Go Antoine, go !

Go Antoine, go !

Go Antoine, go !

REPORTAGE – Message d’Antoine Durand sur LinkedIn le 6 avril 2023 :  « Avis à mes abonné.es parisien.nes : vendredi 7 avril après-midi, c’est dire demain à partir de 14h, je serai à #Paris, Gare de l’#Est en attendant le train de nuit pour l’Autriche ! Si l’un ou l’une d’entre vous est dispo et partant.e pour #échanger autour d’un café , ce serait avec grand plaisir ! N’hésitez pas à me contacter. Au plaisir de vous rencontrer. »

Humanvibes a répondu présent à cette sympathique proposition !

                 *

Atteint par la myopathie de Duchenne, Antoine Durand est un jeune homme qui aime se lancer des défis. Ce vendredi de Pâques, rendez-vous est donné à 14 heures à la gare de l’Est au café « Go Johnny Go », situé dans le hall Alsace. Il se prépare à une première : prendre le train de nuit à 19 heures 30 en direction de Vienne, en Autriche, à bord de l’ÖBB Nightjet qui va lui faire traverser Strasbourg, Munich, Rosenheim, Salzbourg, St. Pölten avec une arrivée à Vienne le lendemain à 10 heures.

Comme sur des rails

Antoine se souvient de son voyage à New-York : « Le plus beau voyage de ma vie ! », confesse-t-il . Cette équipée ne lui a pas fait peur, malgré toute l’organisation qu’il a fallu mettre en place et la gestion de la fatigue du voyage. «J’aimerais dans un futur proche me rendre en Floride, plus précisément à Miami, et en profiter pour suivre l’envol d’une fusée depuis Cap Canaveral. », détaille-t-il des étoiles plein les yeux qu’il possède d’un beau bleu azur où les nuages noirs n’ont que très rarement leur place. Antoine fonce dans la vie comme un train lancé à pleine vitesse. Quand il a une idée, il est comme sur des rails et ne dévie jamais de sa trajectoire. C’est d’ailleurs ce qui fait sa force. Celle de toujours se projeter positivement dans l’avenir en s’investissant à fond dans de multiples projets personnels et professionnels, malgré sa maladie lourde et invalidante détectée à l’âge d’un an. Cet été il envisage de visiter Varsovie, et il a pour ambition d’écrire un guide pratique :  comment concilier entreprenariat et handicap ?

Le train sifflera parfois

Pourquoi Antoine a t-il choisi la destination autrichienne ? « Je vais voir mon frère Timothée et sa compagne polonaise. J’ai prévu de visiter les musées, les lieux historiques et d’accorder toute mon attention à l’architecture. » précise t-il. Il est vrai qu’il est ingénieur en génie civil, en plus d’être auteur et entrepreneur dans le domaine du conseil autour des métiers de la santé. Cela fait cinq ans que son petit frère, ingénieur en informatique, réside dans la capitale autrichienne où il a suivi un programme Erasmus. Antoine ajoute qu’il est possible d’envisager une journée à Budapest qui se situe à 2 heures 30 de Vienne en voiture. Et quid de son fidèle chat Filéas ? « Il est resté à Lyon avec mes parents, il n’aime pas trop les voyages et passer du temps dans une caisse de transport. D’ailleurs au sujet de mon chat, j’ai adoré me mettre à sa place dans « son interview ». J’ai pris beaucoup de plaisir à répondre. » s’enthousiasme-il en riant. Je réponds, pour que cela fonctionne bien, il faut être deux : poser de bonnes questions et recevoir de bonnes réponses comme il a su parfaitement le faire en se prêtant au jeu de manière humoristique.

Appréhension

Antoine a une grande habitude de se déplacer, mais aujourd’hui il ne cache pas un peu d’appréhension pour ce périple nocturne sur le train autrichien, et pour une chose bien précise : les prises de courant pourront-elles recharger efficacement son respirateur ? Thiéfaine, un des assistant de vie d’Antoine qui suit parallèlement des études en histoire, l’accompagne dans son voyage. Il indique que normalement tout a été prévu. « Mais on n’est jamais à l’abri de mauvaises surprises. Est-ce que la puissance des prises sera suffisante ? Et surtout, vont-elles bien fonctionner ? s’interroge-t-il. Un second respirateur de secours fait partie des bagages. « Nous allons occuper une cabine avec un lit superposé, ce sera une découverte pour moi ! Je vous enverrai des photos. » précise Antoine. Au loin, la voix de la préposée aux départs et des arrivées des trains s’applique à bien répéter les annonces en ce futur week-end de trois jours. De nombreux clients étrangers, traînant de grosses valises, se faufilent dans l’allée du café pour emporter des sandwichs et des boissons. Il est 15 heures 30 : dans quatre heures Antoine et Thiéfaine s’apprêteront à avaler les 1400 kms qui séparent Paris de la capitale autrichienne.

Mobile tout en étant immobile

Antoine a une équipe de huit personnes qui se relaient pour s’occuper de lui. Ce sont soit des étudiants, comme Tiéfaine, ou des autoentrepreneurs. Leur emploi du temps particulier leur permet d’avoir une seconde activité. Cependant, c’est une gymnastique temporelle qu’il faut savoir maîtriser pour trouver les aides qui se succèdent régulièrement. « Je m’entoure rarement de personnes qui ont suivi un apprentissage spécifique, car pour moi je les trouve trop formatées. J’ai une idée bien précise de l’aide que l’on doit m’apporter, et cela ne colle pas forcément avec la théorie », sourit-il. Tiéfaine a intégré en septembre dernier l’équipe d’Antoine sans aucune expérience préalable, mais ils sont très satisfaits de leur relation commune que l’on peut même qualifier de complice. « Antoine peut aller où il veut quand il veut, il est mobile tout en étant immobile. Parfois ce sont ses assistants qui sont plus fatigués que lui ! Il peut enchaîner quatre rendez-vous dans la journée, il faut suivre », rigole t-il. Antoine ajoute qu’il voyage aussi beaucoup dans sa tête.

On fait comment ?

Régis Deroux est aussi heureux aujourd’hui de rencontrer Antoine au café « Go Johnny Go ». Il a créé depuis un an sa chaîne Youtube intitulée On_fait_comment  qui dénonce le plus souvent les problèmes d’accessibilités pour les handicapés dans Paris et sa région. Il pointe du doigt l’action, ou plutôt l’inaction de David Belliard, adjoint à la mairie de Paris en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie. L’épouse de Régis est handicapée et se déplace en fauteuil roulant ; ils sont donc confrontés au tracas de la vie quotidienne parisienne. Il réalise des vidéos pour montrer les aberrations auxquelles les handicapés doivent faire face pour circuler. Dominique Farrugia, atteint de sclérose en plaques, a même relayé une de ses vidéos à propos de la jungle urbaine dans la rue de Rivoli. « Paris devrait prendre exemple sur Grenoble que je connais très très bien pour y avoir vécu. La ville iséroise est un exemple à suivre depuis fort longtemps pour sa qualité d’accessibilité pour les handicapés. Il serait peut-être intéressant que j’en fasse la promotion dans une vidéo, lance t-il. Qu’attendent Antoine et Régis au sujet des facilités d’accès de la prochaine Conférence nationale du handicap qui se tiendra le 26 avril à l’Élysée sous l’autorité d’Emmanuel Macron ? Pas grand-chose pour Régis, et Antoine d’ajouter : « Cela fait longtemps qu’il existe ce genre d’évènements, mais les améliorations ne sont pas flagrantes. De plus, il y a toujours des dérogations ou des reports qui sont accordés comme les accès obligatoires pour tous les types de handicap pour des établissements recevant du public, c’est vraiment dommage. », regrette Antoine.

Die zeit ist die zeit*

Il existe un point de rencontre à la sortie de la rue d’Alsace dans la gare de l’Est, qui porte assistance aux voyageurs handicapés. Un employé en sort avec à son bras une femme malvoyante : Il l’accompagne jusqu’à son train.  « L’ÖBB Nightjet entrera en gare à 19 heures. » Ce n’est pas encore une annonce générale au micro, mais la vive voix d’un autre employé en service derrière son bureau. « Il faudra que la personne en fauteuil et son accompagnateur se présentent ici à 19 heures 15 précises pour que je les conduise au wagon. » Le train nouvelle génération tout confort à sept voitures dispose d’un compartiment couchettes pour les voyageurs à mobilité réduite le plus accessible possible. « Je m’apprête à vivre une belle aventure. » se réjouit Antoine. A t-il eu connaissance de la citation du philosophe et théologien chrétien romain Augustin d’Hiponne (354-430) ? « Le monde est un livre, et ceux qui ne voyagent pas ne lisent qu’une seule page. » Antoine va avoir encore de la lecture…

*L’heure c’est l’heure

Marc / Humanvibes

Publié le 17/04/2023

Comments

No comments yet. Why don’t you start the discussion?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *