Il y a 100 ans naissait Boris Vian ! (2/2)
À l’occasion du centenaire de la naissance de Boris Vian ce 10/03/20, on célèbrera cette année l'artiste un peu partout en France, mais aussi en Belgique, en Suisse, au Canada et aux États-Unis, avec en filigrane pour maîtresse de cérémonie Nicole Bertolt, qui est la représentante et mandataire de l’œuvre de Boris Vian. C'est avec joie, en sa compagnie, que j'ai eu l'opportunité de visiter l'appartement de l'écrivain.
Suite et fin.
Pour information, cette visite s'est déroulée le 07/02/20.
Nicole Bertolt – Crédit photo ©Youri Zakovitch Boris Vian – Les 100 ans(1920-2020)
Mon texte (modestement) à la manière de Boris Vian « AH SI J ‘ETAIS ECRIVAIN » pour les 100 ans
Ah si j’étais écrivain,
C’que je voudrais faire du Boris Vian !
Mais pour l’instant j’fais du vent…
Cette histoire sent l’sapin.
J’sais pas si boire de l’Evian,
M’ ferait sortir du rang,
Alors siffler du vin ?
J’vais passer pour un feignant,
Jusqu’à c’qu’une idée me vint,
N’est-ce pas M’sieur l’agent ?
Cette histoire sent l’sapin.
Ah si j’étais écrivain,
C’que je voudrais faire du Boris Vian !
Mais pour l’instant j’fais du vent…
J’m’énerve à m’en donner du pian,
Ses écrits, c’était divin,
Il fréquentait l’gratin comme un tian,
Moi, j'fais d’la poudre de perlimpinpin,
Au mieux j’finirais ruffian,
Cette histoire sent l’sapin.
Ah si j’étais écrivain,
C’que je voudrais faire du Boris Vian !
Mais pour l’instant j’fais du vent…
Marc / Humanvibes
EN JAUNE ET MAUVE J’AFFICH’RAI MON COEUR
Nous suivons Nicole Bertolt, et nous arrivons dans une « petite » kitchenette, j’ai bien dit « petite » donc imaginez la taille, faite parfois de bric et de broc. « Lui et Ursula se procuraient d’anciens meubles, et il faisait beaucoup de choses de ses mains avec le bois. Comme son entourage était composé principalement d’artistes et d’intellectuels, lui étant centralien savait très bien ce qu’il faisait, personne ne venait lui faire remarquer qu’il pouvait y avoir des défauts ! » dit-elle en souriant. Pour la couleur, on se croirait chez Monet, faite de mauve mais surtout de jaune . « C’était ses 2 couleurs favorites évoquées dans « L’écume des jours ». On retrouve la fameuse tourniquette pour faire de la vinaigrette et son bruit si particulier, on a d’ailleurs droit à une démonstration. L’objet se retrouvera parmi d’autres ustensiles de sa cuisine cités dans la fameuse chanson « La complainte du progrès » ! « Je me sers toujours de tout, et je le fais… avec beaucoup d’amour, il n’y a pas d’autres mots… » renchérit Nicole Bertolt. J’ai quand même habité 8 ans avec Ursula, et je vis ici à demeure depuis 15 ans. » Mais pourquoi Boris Vian n’a pas eu d’enfant avec Ursula ? « Elle avait 27 ans, elle voulait fonder une famille mais Boris ne voulait pas lui donner d’enfant, il en avait déjà eu 2. Cela a été bien sûr un drame pour elle, quelque chose s’est cassée entre eux à cause de cela, et peu après il meurt. Il était très très mal, il sentait dans son corps qu’il était au bout du bout. La peur de l’avenir ? « Oui, aussi… »
CAVERNE D’ALI BABA
Ici dans l’ancien bureau ensoleillé de Boris Vian, espace qu’il avait récupéré après le départ d’une cartomancienne, Nicole Bertolt travaille sur les documents personnels du couple. Une masse de papiers, de photos, d’objets, qu’il faut trier, analyser, (re)découvrir aussi de façon émouvante. « En ce moment je travaille sur sa correspondance, dit-elle en désignant les précieux documents. « et sur l’exposition qui aura lieu en mars à la gare TGV d’Avignon, la plus grande exposition de France je tiens à le souligner, je n‘en suis pas peu fière, j’espère qu’il sera content Mr Boris Vian ! On retrouve son écriture généreuse, enlevée, sur ses lettres parfaitement conservées, quand on a la chance d’avoir du bon papier, ça aide. Et c’est aussi grâce à Ursula qui a bien fait ce qu’il fallait pour conserver tout cela. On aperçoit un plus loin un soutènement de bois. « En 1956, Vian a commencé à se trouver très mal, il manquait de plus en plus de souffle, il a carrément imaginé se faire un lieu à lui là-haut, où personne n’avait le droit d’aller, dans lequel il se réfugiait en accédant par un tout petit escalier. À cette époque il est jeune, mais il est très malade, il n’a pas envie spécialement de mourir, mais il ne se bat pas non plus. Il l’accepte et il voit ce qu’il passe, il avance jusqu’à la fin… »J’y vois un parallèle avec la petite chambre dans les combles à l’auberge Ravoux à Auvers-sur-Oise de Van Gogh qui était aussi son refuge. « Oui, oui, je crois. Lui qui parlait de rétrécissement [dans le roman « L’écume des jours », NDLR], c’était comme s’il créait lui-même cette chambre où tout se rétrécie. Alors que sa vraie chambre est spacieuse, elle est presque trop dans la lumière et la vie. Boris est mort en juin 1959, à partir de janvier il décline énormément, il n’était que l’ombre de lui-même, et peut-être que de se retrouver dans un petit espace pas trop éclairé, cela lui permet de lui rendre la fin plus supportable… »
QUI ÊTES-VOUS BORIS VIAN ? / ? VIAN BORIS VOUS- ÊTES QUI
Quand on parle d’un artiste, d’un écrivain, ou d’un homme politique on évoque principalement ce qu’il a fait dans sa vie. Mais il y a quelque chose que j’ai appris dans cet appartement avec l’accès à tous les documents et à la mémoire des uns et des autres, c’est de parler de l’homme. Qui est-il ? Je me suis appliquée à mieux le percevoir. Vian est multicolore, c’est très difficile de le suivre complètement. Il va vraiment pouvoir faire tout et son contraire, et c’est à chaque fois justifié car cela est fait d’une telle façon…C’est comme dans « J’irai cracher sur vos tombes » et « Les morts ont tous la même peau », lisez ces 2 livres ! Vous aurez l' archétype même de la personne qui a fait tout et son contraire. Il y a très peu de gens qui l’ont relevé, mais en réalité c’est cela la pensée de Vian que l’on retrouve dans la pensée ‘pataphysique [Le Collège de "Pataphysique a été fondé par Emmanuel Peillet en 1948. Vian qui en fait partie en 1953 disait que deux des principes fondamentaux de la ‘pataphysique sont l'équivalence des contraires et l'importance accordée à l'exception plutôt qu'au cas général. Il ajoutait que dans le domaine scientifique, c'est d'ailleurs l'anomalie qui faisait avancer la découverte, NDLR]. Mettre en place quelque chose de parfois scientifique mais de le présenter d’une façon en étant capable de tronquer la réalité, les perspectives, l’avenir etc. et tout va tourner autour de ça. Ils ont fait un truc que j’adore : La Pictée [La Pictée consiste à décrire une peinture ou un dessin en termes non figuratifs à des participants qui en ignorent la nature, NDLR]. C’est juste fabuleux et c’est extrêmement drôle à faire ! Je n’ai vu que des gens comme ça passer ici. Je m’ennuie avec le monde d’aujourd’hui…Il est "pataphysiquement sombre ! ajoute-t-elle nostalgique.
VIAN ET GAINSBOURG
« Serge Gainbourg en voyant chanter Boris Vian, a dit : si ce mec là peut chanter, alors moi aussi je peux le faire. Et pour 2 raisons. Boris était mort de trac, et Gainsbourg était un grand inquiet, et ils avaient un physique l’un et l’autre qui n’était pas facile. Il y avait donc un effet miroir. Ils se sont vus plusieurs fois à « L’échelle de Jacob », « Aux trois baudets », en parlant technique sur la façon de créer une chanson etc. en s’apercevant qu’ils avaient la même tournure d’esprit sans se prendre au sérieux. Gainsbourg est venu ici 2 fois je crois du vivant de Boris, et puis il est revenu grâce à la fameuse chanson « La chanson de Prévert » en 1962. Il allait donc voir Ursula après avoir vu Jacques. Je l’ai revu ensuite une dizaine de fois quand il avait projet d’adapter au cinéma « J’irai cracher sur vos tombes ». Mais y a t-il eu des correspondances entre les 2 chanteurs ? « Non Monsieur ! La seule correspondance sont les 2 articles que Boris a écrit sur Gainsbourg qui débutait, dont un dans Le Canard enchaîné . Il disait tout le bien qu’il pensait de lui, mais à cette époque il était très fatigué et il n’a vraisemblablement pas pu s’en occuper comme il l’aurait fait en temps normal. Mais si Gainsbourg travaille ensuite avec Alain Goraguer, le compositeur et arrangeur de Vian [« Le poinçonneur des lilas » en 1958 par exemple, NDLR], ce n’est pas hasard ! Et j’ai même retrouvé des titres que Gainsbourg avait repris de Vian comme « Post-mortem » mais sans le même contenu. Boris partageait avec les copains, mais Gainsbourg n’a jamais rendu à César ce qui appartenait à César vis à vis de Goraguer… »
DEMERDES BIS
« La postérité, Boris Vian il n’en avait rien à faire ! Il disait à Ursula : tu de démerderas l’Urs ! [prononcez l'ours, NDLR] Et moi elle m’a dit plus tard la même chose : je t’ai mis tout sur le dos et tu te démerderas ! » Et le fait est, que Nicole Bertolt se démerde particulièrement bien, et encore pour longtemps !
Propos recueillis le 07/02/20
Et pour aller plus loin :
Première partie du reportage sur Humanvibes
http://www.humanvibes.com/content/il-y-a-100-ans-naissait-boris-vian-1-2?ck=
Site de la cohérie Boris Vian
https://www.borisvian.org/coherie.html
Le programme du centenaire
https://centenaireborisvian.com/
Sur le site de la cohérie de Boris Vian, lien vers l'article de l'écrivain sur Serge Gainsbourg, paru dans le Canard Enchaîné en 1958
Boris Vian à Saint-Germain-Des-Prés
Boris Vian – Visites privées(2017) – France 2
Le meilleur de Boris Vian en chansons, et il est toujours émouvant d'entendre sa voix
The best of Boris Vian(2015) – Chanson Française – YouTube
Crédit photo © Cohérie Boris Vian Crédit photo © Cohérie Boris Vian
Crédit photo © Cohérie Boris Vian Crédit photo © Cohérie Boris Vian Crédit photo © Cohérie Boris Vian
Marc / Humanvibes
Publié le 17/03/20