C’est prêt de la statue de Charles de Gaulle au pied de la station de métro Georges Clémenceau que nous retrouvons Emmanuel Orain. Muni de son appareil photo, toujours à l'affut, il scrute le ciel, l’éclairage, et la lumière de l’endroit. Nous nous dirigeons, avec Sandra nouvelle venue dans l'équipe de Humanvibes, vers le Petit-Palais, lieu de notre interview…
HV : Monsieur Orain bonjour,
EO : Bonjour,
HV : Nous sommes très heureux de vous accueillir, d’habitude nous posons cette question à la fin, mais exceptionnellement aujourd’hui nous vous la posons dés le début. L’ADN de notre site est: "Vous êtes votre seul atout. Pour réussir vous devez changer. Maintenant." Et vous avez changé grâce à un livre qui a été très important pour vous. Dites nous pourquoi vous avez changé?
EO : J’ai changé parce que je n’étais pas bien où j’étais, et cela devenait absolument insupportable.
HV : Vous faisiez quoi ?
EO : J’étais tout simplement dans l’informatique, j’allais dire comme tout le monde, mais…je dis comme tout le monde parce que c’était une façon de faire les choses presque automatiquement sans vraiment trop réfléchir. C’était une voie qui s’était ouverte à moi qui semblait facile et qui me permettait de vivre tranquillement, mais cela n’était pas suffisant pour remplir ma vie, pour survivre mais pas pour vivre. Il manquait quelque chose et je savais quoi, mais il m’a fallu du temps pour l’accepter et pour basculer.
HV : Oui, vous aviez une passion qui était la photographie.
EO : Avant même l’informatique je dirais, j’avais la passion de la photographie, et puis un jour je suis tombé sur un livre où spécifiquement quelqu’un devenait photographe après avoir suivi une mauvaise voie entre guillemets, ou une voie plus facile. Dans son cas il était avocat, moi c’était l’informatique, mais c’est une histoire qui a vraiment résonné…
HV : Le livre dont vous parlez est "L’homme qui voulait vivre sa vie" de Douglas Kennedy
EO : C’est un livre que l’on m’a offert que j’ai lu il y a un peu plus de 2 ans…
HV : Sur votre site vous dites effectivement qu’une personne vous l’a offert, c’est devenu presque votre Dieu vivant ? Vous la voyez toujours ?
EO : C’est quelqu’un qui a senti explicitement ou pas que c’était quelque chose qui allait me faire réagir.
HV : C’était volontaire vous croyez ?
EO : On ne sait jamais…C’est possible… (rires)
HV : D’accord. Donc cela fait 2 ans que vous exercez votre métier de photographe de par le monde
EO : De par le monde pas tout à fait, surtout à Paris. Mais il m’est arrivé en visite à l’étranger de prendre une commande ou deux, oui.
HV : Nous savons que vous êtes allé au Salon de la photo dernièrement qui se tenait au Grand Palais, et je vais vous montrer quelque chose…Il s’agit d’un numéro spécial du journal Libération dans le cadre de ce salon du jeudi 14/11, dans lequel il n’y a plus aucune photo pour insister sur son utilité.
EO : Oui… J’ai vu cela.
HV : Un Libé sans photos, cela est la première fois que cela arrive, qu’est-ce que cela vous inspire ?
EO : Disons que c’est une façon très explicite de montrer ce qui a commencé il y a quelques années aux Etats-Unis. Il n’y a pas longtemps un journal a viré un peu brutalement tout son staff photo, une trentaine de photographes, le Chicago Sun-Times je crois, qui a demandé à tous leurs reporters d’apprendre à se servir de leur iPhone pour prendre des photos. C’est arrivé hier ou avant hier également avec le journal 20 minutes je crois,
HV : Ah, je ne savais pas ! Pour quelles raisons ?
EO : Ils n’ont gardé que deux photographes je crois…Pour des raisons économiques, plus personne ne veut payer pour des photos ! La barrière technique étant tombée, beaucoup de gens considèrent que finalement la photo n’est qu’un travail technique et que l’on peut se passer de photographes. Il suffit d’avoir un iPhone et l’on peut prendre des photos. C’est une très mauvaise chose pour tous ces photographes qui ont passé des années à développer leur art, il ne suffit pas d’avoir un appareil pour être photographe ou prendre de bonnes photos. C’est aussi un bien pour un mal parce que cela va ramener l’art photographique à l’intérieur de la photo beaucoup plus explicitement. Cela va séparer la technique de l’art à terme.
HV : Alors je vais vous montrer une photo .Il s’agit de celle de Raymond Cauchetier (voir ci-dessous, ndlr) qui est devenu célèbre où l’on voit Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg descendant l’avenue des Champs-Elysées, et en regardant de la façon dont elle a été prise, pouvez vous nous dire ce que vous en pensez ?
EO : Alors nous savons que c’est une photo qui a été mise en scène…
HV : Tout à fait !
EO : Jean Seberg a l’air très détendue prise en photo de cette manière, je dirais qu’elle est faussement "prise sur le vif" !
HV : Oui, je vais même vous dire que ce n’est pas une photo prise sur le tournage ! Je crois savoir qu’à l’origine il s’agissait d’une série de photos prises en haut des Champs-Elysées, et il y avait tellement de monde autour d’eux qui les regardait que la technique a décidé d’aller beaucoup plus bas pour faire des photos hors tournage plus tranquillement. Et Raymond Cauchetier qui était le photographe du plateau n’a rien touché pour cette photo, mais cela est un autre problème. Nous mêmes ne sommes pas loin d’où a été prise cette photo, qu’en pensez vous ?
EO : J’aime beaucoup ! C’est un moment intéressant entre 2 personnes. Une situation qui peut-être recréée puisque forcément ce sont des acteurs qui ont l’habitude d'avoir l'air détendus ou d’oublier la caméra ou l’appareil photo. Cela fait partie des choses qui sont très intéressantes pour moi, c’est à dire comment nous sommes quand personne ne nous regarde , et c’est très difficile à photographier puisqu’on est là à regarder les gens , mais cela fait partie des choses vraiment essentielles. Pour moi pour ramener aux personnes la façon dont nous les voyons de l’extérieur , dont on les regarde de l’extérieur quand ils ne sont pas inquiets. Une partie de mon travail est de les amener à réexprimer cela, même dans le cadre de séances photos.
HV : Le fameux "lâcher prise" dont on parle souvent au théâtre?
EO : Oui, c’est très important. Peut-être que sur cette photo ils le jouent, mais on sent un moment extrêmement détendu, un moment totalement spontané, même s’il est joué, il très bien joué dans ce cas là.
HV : Nous parlions du photographe Raymond Cauchetier, malheureusement l’actualité nous ramène à évoquer la triste disparition de Kate Barry, vous connaissiez son travail ou pas?
EO : Pas du tout, je l’avoue, je connaissais à peine son existence pour être honnête. Il y a beaucoup de photographes que je suis, mais j’essaye d’avoir mon inspiration qui ne dépende pas des autres photographes, et puis il y a tellement de sujets différents…Je sais qu’elle a fait beaucoup de photos éditoriales pour la presse, et dans les magazines, j’ai donc découvert son travail.
HV : C’est donc le moment de vous donner 3 cadeaux, et oui c’est un peu Noël avant l’heure ! Et je vous propose de les commenter !
EO : Oh, c’est gentil !
HV : Vous allez comprendre pourquoi je vous offre ces cadeaux…Voilà le premier cadeau… (il s’agit d’objets visibles sur le site Internet d’Emannuel Orain, ndlr)
EO : (rires) Ah, cela me rappelle une photo que j’ai faite il n’y a pas longtemps !
HV : Tout à fait, c’est un paquet de noix de cajou !
EO : Ecoutez c’est délicieux les noix de cajou! En fait, c’était dû à une phrase qu’une personne a prononcée il y a longtemps qui était autour de moi. Dans cette phrase, ce qui m’avait frappé, c’est le décalage entre quelque chose de très bon, et le fait que l’on fasse quelque chose de très violent pour l’obtenir. Parce qu’elle avait dit "Je tuerais pour des noix de cajou", comme une plaisanterie, mais prise au premier degré cette phrase est extrêmement violente. Et cela m’arrive souvent d’observer les choses au premier degré telles qu’elles sont, mais bien sûr cela m’avait amusé aussi.
HV : D’ailleurs si on se connecte sur votre site, nous pouvons voir cette fameuse noix de cajou en très gros plan que vous tenez entre vos doigts.
EO : Oui, parce que j’adore ça en fait, je n’irais pas jusqu’à tuer mais… Rires
HV : Deuxième cadeau !
EO : Dites donc, c’est la fête !
HV : Toujours en rapport avec ce que vous avez vécu plus ou moins…
EO : Ah ! Une brosse à dent !
HV : Oui ! Parce ce que vous partez souvent en voyage !
EO : Cela m’arrive, un peu moins maintenant mais j’ai travaillé pendant très longtemps dans l’informatique dans des "projets européens" où il y avait énormément de voyages à gauche à droite dans tous les sens en Europe, et puis il y a 2 ans j'ai passé quelques mois au Maroc, et avant de partir j’avais demandé ce qu’il fallait apporter, et l’on m’avait répondu : rien, juste une brosse à dents.
HV : Avez vu que vous aviez un dentifrice intégré dans le manche ?
EO : C’est complet, nous pouvons faire un grand voyage !
HV : Oui, c’est collector ! Et le dernier cadeau…Je reconnais ce n’est pas très glamour tout cela…
EO : C’est lourd…Rires…Du liquide vaisselle ! Cela va m’être très utile ça aussi ! J’ai fait une photo récemment à propos de la vaisselle…Celle là est un peu plus compliquée à expliquer, elle est liée à l’idée que l’on ne pense pas souvent aux conséquences…
HV : De faire la vaisselle ?
EO : Non, pas tellement de faire la vaisselle, mais de prendre conscience que les actions que l’on fait ont des effets secondaires et laissent des traces, par exemple avec la vaisselle qui traine dans l’évier. Et ma question est : est-ce que nous laissons les choses s’accumuler en l’état ? Est-ce que le fait de laver fait partie de l’ensemble ? Ou c’est juste un obstacle que nous oublions par la suite ? J’ai vu un reportage d’un photographe récemment sur la quantité de plastique que l’on retrouve dans l’océan et dans les iles. Il montrait des oiseaux en train de mourir d’étouffement après avoir ingéré du plastique, et c’était vraiment très difficile à regarder…Mais c’est quelque chose que nous ignorons au quotidien parce que cela n’est pas sous nos yeux. Je prenais un café tout à l’heure dans une chaîne de cafés très connue, mais ce ne sont pas les seuls spécifiquement, j’avais dans les mains une tasse avec un couvercle en plastique et je me disais qu’à la fin j’allais tout jeter et que j’allais l’oublier, mais il existera encore et s’accumulera quelque part et je ne sais plus quel chercheur ou explorateur disait : « Les humains sont très bons pour créer les choses, mais pas pour les recycler » et toute cette partie de recyclage est très peu développée et cela manque.
HV : Alors justement vous qui est un adepte du changement, vous pourriez vous lancer dans une troisième vie consacrée à l’environnement ?
EO : Cela fait partie de mes préoccupations, mais cela dépasse largement l’environnement, c’est la vie humaine qui est en jeu en fait. Dans l’environnement il y a les humains. S’il n’y avait aucun lien personne ne s’y intéresserait, mais ce problème risque de nous revenir dessus à un moment ou un autre. Mais pour revenir sur l’histoire du liquide vaisselle, ou de la vaisselle en général qui est une allégorie simplement, est-ce que l’on doit attendre que ce soit un trop gros problème pour ne plus l’ignorer ?
HV : Nous parlions de technique photographique tout à l’heure, et je crois que vous accordez beaucoup d’importance à la lumière ?
EO : Oui, tout à fait. La lumière est une sorte de parabole de ce que nous sommes. Je vois les humains comme une sorte de source lumineuse, et la plupart de nos comportements comme un obstacle à cette lumière, un obstacle pour laisser cette lumière briller. Et nous apprenons très jeune à l’enfermer, pour la protéger, parce que nous avons l’impression que l’on a besoin de le faire, d’ailleurs peut-être que l’on a besoin de le faire effectivement…Mais j’ai le sentiment que nous passons le reste de notre vie à nous débattre avec cette protection que l’on a mise en place et qui nous encombre. Tout est déjà là, nous avons la lumière en nous, il ne s’agit pas d’en rajouter alors que nous avons tendance à vouloir le faire autour de nous, à propos de notre aspect, sur ce que nous allons dire, pour paraitre brillants, mais nous le sommes déjà ! Il suffirait de laisser les choses sortir plutôt que d’en faire trop.
HV : Justement ! C’est un peu ce pourquoi le site Humanvibes existe !
EO : Oui, ce qui me fait très plaisir d’en faire partie.
HV : Est-ce que vous n’êtes pas tenté de devenir « un photo-crivain », c’est à dire un écrivain voyageur en écrivant un livre qui regrouperait toutes vos photos, parce qu’en regardant votre site, nous voyons que vous êtes aussi un écrivain !
EO : Je pense qu’il n’y a pas d’opposition entre l’écriture et la photo, cela peut se compléter. Les mots sont très importants pour moi…
HV : Ce que nous disons dans notre site, les mots ont tous leur importance…
EO : …très très important, il y a des choses que la photo exprime très bien, que mes mots expriment très bien, et il y a des choses que la combinaison des deux exprime encore mieux. Il ne s’agit pas simplement de décrire la photo ou de l’expliquer surtout, ni même de lui donner un contexte. Mais l’association des deux m’intéresse énormément. Je n’ai jamais vraiment écrit des choses très longues juste un petit article, quelques lignes, certaines personnes diraient même un poème. Cela me convient très bien, oui, ce sont vraiment deux aspects qui comptent beaucoup pour moi.
HV : Bien nous arrivons à la question que souhaitait vous poser Gil Galliot metteur en scène de théâtre interviewé précédemment sur Humanvibes : « Je n’aime pas le théâtre filmé, parce que cela ne rend pas très bien à l’écran, en revanche j’ai vu de très très belles photos de spectacles de Nicolas Treatt. Pourquoi la photo de spectacle rend plus vivant que le théâtre que l’on voit à l’écran ?"
EO : Alors là, j’ai beaucoup de théories là-dessus parce qu’il se trouve que j’ai photographié beaucoup le théâtre, des personnes de ma famille sont dans le théâtre et nous en avons souvent parlé…Le théâtre a cette chose vraiment spécifique qui est que nous sommes présents, nous ne savons pas ce qui va se passer, ce n’est pas enregistré. Nous ne pouvons pas dupliquer cela à l’extérieur, le théâtre filmé essaye de rendre cette expérience d’être devant la pièce, mais on ne peut pas le faire. C’est enregistré, et nous savons dès le début que cela va bien se passer. Devant un spectacle le rapport au temps est complètement différent. C'est le cas aussi avec la photo, parce que les photos montrent un instant où il n’y a pas d’avant, et où il n’y a pas d’après, ce qui n’est pas le cas d’un film. C’est ce qui donne la focalisation sur un instant particulier.
HV : Oui, à la limite nous avons le temps d’imaginer ce qui a pu se passer avant ou après.
EO : c’est comme la différence à voir un concert et écouter la musique de ce concert en CD. Un concert, il y a toujours la possibilité que quelque chose puisse arriver, et vous pouvez écouter un CD 150 fois, ce sera toujours pareil, vous n’aurez pas la même attention, vous savez que cela se passera bien. Quand vous allez voir une tragédie au théâtre, il y a un réel danger pour la personne qui est sur scène qui n’existe pas lorsque c’est filmé. C’est comme regarder un match de football en différé en connaissant l’issue, cela n’a rien à voir.
HV : Nous avons évoqué sur Humanvibes le coup de tête de Zinedine Zidane…
EO : Je l’ai vécu en direct, et nous sommes devant en se disant que cela n’était pas prévu
HV : Au niveau scénaristique c’était fantastique !
EO : Ah, c’était incroyable ! Il y a justement quelqu’un qui a écrit un très beau livre qui compare ce coup de boule à une tragédie grecque, "La 107è minute". On sent que même si ça signifiait la fin de sa carrière, il fallait qu’il le fasse.
HV : On se demande même si cela n’a pas été un exutoire qui a été la conclusion, peut-être, d’une accumulation de plein de choses pendant des années durant toute sa carrière, et qui sont ressorties à la toute fin.
EO : Oui, peut-être, cela a été un moment tragique, pas au sens dramatique…
HV : Spirituel…
EO : Oui, son geste a dépassé largement le cadre du football…
Dédicace pour Humanvibes d'Emmanuel Orain dans le livre "Errance" de Raymond Depardon aux éditions Points
Propos recueillis au Petit-Palais le 18/12/13
Pour illustrer les propos d'Emmanuel Orain :
Les 2 sites d'Emmanuel Orain avec lesquels vous pourrez faire connaissance avec son travail
http://www.emmanuel-orain.com/site/
Photo de Raymond Cauchetier avec Jean-Paul Belmondo et Jean Seberg
Raymond Cauchetier
Article de Libération le 14/11/13
Aujourd’hui, un «Libé» sans photo
13 novembre 2013 à 20:16
Malgré les apparences, le numéro spécial que vous avez entre les mains n’est pas tout à fait un journal sans image. C’est un Libération où la photo a été volontairement escamotée. Du blanc en hauteur ou en largeur, comme le négatif d’images invisibles et pourtant bel et bien là.
Cette nuance a son importance. Libération voue une infinie reconnaissance à l’iconographie, celle des photoreporters, mais aussi des photographes de mode, des portraitistes, des conceptualistes. Au fil des ans, notre passion pour la photographie dans tous ses états ne s’est jamais démentie. Non pas pour «faire joli», «faire choc» ou illustrer, mais parce que la photo a l’œil sur les mœurs et usages de notre monde.
Choisir l’ouverture du salon Paris Photo, au Grand Palais, pour «installer» des images blanches dans toutes nos pages comporte, bien sûr, un engagement de notre part. Il ne s’agit pas d’un deuil, nous n’enterrons pas aujourd’hui l’art photographique et toutes les photos escamotées se retrouvent réduites sur une double page. Nous rendons, au contraire, à l’image l’hommage qui lui revient. Mais nul n’ignore la situation calamiteuse où se trouvent les photographes de presse, en particulier les reporters de guerre, qui mettent leur vie en danger pour à peine la gagner. Quant à ceux exposés pour quatre jours au Grand Palais par des galeristes avisés, leur sort apparemment plus enviable est en réalité un miroir aux alouettes : le marché de la photographie est en pleine confusion.
L’abstraction possède une vertu irremplaçable quand elle est claire et radicale : elle met en lumière les évidences oubliées.
Béatrice VALLAEYS
Marc et Sandra / Humanvibes