Thébaïde – Couverture / Marylou Bélouis
THEBAÏDE (2/6)
7 ans plus tôt, en mars…
Je suis un homme lambda. On ne fait pas spécialement attention à moi. Je pense m’habiller correctement, mais je ne dois pas avoir encore trouvé le p’tit truc qui me démarque des autres. Pour s’amuser, parfois le peu de mes amis me disent que je devrais passer à l’émission de Cristina Córdula Nouveau look pour une nouvelle vie, que ça pourrait arranger les choses. Sympas les amis. Mais combien de personnes en attente devant moi ? Et encore il faut faire de l’audience. Moi, je ne vais pas plaire à la ménagère de moins de 50 ans, ma transparence ne représente aucun intérêt. Pas le bon candidat. Je regarde de temps en temps l’émission. Qu’ont t-ils de plus que moi ? Ah si ! Point positif, on me dit que j’ai de beaux yeux, encore faudrait-il que j’ai une femme à regarder qui me regarde la regarder. Vous n’avez pas remarqué que les gens ne se regardent plus dans les yeux ? Des regards fugaces, rapides, oui, mais des vrais œillades qui vous permettent de vous souvenir de la couleur des yeux de vos interlocuteurs, vous verrez, amusez-vous à en faire l’expérience. Décidément, le zapping est partout.
– Sébastien ?
– Je me retourne. Oui ?
Une belle femme blonde venait de m’appeler par mon prénom à l’entrée de la gare de Chénay Gagny.
En pouffant – Désolée ! Je vous ai confondu avec une autre personne, vraiment désolée ! fit-elle en me tenant le bras.
– Il n’y a pas de mal mademoiselle… J’aurais dû dire avec plaisir, cela aurait été plus positif. Elle lâcha prise, et partit attraper son train si rapidement que je n’ai pas eu la présence d’esprit d’ajouter une nouvelle phrase. Un autre que moi, me ressemble ? De dos, d’accord je vous l’accorde, mais j’aimerais bien le rencontrer pour voir son visage. Il est peut-être comme moi, je lui souhaite quand même de ne pas être trop insignifiant…Point positif, nous avons le même prénom. Sébastien. Cela va encore, j’aime bien mon prénom, c’est déjà pas mal. Il vous suit dès les premières heures de votre naissance et même au-delà sur votre pierre tombale, quand il y en a une…
Je prends mon RER en direction de Paris tous les matins dans un cadre un peu champêtre. Il y a des arbres, des arbustes, des buissons, de la mauvaise herbe sur les bords régulièrement coupée par la SNCF. Derrière moi, on devine une barrière d’immeubles. D’un côté les maisons individuelles, de l’autre les apparts. J’ai l’avantage que la station soit la deuxième desservie après celle de Chelles sur la ligne Eole. En cas de grève ou de perturbations techniques, j’ai plus de chance de trouver une place assise, en général à l’étage.
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Sia roula sur le sable et les grains roulèrent sur sa peau bronzée dans l’espoir de ne laisser aucune miette ; sa peau dégageait une odeur faite d’un mélange de légère transpiration, de crème solaire, et de…bonheur. Elle regarda de ses grands yeux le ciel, légèrement poudré de nuages pas encore menaçant. Elle soupira, prenant une profonde inspiration, creusant à pleines mains les grains sable qui s’insinuèrent aussi sous ses ongles, cela lui faisait penser aux bébés qui malaxent leurs cubes de mousse. Elle s’humecta les lèvres de sa bouche desséchée par le soleil. Elle sortit de son sac de plage un vaporisateur d’eau minérale, les gouttelettes la rafraichirent un bref instant, et elle s‘allongea sur le ventre en offrant ses courbes voluptueuses à la lumière du soleil. Filmée par un drone, la scène aurait pu en faire rêver plus d’un, image furtives en noir et blanc d’une naïade en maillot 2 pièces sur du sable presque blanc, avec une chevelure noire corbeau. Elle finit par se mettre sur le côté en faisant la moue. Elle ne regretta pas d’avoir oublié ses écouteurs. Le calme l’envahissait. Elle profitait de ces instants au maximum. Elle cala sa respiration au son des vaguelettes. Elles se jetaient sur la rive, tentant par endroits de s’étirer au maximum afin de lui lécher les doigts de pieds ; attirées par les ongles rouges tel le matador avec sa muleta le taureau. Elle regarda sa montre qui indiqua 18h10. Il était temps de rentrer et de retrouver Balthazar…Balthazar, elle cria son nom qui ne trouva aucun écho. Mais le seul fait de le prononcer la mit en joie…
Pensive, Alice ferma son roman ThébaÏde. Elle essaya de se concentrer sur ce que Florent et elle avaient échangé le mois dernier. C’était réellement fini entre eux. Ses horaires de bureau venaient d’être modifiés, elle commençait plus tôt. Elle ne voyait plus le décor de la gare de la même façon. Plus rien n’avait le même goût dorénavant. Elle espérait qu’elle finirait par s’en remettre, tout le monde lui disait ça autour d’elle.
Le train au départ de Chelles Gournay s’ébranla.
Que dire sur cette séparation. On repense aux évènements passés, on tente de comprendre comment les choses auraient pu être différentes. Mais c’était plein de petits détails, qui avaient finis par s’accumuler, un peu comme des sédiments au fond de l’eau. Cela s’entasse par petites quantités, et à la fin le mille-feuilles de la désillusion et de la tristesse s’installent. On dort mal. Tout nous paraît pénible, sans saveur. On ne supporte plus l’autre, et plus difficile on ne se supporte plus de ressentir ses émotions négatives envers l’autre. On essaye de se ressaisir, mais à chaque fois on se ronge l’esprit de plus en plus …
Une femme vint s’asseoir à côté d’Alice, et commença à fouiller dans son sac à la recherche de son téléphone.
A suivre…
Marc / Humanvibes
« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existées ne saurait être que fortuite. »