. Dans le cadre du HUBSTORY nous avons décidé de trancher : le pitch c’est la bande annonce de votre idée, une communication courte qui donne envie d’en savoir plus sans avoir à en dire trop. Il peut s’exprimer dans plein de formats différents : au téléphone, dans un couloir près de la machine à café, pendant un déjeuner d’affaires ou sur scène avec des slides… difficile de traiter au cas par cas toutes les situations imaginables. Le HUBSTORY permet de dégainer son pitch en toute circonstance. La difficulté au téléphone est que l’on ne voit pas son interlocuteur et qu’il est difficile de s’adapter. Pour pallier à cet inconvénient il faut éviter le piège du pitch que l’on débite coûte que coûte. Plus vous ancrerez vos idées dans le cadre d’une conversation, plus vous laisserez une trace forte.
Le syndrome du "Slide" en France, c’est un exemple que vous proposez de travailler spécifiquement. Vous militez pour un changement radical sur son utilisation, c’est bien cela ?
Nous voyons tous les jours des PowerPoint surchargés qui condamnent les orateurs à devenir les commentateurs de leurs propres slides. Le paradoxe est que la majorité de ceux qui font ces slides savent qu’ils ne travaillent pas efficacement. Pourtant on continue… parce que l’on a toujours fait pour ça, parce que l’on n’a pas le choix ou parce que le template est trop rigide. C’est impressionnant de voir à quel point tout le monde a le sentiment que c’est inefficace et continue malgré tout à construire des supports qui ne servent à rien. Pourtant, avec quelques règles simples et un peu de pratique, il est facile de concevoir des supports impactants sans être graphiste et sans y passer des heures. Qu’est ce qui nous manque pour passer de "J’ai compris que je ne fais pas bien" à "Je décide de faire autrement".
J’allais justement vous poser la question !
L'habitude, est le 1er frein à des supports plus efficaces : mes collègues font comme ça, mon patron etc… que va-t-on penser de moi si je me permets de faire différemment. Le sentiment qu’on ne fait pas ce que les gens attendent de nous est un vrai frein au progrès. L’autre frein est ce que l’on a coutume d’appeler le syndrome du bon élève, le sentiment que si les slides sont trop épurées, les gens vont penser que je n’ai pas suffisamment travaillé. Quand votre patron vous demande de faire des slides en police 9 avec tous les détails dont vous allez parler, il est difficile de retourner le voir avec des slides complètement épurées. Il faut de l’audace pour cela. Au final, il n’y a rien de radical dans les propositions que nous faisons dans le slide design au sein de la méthode HUBSTORY. Ce qui est radical c’est la décision que doivent prendre les orateurs, de refuser de faire comme on a toujours fait et de créer des supports qui sont au service des idées et du leadership.
D’après-vous, est-ce que les femmes qui dirigent des sociétés sont plus sensibilisées que les hommes à l’art de la présentation ?
Je n’ai pas l’impression qu’elles soient plus sensibilisées. En revanche comme dans d’autres dimensions du travail, j’ai le sentiment qu’elles se mettent plus de pression et qu’à niveau égal, elles sont moins satisfaites d’elles-mêmes ou plus exigeantes que les hommes. Mais il est toujours maladroit de faire des généralités quand on parle des comportements homme/femme. L’ensemble des préjugés, que notre société a pu avoir, ont été battu en brèche par les sciences cognitives qui ont montré que le cerveau fonctionne de la même manière chez les hommes et les femmes pour peu qu’il soit sollicité, entrainé et éduqué de la même manière. La seule différence notable lors de nos sessions de formation est que les femmes ont tendance à reconnaître beaucoup plus rapidement que l’exercice de la prise de parole leur fait peur. Les hommes semblent moins enclins à faire ce genre de confidence, attendant d’être au pied du mur pour vous avouer : "Je ne te l’ai pas dit mais l’exercice m’effraie toujours autant".
À suivre…
Propos recueillis le 26/06/19
Dédicace de Sébastien Bernard pour Humanvibes dans "Le petit guide de survie pour rendre vos idées désirables"
Et pour aller plus loin :
Lien vers la 2ème partie de l'interview de Sébastien Bernard sur Humanvibes
Lien vers l'interview "Du Tac au Tac" de Sébastien Bernard sur Humanvibes
http://www.humanvibes.com/content/interview-du-tac-au-tac-de-sebastien-bernard?ck=
Site officiel de ZEPRESENTERS
La toute nouvelle version du HUBSTORY
https://hubstory.io/zepresenters-lance-la-3eme-version-du-hubstory/
Un exemple de la newsletter hebdomadaire "Ze conseil du jeudi" : La routine
https://hubstory.io/et-si-la-routine-avait-du-bon/
La bande-annonce de ZEPRESENTERS
ZEPRESENTERS(2014) – Youtube
Le pitch, le nerf de "l'infoguerre" !
Docaposte(2018) – Start-Up : de l'importance d'un bon pitch – Youtube
Marc / Humanvibes
Publié le 01/07/19