Le RDV du dimanche : L’impro a-t-elle sa place au cinéma ?

Perplexe. C’est le mot qui me vient à l’esprit dès que les lumières de la salle de cinéma se rallument. Lorsque je regarde un film au cinéma, j’ai toujours un moment de latence où je n’aime pas parler du film que je viens de voir, pour laisser planer encore l’ambiance du film, comme lorsqu’on sort d’un rêve et que l’on voudrait y retourner en fermant les yeux et qu’on le sent nous filer entre les doigts. Mais cette fois-ci je me suis abstenue de parler tout de suite, non pas pour laisser la magie du film continuer d’opérer, mais parce que j’étais trop perplexe pour commencer à parler. C’est la personne avec qui j’étais allée voir le film qui brisa le silence : « Alors ? » je répondis « Bah… « . Cette onomatopée fut libératrice pour moi,et je me mis à décrypter Mon garçon.

Mon garçon est l’histoire de Julien, interprété par Guillaume Canet, un géologue voyageant beaucoup, revenant dans sa ville du Vercors à la suite de la disparition de son fils lors d’un séjour en classe verte. Mais ce qui pique notre curiosité est que Guillaume Canet a avancé dans le tournage du film à l’aveuglette puisqu’il n’était pas au courant du scénario et des dialogues du film. Il devait réagir à ce que les autres protagonistes jouaient, qui eux, avaient appris leur texte et l’avait répété. Guillaume Canet a même été contraint de ne pas se mélanger au reste des acteurs lors des pauses et des soirées, de peur qu’une information sur le scénario du film ne fuite. 

Mon garçon est donc, sur le papier, une prouesse cinématographique de la part de Guillaume Canet, mais également des autres acteurs, dont Mélanie Laurent dans le rôle de son ex-femme, qui devaient composer avec son improvisation. Et malheureusement pour moi cela ne restera qu’une bonne idée sur le papier.

À certains moments je ressentais un réel décalage entre le jeu de Guillaume Canet et des autres acteurs. Je pense notamment à une scène avec un gendarme où ce dernier récite son texte alors que se trouve en face un acteur se comportant dans son jeu à la limite d’un documentaire, butant sur des mots et utilisant un vocabulaire plutôt simple.

Jusqu’où un réalisateur peut-il faire un film improvisé, qui plus est avec un seul acteur se prêtant à l’exercice ? C’est cela pour moi qui rend ce film bancal, on ne saurait se situer entre l’improvisation et le scénario. J’en venais à analyser chaque scène pour savoir si ce geste, cette parole de Guillaume Canet était programmée ou alors improvisée, et à ne plus vraiment éprouver d’empathie pour les personnages.

Le fait que Canet ne connaisse pas le scénario n’a pour moi, rien rajouter en plus dans l’émotion retransmise. Aurait-il moins bien joué s’il avait appris son texte comme n’importe quel film ? J’en doute. On se demande donc l’intérêt de ce procédé, en tout cas du point de vue du spectateur. J’imagine que les personnes ayant participé à sa réalisation doivent être fiers du rendu, puisqu’ils savent eux où sont les improvisations,et  les changements de scénario de dernière minute…

En tant que spectatrice, je me suis sentie exclue et en dehors de ce film, malgré la bonne volonté de Guillaume Canet. Selon moi, il aurait mieux fallu faire un documentaire sur le making of comme  il l’a été déjà fait avec d’autres films comme par exemple  Lost in la Mancha (2002) de Keith Fulton et Louis Pepe , ce qui permet en plus de revoir Jean Rochefort disparu récemment (documentaire retraçant le tournage dantesque de L’Homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam, dont le film n’a jamais pu être tourné entièrement). Cela aurait été d’un point de vue cinématographique et technique plus intéressant que le film en lui-même.

Malgré un résultat qui me laisse dubitative, ce film donne tout de même à réfléchir sur la place de l’improvisation au cinéma. Quitte à utiliser ce procédé dans son scénario, pourquoi ne pas réaliser un film qui serait entièrement improvisé ? Mais cela est encore une autre histoire et je pense qu’il faudra attendre quelques années avant de voir cela sur nos écrans. En tout cas, ce film a le mérite d’ouvrir la voie et d’inspirer peut-être de futures histoires…

Marylou / Humanvibes

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