Marie Lelong adore en faire toute une Histoire ! (1/3)
Nous avons le plaisir d’accueillir Marie Lelong, guide-conférencière, à Paris et en région parisienne. L’Histoire antique, médiévale et moderne sont des sujets qu’elle partage avec ferveur sur les lieux de ses visites. Le château de Vincennes, la basilique de Saint-Denis, la Conciergerie, la Sainte-Chapelle de Paris, en passant par le Jardin des Plantes, Lutèce… ne sont qu’une partie du patrimoine qu’elle vous fera découvrir. Cette semaine sur Humanvibes, dans le cadre de la thématique des animaux dans l’Art et l’Histoire, elle nous raconte l’étonnante aventure de Mohiloff, chien du duc d’Enghien.
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Ce n’est pas par hasard si le chien est considéré comme le meilleur ami de l’Homme. Apprécié pour sa grande fidélité, les créateurs de personnages de fiction l’ont bien compris accompagnant souvent leurs héros principaux d’un canidé. Qui ne connaît pas Milou chez Tintin, Idéfix compagnon d’Obélix ou encore Pluto, acolyte de Mickey ? Ait-il besoin d’entrer dans la fiction pour trouver un bel exemple d’attachement d’un chien à son maître ? L’histoire de France offre un vrai modèle de fidélité canine avec la sombre affaire du duc d’Enghien.
Depuis que son parrain et sa marraine, Louis XVI et Marie-Antoinette ont été guillotinés, Louis-Antoine de Bourbon-Condé, duc d’Enghien, dernier descendant de la maison de Condé, s’est réfugié à Ettenheim (aujourd’hui située en Allemagne). Il y vit paisiblement avec sa compagne qu’il a épousée en secret, Charlotte de Rohan-Rochefort, et son petit chien carlin, Mohiloff. La Révolution a marqué la fin de la Monarchie, depuis, différents régimes se sont succédés, le Directoire puis le Consulat.
Une conspiration royaliste
En 1804, le premier Consul Bonaparte, découvre un complot royaliste mené par le général chouan Cadoudal visant à restituer le trône à la famille royale. Il y est question du retour au pouvoir d’un prince de sang royal. Il n’en faut pas plus au futur Napoléon Bonaparte et aux enquêteurs pour imaginer que ce prince à la tête de cette rébellion n’est autre que le duc d’Enghien, agé de 31 ans. Il est enlevé dans la nuit du 15 au 16 mars 1804 dans sa maison d’Ettenheim et jeté dans une diligence qui le mène vers le château de Vincennes à plus de 500 kms de là. Son petit chien Mohiloff a tout vu et s’élance à la poursuite du cortège. Son maître le duc lui crie de retourner à la maison mais le petit carlin s’obstine. Les gendarmes qui accompagnent le cortège le repoussent mais il continue sa course. Il va même se jeter dans l’eau glacée du Rhin et le traverser ! Il finit par rattraper la voiture après plus de 50 kms de course effrénée. Impressionnés par sa grande fidélité et son courage, les soldats le laissent monter avec son maître.
Un duo enfermé
Arrivé à Vincennes, forteresse construite pendant la Guerre de Cent Ans au XIVe siècle, devenue prison d’Etat à partir de la fin du XVe siècle, le duc d’Enghien y est jeté accompagné de son fidèle compagnon à qui il donne une partie de son repas du soir. A cet instant, le duc ne le sait pas encore mais son destin est scellé : un simulacre de procès le désigne comme coupable et le condamne à mort. Réveillé dans sa cellule à deux heures du matin dans la nuit du 20 au 21 mars 1804, il est conduit dans les fossés du château de Vincennes, suivi de Mohiloff, où il est fusillé. On l’enterre sur place, sans funérailles, dans un trou creusé pour l’occasion. Le carlin va hurler à la mort plusieurs jours sur la tombe improvisée de son maître. Très touchée par son fort attachement à son maître, l’épouse du commandant du château de Vincennes finira par le récupérer et l’adopter. A son décès, l’animal courageux sera naturalisé.
François-René de Chateaubriand est persuadé que Bonaparte a fait exécuter le dernier descendant de la famille royale afin de prendre le pouvoir. Il démissionne de son poste de chargé d’affaires le lendemain de l’exécution, et va devenir un véritable opposant au futur empereur. Dans son autobiographie, les Mémoires d’Outre-Tombe (publiée à partir de 1849), il reviendra sur cette tragique affaire qui a marqué les esprits.
Un tombeau digne du duc d’Enghien
A la chute du Premier Empire de Napoléon en 1814, la Restauration de la Monarchie installera au pouvoir Louis XVIII, un frère de Louis XVI. Le roi donna l’ordre de déterrer la dépouille du duc d’Enghien, qui était innocent des crimes dont on l’accusait, puis la fera placer dans un grand tombeau, œuvre du sculpteur Pierre Deseine (1749-1822), dans la Sainte-Chapelle du château de Vincennes où il repose toujours aujourd’hui.
Marie Lelong pour Humanvibes / Guide-conférencière en Histoire antique, médiévale et moderne
Et pour aller plus loin :
Ce touchant récit de Mohiloff, n’est pas sans rappeler que la grande fidélité du chien est reconnue par delà les frontières. Au Japon, dans les années 1920, une histoire avait particulièrement émue les foules : celle de Hachikō de la race Akita. A découvrir ci-dessous
Brut (2019) – Une vie : le chien Hachikō – Youtube
Marc / Humanvibes
Publié le 12/05/21