Thébaïde (6/6)

Thébaïde (6/6)

    Thébaïde –  Couverture /  Marylou Bélouis 

 

THEBAÏDE (6/6)

 

Le choc  fût instantané. J’essayais de ne pas faire paraitre mon trouble. Que faire ? Et vous, qu’auriez vous fait à ma place ? Je lui rendis un sourire poli. Le conducteur annonça les gares desservies et l’on finit par démarrer.

Alice fouilla dans son sac, je découvris  la couverture de Thébaïde. Elle le prit dans ses mains. A cet instant, à l’entrée du tunnel, les lumières s’éteignirent ce qui n’empêcha pas le train de banlieue de continuer à rouler. Une désapprobation générale s’échappa de la bouche des quelques voyageurs, et Alice reposa Thébaïde sur son sac. Pour moi c'était une perte de temps capitale pour engager la conversation si je sortais également le roman de ma sacoche. Un marque page dépassait dangereusement du bord du livre. Je me disais que c’était peut-être là une chance inespérée. Je le fixais des yeux comme le ferait un mentaliste, me concentrant dessus comme un chalumeau sur une pointe d’acier pour le faire fondre. Tombe ! Tombe ! me disais-je dans ma tête.

La lumière revint au sortir du tunnel en gare de Magenta. En ouvrant son livre, Alice fit tomber son marque page. Je revois le bout de carton tombé lentement. Vite il faut agir ! Le problème est qu' elle eût  le même réflexe que moi. Nous nous lançâmes simultanément en quête de l’objet, ce qui eût pour conséquence de se cogner mutuellement la tête.

– Aïe !  fit Alice douloureusement en se frottant la tête.

 – Oh ! fis-je. Excusez-moi, c’est de ma faute, regardant Alice en piquant un phare. Je m’étais juré de ne pas rougir. Mais la situation m’avait échappé malgré tous les scénarios envisagés. Celui-là me laissa hébété et gêné. J’imagine elle aussi. Je la regardais droit dans les yeux, je vous promets que je m’en souviendrais longtemps. "Les yeux bleus vont aux cieux, les yeux gris au paradis, les yeux verts en enfer, les yeux noirs au purgatoire", me répétait ma maîtresse en CM1. C’était tout à la fois. Je baignais et me débattais dans cet arc en ciel de couleur, et me vit comme par enchantement lever la main droite. J’avais récupéré le marque page. Je lui tendis en souriant. Elle me remercia en se frottant de nouveau  un peu le front.

– Vraiment désolé, dis-je penaud.

Elle me retourna un beau sourire. Au moins un contact, même "frontal", avait été établi. Elle regarda par la fenêtre. Nous étions sortis du tunnel, et la vitesse de la rame augmenta. Sur ma droite, la petite fenêtre coulissante était ouverte, et un courant d’air s’en échappa faisant flotter les mèches d’Alice. Quelle suite à donner à ce premier toucher ? Fichu pour fichu, je jouais mon va-tout. En sortant Thébaïde, j’espérais  provoquer une interrogation de la part d’Alice, ou du moins une réaction.

Il n’en fut rien. Alice avait ouvert le roman à la page 151 et ses yeux roulèrent de gauche à droite.

J’en fis de même et me retrouvait à la fin de la page 151.

Baltazar et Sia étaient montés dans le TGV. Ils avaient réservé un carré et avaient souhaité de ne pas se retrouver avec des fâcheux. En riant, il avait lancé l’idée de réserver tout le carré afin de protéger leur tranquillité.

Oublie cette idée ! lui rétorqua Sia.Tu ne pourras jamais éviter que des gens s’installent sur des places réservées.

On ne regarde plus les paysages du même œil dans le TGV. Il défile bien plus vite que dans un vieux train à compartiments où l’on pouvait encore ouvrir les fenêtres. L’attention de Sia fût attirée sur un passager  du TGV qui c’est sûr n’avait pas réservé sa place. Ayant la phobie des insectes, paniquée, elle interpella Baltazar. Plongé dans sa lecture, il ne lui répondit pas tout de suite.

Page 152

Tu sais bien que je déteste les insectes ! Vas-y, débarrasse-moi de cette sale bête ! La bestiole avançait sur les vitres de façon désordonnée. Sia se trémoussait sur son siège comme un asticot en poussant des cris d’orfraies.  Balthazar pas forcément spécialiste de la chasse aux insectes prit son courage à 2 mains. Il prit une feuille de papier, poussa le Coléoptère dans sa canette de coca vide.

– C’est pas beau ça !

Sia applaudissait des 2 mains. Les voisins s’amusèrent de la situation.

– Au prochain arrêt, je descends vider la canette…

Je vis une main passer devant ma tête. Je me fis la réflexion que j’allais prendre une gifle de la part d’Alice, n’ayant pas appréciée tout mon petit manège…

Pardon, désolée lança-t-elle. Il y avait une guêpe  qui se trouvait tout près de vous sur la fenêtre. Je me suis permise de la chasser. Je la regardais interloqué. Elle baissa les yeux et vit Thébaïde ouvert devant moi. Nous nous mimes à attraper un fou rire qui retentit dans tout le wagon !

Vous aussi…fit-elle en "le" désignant des yeux.

– Oui.

– Et vous aimez ?

 

Voilà comment je fis la rencontre d’Alice et pourquoi votre livre a changé notre vie.

Simon Gepp me regarda interloqué. La dame de derrière ne pipa mot.

Au loin Alice venait  d'entrer dans le magasin. Elle me fit un petit signe de main, et vint nous rejoindre.

Vous avez une minute ? me dit Gepp. J’appelle mon agent. Votre histoire m’intéresse au plus haut point..

 

                                                                                         FIN

Marc / Humanvibes

 

« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existées ne saurait être que fortuite. »

 

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