Interview d’Etienne Faure : Un monde ailleurs

Interview d’Etienne Faure : Un monde ailleurs

                                                                            Interview d’Étienne Faure : Un monde ailleurs

Le nouveau film d’Etienne Faure UN MONDE AILLEURS tourné en Amazonie a plusieurs atouts. Un scénario qui nous propulse dès le début dans une forêt équatoriale pleine de mystères. La perception d’une même situation peut-elle être différente entre chaque individu ? Dans un monde inconnu, se raccroche t-on volontairement à ce que l’on connaît, quitte à se mettre en danger ? L’amitié montre t-elle ses limites dès qu’un grain de sable s’immisce dans un groupe ? Ce sont des thèmes abordés dans ce film, portés par de jeunes comédiens qui compteront dans le cinéma français : Paul Bartel, Emile Berling, Alain-Fabien Delon, Pierre Prieur et Ernst Umhauer.

Sur Humanvibes, le réalisateur Etienne Faure replonge dans ses souvenirs sur son expérience cinématographique dans ce continent vert, qui sont au final deux territoires d’aventures similaires.

Etienne Faure bonjour ! Vous avez écrit et réalisé le long métrage UN MONDE AILLEURS  qui est un huis clos dramatique qui se déroule en forêt d’Amazonie, où cinq amis vont vivre une expérience initiatique qui va les marquer profondément pour certains. Après New-York et votre film BIZARRE en 2015, qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet de tourner en forêt tropicale amazonienne ?

Le côté huis clos en plein air. Expérimenter un tournage dans un lieu assez hostile mais fascinant…

Quels dispositifs sonores avez-vous déployés pour capter tous les sons de la forêt avec le preneur de son Thomas Van Pottelberge ?

La forêt devait être considérée comme un 6éme personnage. Et en fait quand on tourne là-bas on ressent tellement de vie autour de nous que c’est primordial avec les sons si divers et permanents de créer un climat et nous faire ressentir cette atmosphère si particulière. Donc je lui ai demandé de me faire des centaines de sons seuls…ce qui ennuyait toute l’équipe du fait d’être obligé de faire silence trop souvent.

« Certainement le plus dur a été de trouver les bons mots pour persuader certains comédiens de plonger dans cette eau boueuse…« 

                                                                                    Étienne Faure                

Il y a toujours des imprévus sur un tournage, avez-vous dû faire preuve d’improvisation et d’imagination face à une ou des difficultés particulières ?

En permanence ! Mais en fait rien de vraiment très compliqué à gérer. C’est la chance d’avoir autour de soi une équipe très pro particulièrement efficace. Certainement le plus dur a été de trouver les bons mots pour persuader certains comédiens de plonger dans cette eau boueuse…

Il n’y a quasiment pas de rôles féminins à proprement parler, pourtant les femmes sont omniprésentes…

Oui, on n’est vraiment pas dans la parité…Ici les filles sont de l’autre côté du fleuve…ce qui pose de gros problèmes à certains d’entre eux. Évidemment c’est un des thèmes du film…c’est un peu l’histoire du monde depuis ses débuts. Certains veulent aller voir ailleurs…vivre des aventures quitte à être déçus, en souffrir, et ne pas revenir… Le fantasme est quelquefois plus jouissif que la réalité.

Vous avez réuni un joli casting de cinq jeunes comédiens en devenir, pouvez-vous nous décrire leurs personnages en quelques mots  ?

Paul Bartel dans le rôle de Tom

C’est le personnage central. Certainement le plus touchant. Il est assez désabusé il ne peut rien faire sans les autres. Il ne voit plus rien. De temps en temps il se sert de son téléphone pour voir. Sa réalité dépend du regard des autres. En même temps c’est peut-être le plus fort, le plus courageux.

Emile Berling dans le rôle de John

C’est un rôle plus compliqué qu’il n’y parait car plus en retrait, plus réservé. Il est très mal à l’aise dans cette forêt. Il est là uniquement par solidarité avec le groupe. Pour lui ce n’est vraiment pas une partie de plaisir. C’est une lutte intérieure pour lui de cacher aux autres son mal être.

Alain-Fabien Delon dans le rôle de Charlie

Il est à l’opposé de William. C’est le rationnel de l’équipe. Il ne se pose pas trop de questions. Il veut avancer, voir ce qui se passe de l’autre côté. Il ne s’embarrasse pas de beaucoup de scrupules quitte à le regretter ensuite.

Pierre Prieur dans le rôle de Pierre

C’est certainement le plus réfléchi des 5. Il veut sauver à tout prix son ami. Il a une relation très forte avec Tom. Nous avons souhaité rester dans le flou concernant leur rapport…au spectateur de se faire une opinion.

Ernst Umhauer dans le rôle de William

Il représente les gens qui croient, qui ont besoin d’autre chose pour appréhender la réalité. Il croit à la force des arbres, de la nature…c’est certainement lui le plus à l’aise dans cette forêt quitte à petit à petit à devenir de plus en plus perché.

Avez-vous laissé une part de liberté aux comédiens ?

Oui et non. Je propose toujours pour la première prise qu’ils fassent un peu comme ils veulent. Après je vois si ça me plaît ou pas. Et puis comme un marionnettiste, je tire ensuite quelques ficelles jusqu’à avoir ce que je veux.

Il est question notamment de chaman dans votre long métrage et « d’arbre à fripes » ! Avez-vous testé personnellement cette méthode de guérison ?

Ahahah !  Non, non à part en ce qui concerne le cinéma où là je peux rêver…dans le réel je suis beaucoup trop pragmatique. Moi je suis aux antipodes de William…

                                  « Dans la salle de cinéma je retrouve la sensation d’être au milieu de cette forêt…« 

                                                                                          Étienne Faure

On sent la tension s’installer peu à peu, surtout grâce à la voix off. Est-ce que des films comme LA FORÊT D’ÉMERAUDE(1985) et DELIVRANCE(1972) tous les deux de John Boorman, ou encore SANS RETOUR(1981)  de Walter Hill, voire FENETRE SUR COUR(1954)  d’Alfred Hitchcock  vous ont inspiré ?

Concernant le ressenti de cette tension bien entendu ça constitue un vrai travail à la mise en scène, au son, avec les cadres, c’était vraiment une volonté très forte d’essayer d’emmener le spectateur, le prendre délicatement par la main pour qu’il ressente le crescendo de cette tension. C’est pourquoi je déprime assez facilement quand je sais que les gens pour la plupart vont voir mon film sur un écran d’ordinateur ou un téléphone, car ça change tellement tout dans une salle plongée dans le noir…Dans la salle de cinéma je retrouve la sensation d’être au milieu de cette forêt…

Concernant ces films bien sur je les connais mais ça fonctionne plutôt à l’envers dans le sens ou c’est après l’écriture ou le tournage que je me dis  » tiens ça me fait penser à ça  » par exemple DELIVRANCE je l’ai vu il y a très longtemps et donc mes souvenirs sont assez vagues, je serais incapable de me dire comment était la mise en scène ; comme tout le monde je me souviens du gamin au banjo…du cochon…mais c’est à peu prés tout. Et concernant FENETRE SUR COUR, bien sûr le sujet est totalement différent mais le postulat de rester toujours d’un côté et d’essayer de comprendre ce qui se passe en face est le même. Un réalisateur c’est un voyeur qui essaye de percer différents mystères, et mon film tourne beaucoup autour de ça…

Vous avez deux casquettes, celle de producteur et de réalisateur. Vous avez l’habitude de faire des films à petit budget avec une équipe réduite. N’est-ce pas une chance concernant l’évolution technique et économique de votre activité avec la présence du virus ?

Disons que concernant le virus cela serait bien que ça ne dure pas trop longtemps…on ne peut pas dire que ça facilite les tournages petite ou grande équipe et moi ce « baillonage » au réel comme au figuré commence vraiment à m’exaspérer… Ce n’est pas vraiment une volonté de ma part de faire des films à petits budgets, même si je n’ai aucune attirance en tant que réalisateur à me lancer dans des grosses machines où l’on tourne 3 plans par jour et le reste du temps on s’ennuie…C’est simplement que, plus on a besoin d’argent en général plus c’est long à trouver, plus il y a de partenaires… J’ai trop d’amis réalisateurs autour de moi qui n’arrivent pas à tourner à monter les films parce qu’ils n’arrivent pas à réunir la totalité du budget, à un moment ils arrivent à 80% du budget, le film est presque en route et tout se casse la figure parce qu’un des partenaires se désiste, c’est en général assez déprimant. Nous avec mon équipe,  quand on décide de lancer un projet qui sur le papier correspond à nos possibilités financières, on va en général jusqu’au bout assez rapidement et là si malheureusement on n’avait pas perdu trop de temps avec un autre projet après BIZARRE j’aurais déjà pu tourner 2 films.

« Comme le dit un des personnages du film je crois que si je restais enfermé dans ma chambre mon imagination me permettrait de voyager sans problèmes et de découvrir le monde.« 

                                                Étienne Faure                                 

Vivre cette expérience de tournage dans la forêt amazonienne a-t-elle modifier votre regard sur le monde ?

Ahahah !  Non pas du tout, j’ai un défaut ou qualité qui fait que je ne suis que très rarement surpris ! En général la réalité que je vis quand je suis sur place correspond à ce que j’avais dans la tête avant d’arriver sur le terrain…comme le dit un des personnages du film, je crois que si je restais enfermé dans ma chambre mon imagination me permettrait de voyager sans problèmes et de découvrir le monde.

Quel est le projet sur lequel vous travaillez en ce moment ?

Un nouveau long métrage. Le titre est 16 A. une histoire entre un père et son fils. Dès que je termine cet interview je me replonge dans l’écriture car je suis grave en retard….

Et pour finir, une question à laquelle vous auriez aimé répondre et que je ne vous ai pas posée ?

Est-ce que sans me le dire certains membres de l’équipe arrivaient de temps en temps à traverser la rivière… ?

Etienne Faure, merci.

Merci à vous.

Propos recueillis le 25/09/20

Et pour aller plus loin :

La bande annonce du film UN MONDE AILLEURS

UN MONDE AILLEURS(2020) – Etienne Faure – Eivissa Productions

L’arbre à fripes ou arbre à loques, ce n’est pas une légende ! Vous en trouverez près de Blangy-sur-Bresle, à quelques kilomètres du Tréport dans les terres, à Sénarpont exactement

Entrez dans la forêt amazonienne !

Jungle d’amazonie(2017) – Enfer ou paradis – Arte – YouTube

Marc / Humanvibes

Publié le 07/10/20

                                                        

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