Les coulisses de la « Dame de Pierre » (1/2)
HUMANVIBES VOUS RECOMMANDE – « La Dame de Pierre », le spectacle hommage à Notre-Dame de Paris.
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« Les grands édifices sont l’ouvrage des siècles. Le temps est l’architecte. Le peuple est le maçon.»
Victor Hugo
Souscrivant à cette phrase du célèbre écrivain, Moi, Notre-Dame de Paris, j’entreprends en cette terrible journée anniversaire du 15 avril 2023, une visite chez ceux qui œuvrent passionnément à l’élaboration du spectacle hommage qui m’est consacré : « La Dame de Pierre » par l’Association Symphonia Productions, dont trois représentations seront données les 30 juin, 1er et 2 juillet 2023 au Palais des Congrès à Paris, avant de commencer une tournée de 3 ans en France.
Décors et des corps
A l’intérieur d’une grange, dans un corps de ferme situé dans la commune de Villepreux. Des bruits de ponceuse sur une grande croix en bois peinent à couvrir la musique qui sort d’une enceinte : « Kids » de MGMT. Ce titre de 2007 dont, improbable coïncidence, le vidéo clip débute par les images d’un feu dantesque semblant venir tout droit de l’Enfer. Le style musical contraste avec les ballades des troubadours que j’ai connues dès l’entame de ma construction par l’évêque Maurice de Sully en 1163. En m’approchant, je devine des corps pliés en quatre qui peignent, découpent, façonnent les futurs décors et accessoires. Amandine, travaille dans l’évènementiel, Bérangère, étudie l’Histoire de l’art. Elles sont bénévoles sur ce beau projet. Elles s’emploient à peindre finement de gris argenté des contours du futur tabernacle de mon autel.
Genoux à terre, en combinaisons bleues où il est écrit dans le dos Symphonia Productions, elles donnent vie aux objets en visualisant un dessin sur un portable. Vladimir Mouilleron, le directeur marketing et relations presse, affirme : « Tout est surdimensionné de façon à ce que le public puisse bien voir de loin le décor, sur lequel parfois sera utilisé de la vidéoprojection. » Même si vous n’êtes pas liés personnellement, professionnellement ou en apprentissage sur les travaux que demandent votre poste, Vladimir précise : « Ici ce qui prime, c’est le talent, la bonne volonté et l’investissement des jeunes sur ce projet colossal. » Moi, Notre-Dame de Paris, je suis émue par autant de bonne volonté autour de moi pour me faire revivre sur scène aussi bien que dans la réalité du moment. La veille, des ouvriers ont posé le socle de ma nouvelle flèche, durant une visite du président de la République sur mon chantier.
Instants de création
Au fond, sur le côté gauche de la grange, un salon est dressé qui tient le rôle de salle de repos. Quatre fauteuils, deux guirlandes d’ampoules suspendues projettent leurs rais de lumière aux deux coins des murs où sont accrochés des vinyles. Une tenture murale décorative de couleur rouge, jaune et kaki, une échelle boisée avec en son milieu un glaive en bois, des fausses fleurs pendent des barreaux, finissent de donner l’idée lointaine d’un espace lounge traversant les âges. Il est cerné d’outillages professionnels, clous et vis en tous genres. Tout le monde est studieux et se déplace précautionneusement en enjambant parfois ce qui sera bientôt sur scène, comme si un ballet parfaitement chorégraphié se jouait devant moi, hôte exceptionnel de ces instants de création. Control yourself / Take only what you need from him / A family of trees wanting to be haunted. Ce 15 avril 2019, les images de mon incendie hanteront pour longtemps le monde entier…
La chanson de MGMT prend fin. Personne ne fait attention au silence qui s’installe soudainement. Tous sont concentrés par leur travail. Malgré tout, on se sollicite, on s’interroge, on s’encourage, on se félicite sur l’avancée du cahier des charges, dont certains décors et objets achevés ont été déposés dans un autre lieu de la ferme.
« Le principal défi est de faire en sorte que les 220 m² du plateau du Palais des Congrès soit occupé, il faut veiller à tous les détails. »
Lætitia Rochet
A genoux, Lætitia Rochet, responsable des décors, manie un tube en PVC. « Ce sera un des futurs tuyaux du grand orgue », fait savoir la technicienne, qui a fait des études d’animation en 2 et 3D. « Le principal défi est de faire en sorte que les 220 m² du plateau du Palais des Congrès soit occupé, il faut veiller à tous les détails. La scène doit être impressionnante et grandiose. Il faut conjuguer plusieurs facteurs : solidité, légèreté et réalisme. », confesse-t-elle.
Un joli coup de crayon
Sur le mur sont plaquées par une corde les documentations de statues, guillotine, vitraux, orgue… Lætitia se dirige vers l’un deux. Elle a senti mon émotion à l’évocation de mon grand orgue sauvé des flammes. Elle s’empare du document Tuyaux de l’orgue et me le détaille gentiment, comme pour me rassurer. Les dimensions sont bien indiquées, les traits sont parfaits et précis. Puis elle me montre les dessins de barricades d’une illustratrice « Solveig a du talent, ses dessins sont précieux dans la construction des décors. » Un peu plus loin derrière moi, je crois reconnaître une reproduction de mon autel. Je me dirige vers lui, au moment où une jeune fille toujours habillée de bleu, passe devant moi. Elle inspecte son travail, puis se baisse pour prendre des mesures. Elle repart sur sa gauche et se penche vers un bloc de polystyrène. Avec son crayon, elle ébauche habilement ce qui sera par la suite un prolongement de l’autel.
J’ose lui demander son prénom : « Solveig ! » me répond-elle.
Auprès d’elle, quatre fusils en pin qui ne feraient pas mal à une mouche sont empilés comme un jeu de Mikado. Mon regard balaye le sol. Près d’une boite à outils, je me rends compte du résultat une fois la patine et le vernis déposés. Les armes donnent l’illusion parfaite qu’elles sont réelles.
Baudoin Nicolas, en charge des accessoires, adore le bricolage. Il est parfaitement dans son élément. « Chaque scène demande à ce que soit respectée une vérité historique. Nous faisons beaucoup de recherches sur les représentations de l’époque, et nous nous appliquons à faire en sorte que les objets soient bien identifiés, comme les épées, les rapières, les fleurets… » Une difficulté rencontrée, peut-être ? Baudoin confirme : « Oui, par exemple pour la cornemuse médiévale bretonne et vendéenne, appelée la veuze, ce n’est pas simple à fabriquer ! »
Il est temps de quitter la grange, en évitant de marcher sur une statue en polystyrène couchée sur le dos. La découpe est pour bientôt…
Entrez dans la danse
La répétition d’une danse médiévale débute. « S’il vous plaît silence ! Sinon ça va être très long…OK… La main sur la hanche… Et on se grandit ! » La chorégraphe Hermine Maury s’adresse, en élevant la voix, aux sept couples qui se tiennent par la main. « Elle a fait un très beau travail sur la chorégraphie. Elle est assistée de Louis-Marie Loiseau. » chuchote Vladimir. Il faut s’imaginer la scène avec les costumes qui retrace un pan de notre histoire : nous sommes le 10 février 1638. « Le roi Louis XIII consacre le royaume de France à Notre-Dame. Les courtisans fêtent cet évènement sur le parvis de la cathédrale. », indique Vladimir. J’ajouterais que Louis XIII consacre effectivement la Vierge à travers son vœu, mais également sa personne après la naissance de son fils, le futur Louis XIV. Les pas sont gracieux, les directives précises. « Toute la musique que l’on entend durant les répétitions ne sera pas forcément celle du spectacle. L’orchestre symphonique a enregistré la bande son dans les célèbres studios parisiens Ferber. Nous en sommes très fiers, se réjouit-t-il. Et de murmurer : « Nous avons l’ambition de présenter plus tard le spectacle accompagné d’un orchestre live, ce qui ne sera pas le cas au Palais des Congrès à Paris. » Les couples sont à l’écoute de Louis-Marie et d’Hermine, les directives sont précises. Moi, Notre-Dame, j’ai hâte de voir le résultat final !
À suivre…
Marc / Humanvibes
Publié le 5/07/2023