Thébaïde (3/6)

Thébaïde (3/6)

     Thébaïde –  Couverture /  Marylou Bélouis

 

THEBAÏDE (3/6)

 

Si vous prenez régulièrement le RER aux mêmes horaires, vous croisez toujours les mêmes personnes sur le quai qui se positionnent toujours au même endroit. Probablement parce que la  rame s’arrête à une sortie stratégique sur les quais des stations desservies. Alors ce microcosme se côtoie l’espace d’un trajet. Moi je me fiche pas mal d’être devant ma sortie, le principal est que je puisse être assis, d’où mon exil en queue alors que ma sortie au terminus du parcours est à l’autre bout. Pas grave. Avec mes voisins, on se partage le quotidien. On en viendrait presque à se saluer s’il y avait un peu plus d’humanité. Alors à se parler ! Non. Chacun reste dans son coin dans son livre, dans sa musique, ou pianotant sur son téléphone. Le son du petit oiseau qui annonce l’arrivée d’un nouveau message égaye un peu le parcours, ce qui entraine le ballet maintenant bien réglé  des voyageurs à la recherche de leur téléphone afin de vérifier leur messagerie. Ceci dit, c’est grâce à un portable que j’ai remarqué Alice ce jour-là à l’étage.

– Ouais… ouais…tu comprends elle me fatigue, là je n’en peux plus.

Silence…

– Bah oui, tu penses, je lui ai dit…Mais elle ne veut rien savoir la garce !

– Alice regarde sa voisine et tache de se concentrer sur son roman.

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Balthazar entendit la voiture de Sia  approchant roulant sur les graviers de la longue allée de la villa. Il esquissa un sourire. Il vit au loin de la fumée qui traversait la vallée. Ce lui rappela ce pourquoi il était là en ce moment…

-T’as raison…je …humm…humm…mais tu verras ça ne changera rien…ouais…et tu penseras à ramener une baguette ce soir ?

– Excusez-moi madame fit Alice, vous ne pourriez pas parler moins fort, je n’arrive pas à me concentrer avec vos histoires…

– Attends quitte pas, j’ai une connasse qui se plaint que j’parle trop fort…

– Tout de suite les grands mots ! Je m’excuse, mais vous gênez tout le monde !

– Tout le monde ? Mais il n’y a que vous qui vous plaigniez !

Regards gênés autour d’elle.

Alice préféra quitter sa place plutôt que d’entamer une discussion stérile. Alerté par ce haussement de voix, en se déplaçant, je la vis pour la première fois. Je n’avais jamais vu une femme aussi belle. J’ai cru qu’elle allait jeter un regard vers moi mais il n’en fût rien. Déception. C’est alors qu’elle fit tomber son livre aux pieds de ma voisine de gauche et j’eus juste le temps d’en voir le titre : Thébaïde. C’eût été une liseuse, c’était fichu ; Les fabricants de ces machines numériques pensent-ils seulement qu’ils sont responsables de la baisse des rencontres dans  les transports en commun !

Alice récupéra son roman, descendit les marches de la rame. A la dernière elle fût interpellée par une connaissance, c’est grâce à cela que j’ai su comment elle s’appelait.  Son amie restant sur le pas de porte, j’entendis le bruit de ses talons qui claquèrent plus bas… Un peu plus tard la voisine indélicate se leva et se cogna la tête sur le haut du rebord du wagon.

– Fais chier ! Merde, vociféra-t-elle.

Bien fait, pensais-je mentalement. Je suivis l’excitée d'un regard en coin. Elle balaya l’assistance de ses yeux méchants, pour le coup je n’avais pas envie de me souvenir de leur couleur, puis sortit sur le quai de Pantin, dernier arrêt avant de s’enfoncer dans le sous sol parisien. Alice en dessous. Moi au dessus. Je l’imagine en train de tourner les pages de son livre…

Alice repris sa lecture interrompue.

Page 27

Balthazar entendit la voiture de Sia  approchant roulant sur les graviers de la longue allée de la villa. Il esquissa un sourire. Il vit au loin l’épaisse fumée qui traversait la vallée. Ce lui rappela ce pourquoi il était là en ce moment…

Il n’était pas sûr de l’issue de cette histoire avec Sia. Mais qui peut être certain de quoique ce soit. En ces temps troublés, tout est devenu plus compliqué. Il avait du mal à être réellement heureux, à se sentir relâché comme si un fil invisible le retenait toujours dans tout ce qu’il faisait, dans tout ce qu’il pensait, l’empêchant de se livrer pleinement. Il n’était pas seul dans ce cas là. Combien étaient-ils ? Combien étaient-elles ? Comment un évènement dont il n’avait pas été confronté directement avait-il  pu pénétrer aussi profondément son esprit au point de le faire douter de tout ? Tous ces hommes et ces femmes qui devaient vivre avec ces images qui tous les ans repassaient au moins sur une chaine de la télé une semaine avant chaque 11 septembre. Il pensait à ceux qui étaient nés à cette date. Est-ce qu’ils étaient troublés que le hasard ait désigné cette date funeste le jour de leur anniversaire ?  Ce panache de fumée nauséabond de terreur, il le revoyait. Et tout avait été déclenché insidieusement durant les heures suivantes. Au départ il était juste surpris comme tout le monde en suivant en direct les évènements. Les explications les plus folles circulaient. Ils ne savaient pas encore qu’un Boeing 767 de la compagnie American Airlines avait percuté la tour Nord  du World Trade Center. Un petit avion de tourisme ? C’est vraiment l’impression qu’il en avait quand il avait découvert les images pour la première fois. Les images diffusées quand il en avait pris connaissance en direct dans la salle de marché ne laissait rien présager de la terrible réalité. 1 mois après, il avait démissionné de la société d’investissement. Il fallait qu’il se sorte de cette emprise psychologique. Il en avait parlé à Sia, qui elle bien qu’aussi perturbée par cet évènement, avait réussi tant bien que mal à ériger une barrière mentale qu’elle tentait de colmater le  mieux possible.

– Sia. Je crois qu’il vaut mieux que je me retire après tout cela.

Elle le regarda intensément.

 

A suivre

 

Marc / Humanvibes

 

« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existées ne saurait être que fortuite. »

 

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