Thébaïde (5/6)

Thébaïde (5/6)

    Thébaïde –  Couverture /  Marylou Bélouis

 

THEBAÏDE (5/6)

 

J’étais devenu un gamin. Guettant le cœur battant l’arrivée de la rame. Alice avait pris ses habitudes, Dorénavant, elle se mettait toujours en haut près d’une fenêtre dans le sens de la marche. Cela faisait bien  3 semaines que nous voyagions ensemble par procuration, mais je n’avais jamais eu l’occasion de me retrouver à coté d’elle. J’ignore ce qu’elle faisait pendant les trajets. En montant fébrilement comme d’habitude, j’aperçu Alice de dos. Sa nuque était dégagée par un chignon exécuté à la va-vite, mais il était charmant. De belles boucles d’oreilles ornaient le tout. Elle était penchée sur un livre !

Je réussis à me glisser à la place qui était derrière elle. Nous étions dos à dos. C’était la première fois que nous étions aussi proches. J’avais tous mes sens en éveil, j’essayais de capter les moindres gestes, bruits, mouvements de siège, qui pourraient me donner une indication sur ce qu'elle faisait. Délice et supplice chinois ! Je sortis Thébaïde de ma sacoche. J’essayais tant bien que mal d’occulter les conversations alentour. Difficile de se concentrer entre la dernière victoire du PSG, une maladie d'Alzheimer d’une parente, et un tapoteur de téléphone. J’avais déjà commencé Thébaïde hier soir, je me replongeais dedans à la poursuite d’Alice…

Page 30

5 heures du matin. Balthazar avait l’habitude de se lever tôt. Sia dormait encore d’un souffle régulier. Il lui embrassa la joue tendrement, enfila un bermuda et un t-shirt. Dehors  l’air à peine frais pour la période annonçait probablement un orage en milieu de journée. Mais pour l’instant le ciel était clair et limpide. Il aimait se trouver au bord du lac au lever du soleil. La pleine lune était déjà un spectacle saisissant, mais il avait une préférence pour la levée de l’astre solaire. Le lac majestueux aux couleurs changeantes au gré de la lumière, des nuages et du ciel. était en contre bas du chalet. Balthazar emprunta le chemin champêtre qui aux dires des anciens l’avait déjà été au temps du moyen âge sans aucune modification depuis. D’autres allaient plus loin en certifiant que c’était déjà le cas au temps de la préhistoire.

Il aimait regarder ses pas foulés cette terre ancestrale, et s’imaginer ce temps passé. Qu’avaient en tête ces hommes ou ces femmes en descendant vers le lac ? Il respira à pleins poumons l’air rempli d’odeurs fait d’herbes et de fleurs mouillées par la rosée du matin. Enfin il toucha les premières pierres qui roulèrent sous ses pieds et s’avança sur le rivage, tous ses sens tendus vers l’horizon. Le lac endormi s’éveillait au rythme des bruits de la nature. Ici une oie sauvage, là un canard s’envolaient lentement, l’extrémité de leurs ailes touchant l’eau. De petites spirales s’agrandirent peu à peu faisant onduler le miroir liquide.

Devant ce tableau, Balthazar était loin de la fureur du monde. Quelle émotion ! A gauche, derrière les montagnes le ciel devenait plus jaune. A peine le temps de regarder vers la droite pour suivre du regard le vol d'un canard en rase motte, que la couleur prit une teinte plus blanche. Plus haut, derrière lui, la montagne au-dessus du chalet était déjà orangée, et la lumière n’allait pas tarder à descendre vers lui. Puis, le disque solaire apparu enfin. Il sentit tout de suite la chaleur lui réchauffer le visage. Les pierres changèrent subitement de couleur, surtout celles au bord de l’eau qui recevaient à intervalles réguliers de petites vaguelettes causées par les oiseaux plongeant à la recherche de nourriture. Lui et le lac ne faisait plus qu’un. Une fois, il s’était mis tout nu pour ressentir de tous ses pores la nature, le monde, son corps, son esprit… Il avait fermé les yeux,  se trouvant presque dans un état second. Puis il avait avancé lentement dans l’eau et s’était mis à flotter sur le dos. Il était resté là le corps inerte sans prendre conscience du temps qui s’écoulait autour de lui, à part l’eau purificatrice de l’âme. Le temps s’était arrêté. Il ne savait plus qui il était, juste un être humain peut-être ?

Il se dit qu’un jour il demanderait à Sia de venir avec lui pour qu’ils profitent tous les deux du spectacle. Sia n’était pas matinale, mais elle lui avait promis qu’elle ferait cet effort. Heureusement que Sia et lui étaient ensemble, elle le protégeait, ils s’aimaient, pas de doute ils étaient faits l’un pour l’autre. Enfin le soleil s'éleva  dans le  ciel, cela devait être vécu à l’instant présent et resterait imprimer à jamais dans sa mémoire…

Je sentis Alice bouger sur son siège. J’entendis une fermeture éclair se fermer. Un sac à main ? J’étais prêt à me lever aussi, mais  pour faire quoi ? Je ne sais pas, j’aurais trouvé quelque chose à dire, j’étais bien courageux tout à coup !  Puis elle se leva et passa à ma droite…

Ce n’était pas Alice !! Je l’avais confondu avec une autre femme. Quel imbécile ! Je m’étais mis dans un état émotionnel tel que je restais scotché à ma place au terminus, que j’en faillis repartir dans l’autre sens ! Cela me perturba toute la journée.

Le soir,  réfléchissant dans le RER, je décidais d’agir autrement. Il fallait que je me retrouve en face d’Alice coûte que coûte. Je pensais même à revêtir le costume Mario Dessuti marron glacé que je m’étais finalement procuré en espérant qu’elle fasse le rapprochement. C’était du délire ! Combien de temps cela allait durer ? J’échafaudais plein de scénarios complètement tordus. Curieusement il y avait peu de monde ce soir là dans la rame, 7 personnes tout au plus.

– Excusez-moi, pardon. On venait de me marcher sur les pieds au son de la fermeture des portes

Je levais les yeux. C’était Alice !!

 

A suivre…

 

Marc / Humanvibes

 

« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existées ne saurait être que fortuite. »

 

 

 

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