L'étude de Claude Forest nous apprend que certaines places sont plus prisées que d’autres, sans lien avec les critères de qualité de son, d’image ou de confort souvent allégués par les spectateurs. Typologie du spectateur au cinéma.
Le premier arrivé
Il a fait la queue et compte bien en être payé de retour. L’étude observe chez lui :
« Une accélération du pas qui va même parfois jusqu’à une allure de trot, et, en cas de plusieurs personnes ayant le même comportement simultané, provoquer une attitude de compétition voire aller jusqu’à la bousculade à l’entrée de la salle. »
Pourtant, le premier arrivé ne choisit pas forcément les meilleures places, celles où l’on voit et entend le mieux. Il ignore le plus souvent les sièges situés au centre pour se placer plus en hauteur.
C’est que l’objectif de « bien voir » le film est supplanté par celui de « voir les autres » : les premiers arrivants ont pour principale occupation d’observer l’arrivée des suivants.
Le « à l’heure » pas dragueur
La foule de spectateurs types occupe souvent une salle en laissant de l’espace entre les rangées et les sièges, pour ne pas coloniser l’espace du voisin.
Ce n’est que lorsque la salle se remplit que la proximité de l’autre devient acceptable et qu’on s’assoit à côté d’un inconnu… mais là encore, des règles invisibles s’imposent : une nouvelle forme d’évitement, sexuée cette fois, s’impose la plupart du temps entre une femme et un homme seuls, sous peine de risquer de voir son comportement interprété comme un geste d’approche de séduction.
Le retardataire réservé
Après « les primo-arrivants » et la foule arrivent les retardataires, confrontés à des places perçues comme « de second choix », souvent situées dans les premières rangées. Le retardataire réservé n’ose pas déranger et s’installe n’importe où, en s’excusant silencieusement, sans déranger les autres, quitte à souffrir d’inconfort durant toute la séance.
L’étude relève par exemple que dans la plus petite salle de l’UGC des Halles (Ier arrondissement de Paris), les places en question ont été occupées deux fois seulement par un spectateur arrivé à l’heure, une fois par un spectateur arrivé pendant les publicités, mais dix fois par un spectateur arrivé alors que le film avait déjà commencé (lors des cinq autres séances, cette place est restée inoccupée).
Le retardataire méticuleux
Il prend tout son temps pour viser, évaluer et choisir un siège qui lui convient. Le plus souvent, il opte pour les côtés des rangées, quitte à passer devant l’écran si nécessaire, mais ne s’aventure jamais au centre.
Le retardataire méticuleux agit dans une relative discrétion comparativement à la troisième catégorie de retardataires.
Le retardataire dominant
Le grand sans-gêne qu’on croise parfois pour notre malheur. Il prend tout son temps, lui aussi, pour repérer le siège de sa vie, mais n’hésite pas à déranger une salle entière s’il le faut pour y accéder et à demander aux gens arrivés plus tôt de se déplacer.
Malgré d’éventuels signes d’agacement de la part des autres spectateurs, aucun d’eux ne s’oppose jamais formellement à ce type de retardataire :
« Alors que le ou les premiers spectateurs sont arrivés à l’heure, ont certainement choisi leur place pour leur tranquillité ou un meilleur confort, ils vont accepter d’en changer pour des retardataires qui vont les déranger et, parfois, les irriter car les contraindre de se mettre à une (légère) plus mauvaise place (décentrage éventuel, spectateur de devant plus grand, etc.), nous livrant un bel exemple de soumission librement consentie sans recours à aucun ordre ni donneur d’ordre contraignant. »
Le solitaire bouche-trou
Il cherche à optimiser son choix : à tous les coups au centre d’une rangée ou, au contraire, à l’une de ses extrémités… étant souvent condamné à changer de place pour « boucher les trous » dans les rangées.
Le « en groupe » content d’être en groupe
En groupe, on cherche à bien voir collectivement et à se faire remarquer avec un niveau sonore plus élevé qu’un spectateur seul ou un couple. Et plus on est jeune, plus se manifeste une « fierté d’appartenance au groupe, sentiment peut-être de sécurité ou de supériorité face aux autres spectateurs, provocation muette », comme un « marquage visuel du territoire ».
Le couple hétéro avec mâle protecteur
Les couples ont tendance à occuper les places du fond des cinémas pour voir sans être vus. Le placement de l’homme et de la femme ne doit rien au hasard : dans plus de trois cas sur quatre, l’homme s’assoit du côté de l’allée et laisse la femme vers le centre de la rangée… par galanterie (on laisse passer la femme d’abord) ? Autre hypothèse explicative – plus archaïque :
« La fonction primitive de protection des faibles du groupe par les forts, donc de la femelle par le mâle, surtout dans l’obscurité ou l’inconnu. »
Aurélie Champagne / Rue89
Voilà, désormais au lieu de papoter en attendant le début du film, amusez vous à reperer les différents types de spectateurs qui entrent dans la salle, vous serez surpris !
Marc / Humanvibes